Sensibiliser à la transition écologique avec la malle PACTE

Destinée aux jeunes de 9 à 12 ans, la malle pédagogique PACTE propose des activités variées et accessibles pour sensibiliser aux grands enjeux de la transition écologique. Un projet pensé pour accompagner les enseignant·es et préparer les citoyen·nes de demain à relever les défis environnementaux.

En partenariat avec l’association française La Ligue de l’Enseignement de la Loire et la coopérative sociale italienne Mille e una Notte, la Ligue de l’Enseignement est fière de présenter le résultat d’un projet de trois années: la malle pédagogique Partager Apprendre Comprendre pour la Transition Écologique (PACTE). Les trois associations ont développé un ensemble cohérent d’outils destinés aux jeunes de 9 à 12 ans. Cette malle peut être utilisée en classe ou lors de toute activité éducative. Elle fait suite aux initiatives reconnues «Bonne pratique» par l’Agence Erasmus+ France: Fleuves Grandeur Nature! et Conscience Numérique Durable.

Un double constat qui met au travail

«Le thème du changement climatique parait inexistant de la plupart des manuels et supports pédagogiques destinés aux écoles primaires. Le projet PACTE m’a semblé répondre à un besoin. Une demande qui émanait directement des élèves. C’est comme si la question écologique était omniprésente autour d’eux, mais que personne n’avait semblé prendre le temps de la décrypter», indique Marie-Ange Coppéré, institutrice à l’école élémentaire Mulsant, située en région Auvergne-Rhône-Alpes. Une impression corroborée par le diagnostic moteur du projet PACTE: 73% des enseignant·es estiment «n’être pas assez formés et outillés pour enseigner l’environnement et le climat aux élèves»1 .
Le coordinateur du département Éducation de Bruxelles Environnement, Christophe Vermonden, appuie ce constat, fort de son expérience d’instituteur pendant dix ans dans le fondamental: «Une majorité d’enseignant·es ne sont pas assez outillé·es sur l’éducation à l’environnement. Ce bilan souligne l’intérêt d’entreprendre des partenariats entre les écoles, les scientifiques et le monde associatif. Bien qu’ils et elles ne soient pas des experts climatiques, les professeurs sont expert·es dans l’art de l’apprentissage. Ils et elles sont capables d’intégrer des éléments complexes dans leurs cours, tout en leur donnant du sens. Une compétence essentielle pour fixer ces connaissances dans le temps long».
Gaëtane Coppens, instigatrice de la Charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique, abonde: «Nous sommes de nombreux enseignants à désespérer du peu de réactions de l’école face aux enjeux socioenvironnementaux, alors que nous savons que ceux-ci vont impacter la vie de nos élèves. Pour mieux préparer les adultes du futur, il faut repenser certains enseignements, s’emparer des problèmes dont nos élèves sont conscients mais qu’ils ne comprennent pas, et regarder ensemble comment y faire face. L’enseignement et les médias sont deux leviers centraux dans les changements nécessaires de nos sociétés, il est capital qu’ils soient suffisamment soutenus à la fois par la société civile et par les autorités politiques».
Par ailleurs, l’envie des jeunes d’être informés éclaire différemment ce tableau. Une enquête consacrée à l’éducation à l’environnement publiée en 2022 par le Forum des Jeunes rapporte que «un jeune sur deux souhaiterait se voir enseigner des solutions, tant individuelles (sobriété numérique, réduction de la consommation de viande, promotion de la seconde main, etc.) que collectives (politiques, entreprises, société civile) à apporter face aux différentes crises environnementales»2 . Un sondage qui révèle également que «88% des jeunes se sentent concernés par ces enjeux».
Ce double constat a été l’impulsion du projet de malle pédagogique PACTE. «Nous voulions agir à notre échelle, en proposant des outils facilement préhensibles par les instituteurs et institutrices», explique Franck Beysson, coordinateur du projet PACTE, en se remémorant les premiers échanges à Roanne à la fin de l’hiver 2022. «Nous sommes conscients que le métier est en souffrance, nous cherchions à concilier la simplicité à la rigueur scientifique», appuie sa collègue Clémentine Roux-Frappaz.

Des outils ludiques et accessibles

Le projet PACTE se distingue par sa volonté de démocratiser des notions parfois complexes et de faciliter le travail des éducateurs et éducatrices. La malle se compose d’outils ludiques, pratiques et duplicables. Bien que s’enchaînant de façon logique, les activités pédagogiques sont indépendantes, et chaque éducateur ou éducatrice pourra faire son choix parmi celles proposées dans les différents parcours.
Les activités sont accompagnées par des posters et des animations audiovisuelles. Variées, elles proposent des jeux interactifs, des interviews d’expert·es et des témoignages d’acteurs du terrain associatif, qui partagent leurs pratiques innovantes en matière de transition écologique. «Jamais je n’aurais osé me lancer dans un tel projet sans l’appui du guide, des séquences réfléchies, des documents riches et variés», témoigne un instituteur après avoir expérimenté la malle avec ses élèves.
Une simplification qui ne signifie pas pour autant simplisme: la simplification scientifique n'est pas une pratique de vulgarisation de la littérature scientifique, mais une activité de traduction de cette littérature. «J’ai apprécié que les élèves, au travers de ces activités, soient pris au sérieux, qu’on ne cherche pas à trop vulgariser le contenu, à atténuer les difficultés. Au contraire, les outils invitent les enfants à faire partie du mouvement. La classe s’est vraiment investie dans le projet», rapporte avec enthousiasme une institutrice. Après avoir testé la thématique Santé et Environnement, une autre éducatrice souligne l’importance de cette tension entre scientificité et accessibilité pédagogique, valorisant l’opportunité offerte à son groupe de «comprendre la complexité d’une thématique comme la santé, ses multiples facettes et les liens entre l’environnement et notre bien-être».   

Pédagogie de la conscientisation et de l’engagement

Les activités présentées tout au long des parcours sont alimentées par la pédagogie de la conscientisation et de l’engagement. Théorisée par Catalina Ferrer et Réal Allard, celle-ci vise à développer une forme de citoyenneté démocratique, capable de répondre aux défis complexes. Comme l’écrit le professeur de psychologie éducationnelle Rodrigue Landry, cette forme de pédagogie se situe à la jonction de la normativité et de l’autonomie : «C’est un processus qui socialise la personne tout en “l’autonomisant” et qui “l’autonomise” tout en la socialisant3 ».
Instigateurs de cette sensibilité pour l’élaboration de la malle, Milvia Rastrelli, Mario Mangicotti, Roberto Rosso et Giovanni Esposito résument en cœur depuis Rome: «La pédagogie de la conscientisation et de l’engagement prend appui sur le postulat que l’être humain constitue un tout complexe. Le savoir se construit dans un processus d’interaction constante entre les dimensions personnelles, interpersonnelles, sociales et environnementales qui affectent nos vies quotidiennes. Elle se déroule en deux temps, intimement solidaires: les actions conscientisantes et l’engagement. Ce processus dialectique assimile le savoir au faire et le faire au savoir».
À travers les outils PACTE, des compétences multiples et tout aussi essentielles sont activées: l'esprit critique, la communication et l'empathie. En cherchant à marier le fond avec la forme, les élèves apprendront selon cette vision systémique et interdisciplinaire, indispensable pour la compréhension complexe de la durabilité. «Le côté réflexif et la sensibilisation permettent de réfléchir aux actions réalisables soi-même et puis, en groupe, de se sentir concernés», explique un instituteur lors de la phase de test de la malle.

Six thématiques pour la transition écologique

Pour assimiler des réalités parfois très anxiogènes sans les rendre écrasantes, la prise de conscience est encouragée à travers des activités pratiques. Celles-ci font appel à la créativité, la prospective et l'engagement collaboratif des participant·es. C’est à partir de ce prisme que la malle développe six thématiques: la biodiversité, la consommation et la production responsables, le climat, la santé et l’environnement, et la citoyenneté planétaire.

BIODIVERSITÉ
Dans cette thématique, les élèves découvrent la diversité du vivant de manière concrète et ludique. De l'histoire de l'évolution à la préservation des écosystèmes, chaque séance propose une perspective singulière: exploration sensorielle de microenvironnements, exploration des biomes terrestres à travers des jeux éducatifs ou encore analyse des impacts du changement climatique. Le parcours culmine par une mise en pratique de la protection des biotopes environnant les élèves.
Ce module vise à appliquer le modèle de gestion des menaces à la biodiversité (VMR) élaboré par le chercheur de renommée internationale Corrado Battisti, professeur d’Écologie appliquée à l’Université de Roma III. Il participe à l'élaboration des compétences scientifiques des élèves, tout en suscitant une sensibilité environnementale. Développées par la coopérative sociale italienne Mille e una Notte, ces activités nous enseignent qu’apprendre avec le cœur fixe plus durablement les connaissances que la méthode du par cœur.  

«Ces activités nous enseignent qu’apprendre avec le cœur fixe plus durablement les connaissances que la méthode du par cœur.»

PRODUCTION ET CONSOMMATION DURABLES
Le parcours débute par un constat frappant: la masse des matériaux créés par l'espèce humaine dépasse désormais celle du vivant sur Terre. Une réalité qui pousse les élèves à s’interroger sur l'impact de l’humain sur l’environnement. À travers le prisme des travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les enfants explorent huit secteurs clés de la production et de la consommation. À noter: le phénomène de la fast fashion mis en avant de façon innovante. Cet éclairage sur la surconsommation textile ouvre le débat sur la responsabilité individuelle et collective des choix de consommation.
La question des déchets n'est pas en reste, avec l'apprentissage de la règle des 5 R: refuser, réduire, réutiliser, recycler, rendre à la terre. Le parcours se conclut par l’étoile du changement, un outil pour identifier et initier des pistes de gestes à appliquer pour tendre vers une consommation plus responsable, et mettre ainsi en pratique les multiples connaissances glanées tout au long des séquences.

SANTÉ ET ENVIRONNEMENT
La thématique s’ouvre à partir des connaissances des participant·es sur les facteurs qui influencent la santé. Après les avoir parcourus, la réflexion s'enrichit avec la notion de déterminants sociaux de la santé, distingués selon cinq catégories de facteurs: les comportements, les conditions socioéconomiques, les aspects biologiques, l’environnement et les services. Les élèves élargiront leur connaissance de la santé à l’ensemble des êtres vivants, en se questionnant sur les besoins de huit espèces représentatives de la pluralité des milieux. Ils les confronteront avec les besoins humains et identifieront leurs impacts sur ceux des autres espèces.
L’établissement de l’interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale permet de saisir les enjeux de santé à une échelle plus globale, tout en ancrant ces problématiques au sein d’exemples géographiquement proches des enfants. Le chercheur en épidémiologie à l'ULB Marius Gilbert intervient lors d’une séquence vidéo pour parler de la santé de l’environnement. Après avoir établi le diagnostic de la santé de l’environnement, des prescriptions seront collégialement imaginées, sous la forme d’actions à mettre en place, afin de prendre soin du territoire qui entoure les élèves.

CLIMAT
La thématique démarre par une distinction entre météo et climat, prérequis indispensable pour comprendre les enjeux climatiques. Progressivement, le module guide les élèves vers l'exploration des impacts du changement climatique, des sécheresses aux migrations climatiques. Le démêlement des causes et des conséquences s’opère ensuite par le biais d’une enquête interactive. Le sujet des inégalités face au changement climatique est travaillé par les élèves, qui s’interrogent sur la relation entre niveau de vie, pollution et capacité d'adaptation. Un questionnement qui vise à sortir des schémas binaires pour aborder les enjeux écologiques dans leur complexité.
Le parcours se conclut par une note engageante, en présentant des figures inspirantes de la lutte climatique. Les élèves sont ensuite invités à explorer leur propre environnement pour identifier des pistes d'actions concrètes. Cette séquence finale, composée par la Ligue de l’Enseignement de la Loire, permet de traduire la prise de conscience en engagement dans l'avenir, pour délier les nœuds de l’écoanxiété en vecteurs d’action à faire advenir.

CITOYENNETÉ PLANÉTAIRE
Cette thématique aborde les dimensions politiques et philosophiques de la transition écologique. Bien que transversales à l’ensemble du projet PACTE, elles sont ici traitées frontalement. La démocratie est problématisée à travers des activités qui mobilisent le débat et cherchent à susciter l'esprit critique. Ces expériences encouragent les élèves à prendre conscience de leur rôle présent et futur dans la société. La première séance explore la citoyenneté à travers un paysage imaginaire, encourageant les élèves à réfléchir, à leur échelle, sur la société de demain.
La pratique du débat est ensuite mise en avant, incitant les élèves à prendre position et à construire des arguments sur des questions écologiques. L’activité suivante sensibilise les jeunes au greenwashing, développant ainsi leur capacité à questionner les informations. L'objectif final de cette thématique est de les impliquer concrètement dans la définition d'une action à mettre en place, soulignant l’idée que la citoyenneté, avant d'être un statut, est un acte.

EAU
Le programme démarre par une réflexion sur la place de l'eau dans le vivant. Elle rappelle une évidence parfois oubliée: l'être humain, comme toute espèce, dépend de cette ressource précieuse. Une approche sensible qui pose les bases d'une prise de conscience plus large. À travers l'exemple concret d'un jean, les élèves découvrent l'eau «cachée» dans nos objets quotidiens, révélant l'impact mondial de notre consommation. Cette approche systémique permet de comprendre les mécanismes complexes de notre empreinte hydrique.
Le parcours aborde également les inégalités d'accès à l'eau, reconnu depuis 2010 comme droit fondamental par les Nations unies. Face aux défis du réchauffement climatique et de la pollution, les élèves sont amenés à réfléchir aux enjeux de partage et de préservation de cette ressource vitale, du niveau local à l'échelle planétaire.

Une myriade de possibilités

Testées près d’une centaine de fois dans les trois pays, les activités de la malle PACTE ont été soutenues par le programme Erasmus+. Elles ont également bénéficié de l’apport scientifique d’un panel étendu, notamment de l’ancien vice-président du GIEC, Jean-Pascal van Ypersele. Celui-ci, dans une séquence vidéo qui parachève la thématique Citoyenneté planétaire, explique aux enfants : «Qu’est-ce que vous pouvez faire à votre âge? Nous pouvons tout faire. Nous commençons à avoir suffisamment de connaissances et de compréhension de ce qui se passe. Qu’est-ce qui cause quoi. Quelle est l’origine des problèmes […] Vous avez une myriade de possibilités de choses à faire et de domaines où vous engager». Gageons que les outils de PACTE seront une porte d’entrée à l’engagement des citoyen·nes de demain.

• 1Enquête Parentalité et écoanxiété réalisée par l’assureur MAIF en juin 2023. Échantillon de 502 enseignant·es français·es en école élémentaire, collège et lycée, de l’enseignement public et privé.
• 2FORUM DES JEUNES. L’éducation en question : quelle place pour l’environnement ?, 2022. Échantillon de 1019 jeunes: 60% de jeunes de 16 à 18 ans, 28% de 19 à 24 ans et 12% de 25 à 30 ans. https://forumdesjeunes.be/wp-content/uploads/2023/01/Avis-Education-a-l…
• 3LANDRY R. Pour une pleine réalisation du potentiel humain : la pédagogie actualisante, Éducation et francophonie, 2002.