«Je suis née au Congo, et je suis venue en Belgique à l’âge de 12 ans. J’ai fait mes cinq premières années de primaire à Kinshasa et les autres niveaux en Belgique. Cet évènement s’est déroulé à l’ARPB, quand j’étais en 1re secondaire. On était à la cantine, à table, et un camarade de classe me dit «Hey, tu sais que j’ai rêvé de toi cette nuit?», je lui demande ce que je faisais dans son rêve et il me répond, «Tu nageais, tu nageais, tu nageais… Puis j’ai tiré la chasse».
«Adolescente, j’ai fait mes secondaires dans une école d’une petite ville wallonne. Je suis métisse belgo-congolaise et nous étions très peu d’élèves racisé·e·s dans cet établissement. Régulièrement j’étais l’objet de blagues racistes de la part des autres élèves blanc·he·s On pointait mon soi-disant manque d’humour lorsque je ne rigolais pas à ces blagues. Tout ceci était banalisé et j’ai fini par intégrer cette violence comme étant normale. Je me souviens que la colonisation du Congo a été abordée au cours d’histoire mais sans réel travail de fond et d’analyse sur la violence, la manière dont les congolais·e·s ont été exploité·e·s et brutalisé·e·s pour enrichir la Belgique. Plus tard, j’ai été amenée à travailler dans des écoles maternelles, primaires et secondaires bruxelloises, j’ai pu y constater que les stéréotypes racistes étaient encore bien ancrés chez certain·e·s enseignant·e·s ainsi que chez certaines directions. Actuellement, je suis formatrice en citoyenneté auprès d’un public d’adultes issu·e·s de l’immigration, à plusieurs reprises, des parents racisés m’ont rapporté des propos racistes que leurs enfants ont subi de la part du corps enseignant. J’étais adolescente dans les années 90 et je constate amèrement que la situation n’a guère évolué en 25 ans».
«J’étais en 4e primaire, une nouvelle élève noire arrive dans l’école. Là, on me dit: ‘il y a une fille comme toi qui arrive dans l’école’. Je me dis: ‘ah c’est une métisse comme moi’. En fait, elle arrive, elle est noire, et d’origine togolaise, alors que je suis d’origine congolaise. Mais pour les gens, c’était la même chose. Alors, on m’a mise à côté d’elle pour essayer de l’intégrer dans l’école, on m’a fait changer de place en classe, alors qu’elle était belge et qu’elle parlait français».
«On me touchait (et touche encore) tout le temps les cheveux. Au début, c’était drôle mais après cela virait en phénomène de foire. On me mettait des crayons dans les cheveux. À force, je n’en pouvais plus. Et puis, à coté de ça, on me disait que je devais lisser mes cheveux. Une fois, ça va encore, mais tout le temps… ou alors, je les lissais et on me disait que c’est mieux lisse. Ça veut juste dire qu’on n’acceptait pas mes cheveux au naturel. Et lorsque tu es la seule noire à l’école, tu ne peux pas en parler aux autres, tu ne comprends pas pourquoi cela te gêne, et tu ne peux pas en parler à tes parents».
«On me confondait toujours avec une autre élève noire de l’école, parce que je suis noire. Et pour ceux qui me disaient cela, ce n’était pas grave de confondre. Je pense que c’est arrivé à tout·e·s les noir·e·s».
«En secondaire, j’avais de très bonnes relations avec les élèves, mais je n’ai jamais compris pourquoi je n’ai jamais eu d’affinité avec aucun des profs. Au début, je bossais beaucoup, j’étais l’intello. Mais en deuxième secondaire, j’étais fatiguée d’avoir le sentiment de devoir toujours bosser plus. Je devais vraiment prouver que j’étais douée, j’étais une lèche-cul, je faisais tous mes devoir, je n’avais pas le droit à l’erreur. Comme je m’entendais très bien avec les élèves, je voyais ce qu’ils produisaient comme travail, mais moi je ne pouvais pas me permettre d’en faire si peu. Cela m’a fatiguée, je suis devenue alors une élève avec des notes moyennes.»
«Un jour, il fait chaud, je dis à ma camarade que j’ai chaud, elle me répond: ‘ah bon, tu as chaud? Avec ta peau?’ Elle pensait que j’avais une peau différente… cela m’a choquée, comme si on était biologiquement constitué différemment.»
SOMMAIRE DU DOSSIER: Racisme à l'école