La fin d’année et le début de l’année nouvelle sont souvent l’occasion de tirer le bilan de la période écoulée et de se fixer de nouveaux objectifs, espérant par là améliorer notre existence. Las, ces bonnes dispositions demeurent souvent lettre morte car il est difficile de changer.
Ce qui est vrai des individus l’est également des sociétés. Ainsi des lendemains d’élections, quand les promesses électorales se transforment en projets de réformes dans les programmes de gouvernement, au risque de demeurer pareilles à des vœux pieux ou de n’apporter aucune amélioration.
Il est également des moments de rupture dans la vie des individus comme des sociétés. Un événement soudain change le sens de l’existence et oblige à changer de cap, comme le voilier dans la tempête se déroute pour trouver un temps meilleur. De nouvelles contraintes, ressenties désormais comme insupportables ou inacceptables, suscitent des prises de conscience et des convulsions sociales qui remettent en question le fonctionnement de la société et contraignent au changement.
Face à l’abîme, les individus comme les peuples hésitent à avancer et préfèrent se replier sur des solutions connues, parce qu’anciennes et traditionnelles, ou sur davantage d’ordre et d’autorité, parce qu’ils donnent le sentiment du contrôle et de la sécurité. Toutes ces attitudes sont compréhensibles. Mais elles découragent l’innovation en la présentant comme dangereuse, quand elle est seulement nécessaire.
L’enseignement a-t-il un rôle à jouer dans ces moments de rupture? Assurément. Sans doute pas dans le sens de livrer aux élèves un plaidoyer en faveur du changement ou de l’immobilité. Cela conduirait l’enseignement à une forme d’endoctrinement qui tend à réduire l’esprit de liberté et la capacité de raisonner librement. Sa mission est plutôt celle d’informer, de lutter contre les préjugés, de doter les individus des instruments théoriques et pratiques dont ils ont besoin pour se réaliser dans la vie et, au travers de celle-ci, pour apporter à la société leur propre contribution d’hommes et de femmes libres.
Mais ce n’est pas tout. À moins de n’envisager le changement que contraint ou de ne prôner qu’une pseudo-immobilité face à la réalité mouvante, il n’est d’autre issue que d’assumer le changement en le voulant. Mais ceci suppose une volonté qui soit libre.
C’est la tâche de l’enseignement que d’éduquer à l’exercice de cette liberté.
Patrick Hullebroeck, directeur