Les malles pédagogiques, une solution miracle?
Lundi 2 décembre 2024
Face aux enjeux croissants de la transition écologique et à l'urgence de sensibiliser les jeunes générations, de nouvelles ressources pédagogiques voient le jour pour soutenir les enseignant·es. Parmi celles-ci, les malles pédagogiques, qui se présentent comme des outils ludiques et «prêts à l'emploi», sont de plus en plus prisées. Mais sont-elles la solution parfaite pour aborder la complexité des enjeux socio-environnementaux?
Les malles pédagogiques représentent-elles la panacée ou de «simples» coups de pouce pédagogiques et didactiques? Le projet PACTE, par exemple, propose une mallette sur des thématiques socio-environnementales dès la deuxième moitié de l’école primaire. Mais ces malles sont-elles une solution miracle ou simplement une aide parmi d'autres pour intégrer les enjeux écologiques dans l'éducation? Explorons cette question à travers une analyse des défis, des opportunités et des limites de ce type d’outil pédagogique.
Un défi éducatif pour les enseignant·es
L’objectif de la malle PACTE est clair: sensibiliser les enfants de 9 à 12 ans aux enjeux complexes de la transition écologique. Or enseigner ces thématiques s’avère particulièrement ardu pour plusieurs raisons. D’un côté, les problématiques socio-environnementales entremêlent de nombreuses disciplines, telles les sciences naturelles, l'économie, la sociologie ou encore la politique. Il est facile de comprendre que les enseignant·es n’ont pas l’expertise dans toutes ces disciplines. En effet, ils et elles sont peu formées à ces sujets dans leur formation initiale et les propositions de formation continue ne comblent pas ce manque. Le sentiment de n’être pas suffisamment préparé·e peut provoquer un manque de légitimité, qui peut se comprendre lorsque l’image de l’enseignant·e s’associe à la posture de sachant.
D'autre part, la tranche d'âge visée par cette malle, c’est-à-dire les enfants de 9 à 12 ans, présente elle aussi des spécificités pédagogiques. À cet âge, les élèves commencent à s'intéresser au monde qui les entoure, mais leur compréhension des enjeux globaux est encore limitée. De plus, les contenus peuvent rapidement mobiliser des connaissances et compétences qui dépassent les programmes ainsi que la capacité de compréhension des apprenant·es. Comment, alors, leur transmettre la complexité des interdépendances écologiques et sociales sans les noyer dans des concepts abstraits? Comment éveiller leur conscience critique tout en leur offrant des clés de compréhension accessibles?
Une série de freins à l’intégration des enjeux
Malgré la pertinence et l’urgence d’aborder ces thématiques, plusieurs obstacles freinent leur intégration dans les pratiques pédagogiques courantes. Parmi ces freins, les enseignant·es mentionnent régulièrement le manque de maîtrise du contenu. Les enjeux socio-environnementaux sont souvent perçus comme complexes et ces contenus ne font pas toujours partie de leur bagage pédagogique et didactique. Cette méconnaissance peut engendrer une certaine appréhension et un inconfort certain, ce qui a pour conséquence le survol de sujets non suffisamment maîtrisés, et des liens importants pour la compréhension globale des problématiques sont manqués.
Distinguer les enjeux locaux des enjeux globaux est une autre difficulté rencontrée. Il est facile, en effet, de se perdre entre les problématiques locales, ancrées dans un contexte proche de l’établissement scolaire, et les problématiques globales, aux conséquences plus lourdes mais moins tangibles. Il est essentiel de cibler la problématique en effectuant des allers-retours entre le local et le global, tout en maintenant un fil conducteur qui guide les apprenant·es vers les objectifs initiaux. Cet exercice peut être perçu comme un véritable jeu d’équilibriste, dans lequel l’enseignant·e peut vite se sentir mis à mal dès l’élaboration du dispositif d’apprentissage.
La gestion des controverses scientifiques et des «questions socialement vives» fait aussi partie des obstacles. Les sujets écologiques et sociaux, souvent qualifiés de «questions socialement vives», peuvent susciter des débats et des opinions divergentes. La question de ces enjeux étant à ce point complexe et faisant intervenir de nombreuses disciplines, certain·es expert·es ne s’accordent pas sur les solutions ou sur l’interprétation de résultats. Cela se réplique dans la société en général mais également au sein des classes, entre les élèves. Gérer ces controverses dans un contexte d’apprentissage nécessite une posture délicate, car il s’agit à la fois de respecter la pluralité des opinions tout en fournissant un cadre d’analyse rigoureux.
La gestion des émotions est également problématique. Parler de l'avenir du climat, de l'épuisement des ressources naturelles ou d’une extinction de masse peut susciter des émotions fortes, tant chez les élèves que chez les enseignant·es. Des concepts comme l’écoanxiété peuvent émerger, posant des défis supplémentaires en termes de gestion émotionnelle et relationnelle dans la classe. Ici encore, cette gestion n’est pas une compétence fortement développée dans la formation initiale des enseignant·es, ce qui peut mettre à mal cette facette pourtant fondamentale dans le fait d’aborder ces enjeux en classe.
Mentionnons encore le frein que constitue la charge de travail. Intégrer de nouveaux contenus pédagogiques, se former aux enjeux socio-environnementaux et adapter les activités représentent un surcroît de travail non négligeable pour des enseignant·es déjà souvent surchargé·es.
«Une malle pédagogique doit être intégrée dans un contexte d’apprentissage plus global qu’une simple activité d’apprentissage.»
Une aide bienvenue mais insuffisante
Dans ce contexte, les malles pédagogiques semblent apporter une réponse intéressante aux problèmes susmentionnés. En effet, elles offrent un cadre structuré, des activités clés en main qui permettent aux enseignant·es de s’appuyer sur des outils concrets sans devoir tout construire eux-mêmes, ce qui leur donne confiance et leur fait gagner du temps. Elles permettent ainsi d'aborder des sujets jugés complexes de manière ludique et adaptée à l'âge des enfants, rendant les enjeux plus accessibles.
Bien que prometteurs, ces outils ne sont cependant pas une solution miracle et il est important de prendre un peu de recul. Utiliser une malle de manière isolée, sans une réflexion pédagogique approfondie, peut fortement limiter son efficacité. De fait, avant de recourir à une malle pédagogique, l’enseignant·e doit s’interroger sur ses propres objectifs: le but recherché est-il de sensibiliser les élèves de manière durable ou de simplement les informer ponctuellement? Le contenu de la malle répond-il aux objectifs fixés, ne serait-ce que partiellement? Il est évident qu’une malle pédagogique doit être intégrée dans un contexte d’apprentissage plus global qu’une simple activité d’apprentissage, pour que l’ensemble soit cohérent et adapté au contexte et au public auquel on s’adresse.
Il est important de souligner que l’enseignant·e conserve un rôle actif dans l’ajustement des contenus, et que cela nécessite parfois des aménagements pour que les activités proposées correspondent aux besoins et au niveau des élèves. De plus, évaluer l’impact des activités menées grâce aux malles est un aspect crucial souvent négligé. Si les activités proposées ne suscitent pas les effets escomptés, il est essentiel de pouvoir ajuster la démarche. Or cela peut être difficile pour un·e enseignant·e novice dans ce domaine.
Des ressources pour renforcer l’utilisation des malles
Dans la continuité du point précédent, il est important de ne pas se contenter d’un outil isolé. Pour cela, les enseignant·es peuvent s’appuyer sur des formations dispensées par des ASBL spécialisées en éducation relative à l'environnement (ErE). Des associations comme le Réseau IDée recensent ce type d’ASBL. Pour ne prendre que deux exemples testés personnellement, Écotopie et Empreintes offrent des ressources et des formations qui permettent aux enseignant·es d'acquérir des connaissances plus approfondies sur les enjeux socio-environnementaux et de réfléchir à des pratiques pédagogiques adaptées à leur contexte.
Ces formations permettent non seulement de renforcer la maîtrise des contenus, mais aussi de créer des espaces d’échanges entre enseignant·es. Ces moments de partage sont précieux pour apprendre des expériences des autres et pour se soutenir mutuellement face aux défis rencontrés, qu’ils soient en lien ou non avec les freins relevés plus haut.
«Les malles pédagogiques peuvent réellement contribuer à une éducation relative à l’environnement qui forme à une citoyenneté éclairée et engagée, prête à relever les défis de demain.»
Une démarche progressive et réfléchie
Les malles pédagogiques, telles que celle proposée par le projet PACTE, peuvent être des tremplins efficaces pour introduire les enjeux socio-environnementaux dès les classes de la deuxième moitié de l’enseignement primaire. Elles offrent une structure rassurante pour les enseignant·es, notamment les moins expérimenté·es dans ces thématiques. Toutefois, elles ne doivent pas être perçues comme une solution parfaite qu’il ne faut pas remettre en question.
Pour garantir une éducation de qualité, il est crucial que les enseignant·es accompagnent l'utilisation de ces outils d'une réflexion pédagogique approfondie, et qu’ils bénéficient d’un accompagnement continu et de formations adaptées. En procédant ainsi, ces malles peuvent réellement contribuer à une éducation relative à l’environnement qui forme à une citoyenneté éclairée et engagée, prête à relever les défis de demain.