1884-1914 : Trente ans de lutte
En proclamant la neutralité des écoles en 1879 et en reléguant le cours de religion hors des heures scolaires, les libéraux provoquèrent la radicalisation du conflit qui les opposait aux catholiques en matière d’enseignement.
Jusqu’alors, l’Eglise s’était efforcée de s’assurer le contrôle de l’enseignement financé par l ‘Etat.
A partir de 1879, l’Eglise créa de toutes pièces un réseau d’enseignement primaire et secondaire confessionnel et dès l’arrivée des catholiques au pouvoir en 1884, le gouvernement s’efforça de subsidier ce réseau, et par la « loi Jacobs », autorisa les communes qui le souhaitaient à adopter une école confessionnelle et à supprimer l’école communale, à y rétablir le cours de religion, à remplacer les enseignants laïques par des diplômés de l’enseignement catholique.
Après le vote de la loi jacobs, l’action de la Ligue se porta dans deux directions :
- Soutien aux personnes lésées par les nouvelles dispositions législatives et par leur application.
- Soutien à une nouvelle génération d’écoles libres laïques.
Des comités de défense se constituèrent un peu partout dans le pays à l’initiative notamment des loges maçonniques.
La Ligue quant à elle créa en son sein un « Comité de consultation et de défense » chargé d’intervenir afin d’assurer la défense, le cas échéant devant les tribunaux, des enseignants lésés par une application injuste de la loi de 1884.
Sous l’impulsion de personnalités actives de la Ligue comme Buls, Couvreur, Bergé et Jottrand divers organismes de défense locaux se regroupèrent dans « l’Oeuvre nationale de la Défense scolaire » pour récolter des fonds distribués par l’intermédiaire de la Ligue et subsidier des écoles qui à cause de leur caractère laïque n’étaient pas ou n’étaient plus subsidiées par l ‘Etat.
Pour aider les membres du personnel enseignant mis en difficulté par la suppression de leurs écoles ou la réduction de leurs traitements, Alexis Sluys, un autre membre important de la Ligue créa le « Denier des instituteurs
Bien que mobilisé par la défense des intérêts du réseau officiel, le Conseil général de la Ligue ne négligea pas ses autres préoccupations et joua un rôle important dans l’élaboration de la loi de 1890 sur la réforme de l’enseignement supérieur et dans le secteur de l’éducation permanente par le lancement de l ’« Extension universitaire de Bruxelles ».
Sous la présidence d’Auguste Smets ( 1895-1896), puis de Pierre Tempels (1896-1905), la Ligue connut une sérieuse baisse de régime, sans qu’il fût question toutefois d’un arrêt total de ses activités.
Le « Bulletin », cessa de paraître régulièrement.
Le nombre de membres devait aussi connaître une chute sensible et se réduire à un peu plus de 200 à peine au début de 1905
Tout cela n’empêcha pas le dernier carré des fidèles de poursuivre leur action en particulier dans le domaine de l’éducation permanente. Pendant cette période fut mis sur pied un nouveau service qui allait connaître un succès certain pendant plusieurs décennies : il s’agit des bibliothèques circulantes, créées en 1899 par le bibliothécaire de la Ligue, Joseph Nyns.
La Gye pour aider les instituteurs des villages dépourvus de bibliothèques.
En 1904, un jeune instituteur bruxellois, Nicolas Smelten, après avoir participé à un congrès de la Fédération des Instituteurs belges, mit sur pied une « Union nationale pour la défense de l’enseignement public » et proposa à la Ligue d’unir ses efforts avec ceux de cette nouvelle association.
Ce fut chose faite au début de l’année 1905.
La Ligue, dont Charles Buls avait accepté de reprendre la présidence en fut immédiatement revitalisée.
Le « Bulletin »reparut régulièrement et dès 1906 fut entamée la publication des « Documents », une série pédagogique destinée à la publication d’études et de rapports.
Le nombre des membres atteignit à nouveau plus de 4000 en 1906.
Le 23 février 1905, l’Assemblée générale de la Ligue adoptait de nouveaux statuts.
L’article 1er des statuts disait maintenant que l’association avait pour but » de faire triompher l’enseignement obligatoire, gratuit et laïque, de propager et de perfectionner l’éducation, de développer et de défendre l’école publique « .
Plusieurs commissions furent installées : de propagande, de législation et d’enquêtes scolaires, des œuvres scolaires et de pédagogie.
La commission de propagande réussit à organiser à Bruxelles, le 18 novembre 1906 une manifestation nationale en faveur de l’obligation scolaire ; le défilé rassembla plusieurs dizaines de milliers de participants.
Une pétition de plus de 200.000 signatures fut remise au bourgmestre de Bruxelles Emile De Mot, à l’Hôtel de ville.
En 1911, la Ligue eut à combattre un nouveau projet de loi scolaire présenté par le ministre Schollaert.
Il s’agissait d’étendre encore les subventions aux écoles primaires catholiques en créant dans tous les établissements un système de financement proportionnel au nombre d’élèves, « le bon scolaire ».
Au sein de l’opposition au projet gouvernemental, le rôle de la Ligue fut prépondérant, par ses publications, ses communiqués de presse et deux grandes manifestations avec meeting à Bruxelles.
Le gouvernement fut contraint de démissionner le 7 juin 1911.
Un nouveau cabinet catholique fut mis en place et, très habilement, par la loi organique de juillet 1914 les catholiques introduisirent l’instruction obligatoire revendiquée par la gauche et obtinrent le principe de la prise en charge par l’Etat des traitements des instituteurs des écoles confessionnelles.
Pour l’Enseignement secondaire cette prise en charge ne se fera qu’après une nouvelle guerre scolaire de 1950 à 1958 qui aboutira au « pacte scolaire ».
Dès avant 1878 des membres de la Ligue avaient participé à la création d’œuvres scolaires.
Après la revitalisation de la Ligue de 1905 l’association créa une « Commission des œuvres scolaires » qui se voulait un organe de coordination de toutes ces œuvres caritatives laïques.
Elle s’intéressa aussi plus largement aux problèmes des colonies de vacances, des écoles de plein air, des pensionnats laïques et des œuvres postscolaires, vaste secteur qui recouvrait les patronages laïques, les amicales d’anciens élèves, des sociétés de secours mutuel et d’assurances.
A l’occasion d’une manifestation solennelle de sympathie à l’égard des membres fondateurs de la Ligue en janvier 1911, avec les fonds recueillis, fut créée une « Fondation Buls – Tempels » dont les revenus devaient servir à la création et à l’entretien d’un institut supérieur de pédagogie qui vivota pendant quelques années avant d’être liquidé au profit d’un « Fonds Buls – Tempels » dont les revenus servirent à subsidier les publications de la Ligue.
Avant d’en finir avec cette période d’avant-guerre, il faut encore parler d’une petite révolution qui se produisit au sein du Conseil général : il s’agit de l’admission en son sein des premières femmes.
Les deux pionnières en ce domaine furent Mesdames Brigode et Houyoux, élues membres du Conseil général en janvier 1907.
Par la suite, d’autres femmes vinrent grossir le noyau de base et une certaine tradition s’installa de confier une vice-présidence à l’une d’entre elles.