Une vague verte sur les écoles?

Lundi 5 novembre 2018

Une vague verte a déferlé sur Bruxelles et dans les Provinces wallonnes, provoquant ci et là, des changements importants dans les majorités communales. Que peut-on attendre de celles où Ecolo aura la main, particulièrement en matière d’enseignement? Interview de la conseillère communale schaerbeekoise Barbara Trachte.

Le succès des écologistes lors de ces élections de 2018 ne se réduit pas uniquement au nombre grandissant de voix et, de fait, aux nouvelles majorités communales qu’ils ou elles rejoindront d’ici peu. Au sein même de leurs rangs, une autre victoire laisse entrevoir un renouveau en matière de démocratie. Il s’agit du score des femmes puisque 70 % des mandataires chez Ecolo sont des femmes. C’est pourquoi, nous avons choisi de nous tourner vers l’une d’entre elles pour évoquer ensemble quelles seront les priorités en matière d’école et de crèches.

Éduquer: Tout d’abord, quels sont les objectifs des écologistes pour les six années à venir?

Barbara Trachte: Nous allons très concrètement nous préoccuper de l’avenir de la planète. Comme l’indique le rapport du GIEC[1], la plupart des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique doivent se prendre au niveau local. Et de fait, le résultat de ces élections de 2018, c’est bon pour chaque commune, mais c’est aussi bon pour la planète. Il faut que dans les six prochaines années, nos communes soient toutes dotées de Plans Climat ambitieux, qu’elles réduisent leur dépendance aux énergies fossiles, qu’il y ait moins de voitures donc, plus de verts également et plus de biodiversité.

Éduquer: Comment les communes peuvent elles lutter contre un réchauffement climatique qui nous dépasse totalement?

B.T.: Il y a énormément de choses qui peuvent être faites au niveau des infrastructures communales et des bâtiments scolaires qui appartiennent aussi aux communes. On peut produire de l’électricité verte sur les toits, par exemple. Cela peut se faire avec des tiers investisseurs et donc, à très peu de frais. C’est déjà le cas à Schaerbeek et à Jette, où les bâtiments communaux et les écoles sont recouverts de panneaux solaires photovoltaïques pour réduire la consommation d’électricité en utilisant l’énergie que l’on produit nous-mêmes. C’est la commune qui bénéficie de cet avantage mais ce n’est pas elle qui a fait l’investissement. Et on peut tout à fait insuffler ce type de projets dans les autres écoles, non communales.

Éduquer: Produire de l’énergie verte à l’école mais aussi œuvrer pour une meilleure qualité de l’air?

B. T.: Très certainement, en instaurant des rues scolaires qui limitent la circulation automobile autour des écoles. C’est la nouvelle mode en ce moment et c’est tant mieux. On sait que cela a une forte incidence sur la qualité de l’air à l’intérieur de l’école et donc forcément, sur la capacité des enfants à apprendre. On peut générer des plans de déplacements dans les écoles, encourager les parents et les enfants à se déplacer de manière active et douce. On peut faire des rangs scolaires à pied ou à vélo en faisant appel au personnel communal et notamment aux gardien·ne·s de la paix qui aident aux traversées de passages piétons, mais pas uniquement. Dans certaines écoles qui le pratiquent déjà, cela se fait avec l’aide de parents, de grands-parents d’un même quartier qui s’organisent. Autant de solutions qui vont toutes aussi dans le sens d’accorder aux enfants plus d’autonomie.

Éduquer: Les communes ne sont pas régulatrices en matière d’enseignement puisque c’est une matière communautaire. Néanmoins, elles disposent de leviers d’action permettant d’insuffler des priorités environnementales. Quelles seront les vôtres?

B.T.: La priorité, c’est clairement l’éducation au développement durable. Aborder la question du développement durable à l’école, c’est s’interroger sur les enjeux d’aujourd’hui pour les adultes de demain. La réduction des inégalités, la préservation des ressources, le changement climatique, la mobilité urbaine… Toutes les actions que les écoles peuvent mener en installant, par exemple, des ruches sur les toits, des panneaux photovoltaïques ou en réduisant la consommation de déchets, constituent nombre d’occasions d’apprendre aux générations futures, les maths, la physique, la biologie… Je pense aussi aux cantines et aux apprentissages qui peuvent découler du simple fait d’étudier ce qu’il y a dans les assiettes avec les enfants. Éduquer à l’impact environnemental, aux politiques d’achats locaux, à la consommation de produits de saison, à l’intérêt de privilégier les petits producteurs proches plutôt que le géant des cuisines, de réduire la consommation de viande… Certaines communes ont encore du travail à faire sur les cahiers des charges des cantines.

Éduquer: Selon vous, quels sont les grands défis pour améliorer l’accueil et le fonctionnement des écoles?

B.T.: Le grand défi de l’enseignement aujourd’hui en Fédération Wallonie-Bruxelles, dans les communes et particulièrement à Bruxelles, ce sont les inégalités scolaires. Si l’on veut pouvoir offrir les mêmes chances à tous les enfants d’être libres de leur destin, de leurs choix, cela commence par l’accueil à l’école. Il faut donc bien entendu créer plus de places, en particulier à Bruxelles, pour répondre au boom démographique, mais aussi faire en sorte de les rendre plus qualitatives et ce, dès le plus jeune âge. Chacun doit pouvoir y accéder et être accueilli correctement. Actuellement en FWB, ce n’est pas le cas. Aucune limite en termes de capacité n’a été fixée dans les classes, ni en maternelle, ni en classe d’accueil. Les communes peuvent décider d’en changer. À Schaerbeek, nous en avons imposé une aux écoles; les enfants sont au maximum 22 par classe. Par ailleurs, les communes reçoivent le minimum de la Communauté française mais elles sont tout à fait libres d’investir plus. Avec le Pacte pour un Enseignement d’Excellence, toutes les écoles ont eu droit à des budgets supplémentaires pour les maternelles[2]. Mais pour moi, on peut aller encore plus loin.

Éduquer: En matière de crèches aussi, les communes doivent se donner plus de moyens?

B.T.: D’une part, il faut établir des règles d’inscription qui soient plus claires qu’aujourd’hui et d’autre part, il faut se pencher sur la qualité de l’accueil. Il me semble indispensable d’avoir des puériculteurs et des puéricultrices sur chaque implantation. Les communes doivent être en mesure de proposer des sorties extérieures, des activités avec les enfants, un lieu de sieste de qualité…

Éduquer: Pour lutter contre les inégalités scolaires, vous nous avez parlé d’accueil de qualité. Qu’en est-il de la gratuité? Vous avez déposé à ce sujet, une proposition de décret au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Que peut-on espérer comme répercussions dans les écoles communales?

BT.: Pour moi, la gratuité, c’est «un enfant égal un enfant» et donc, c’est à la Communauté française de garantir cette solidarité vis-à-vis de tout le monde. On ne peut pas tolérer un monde où selon l’endroit où l’on vit, on a plus de chances et plus de droits. Les inégalités qui sont justifiées et liées aux finances des communes ou des réseaux dans lesquels on inscrit son enfant, je trouve que ce n’est pas acceptable. Pourtant dans les faits, c’est ce qu’il se passe. Des communes pauvres comme Schaerbeek ou Molenbeek ont beaucoup moins de leviers et cela se répercute sur les parents et les enfants. Pour ce qui est du décret Gratuité[3] que nous avons déposé avec mon groupe, il a déjà été examiné une première fois au Parlement le 25 septembre. On attend le projet du gouvernement et on espère pouvoir analyser les deux en mêmes temps très prochainement. Cela risque de prendre un certain temps mais que cela n’empêche pas les communes de continuer à avancer vers plus d’équité là où cela est possible. Pour nous, il y a trois lieux où cela devient important d’agir: il faut permettre à tous les enfants de rester à l’école sur le temps de midi, gratuitement. Il faut prévoir des classes vertes peu onéreuses qui ne sélectionnent plus les publics… Et il faut diminuer les coûts du matériel en commençant par les maternelles et les primaires.

Éduquer: À quand une école totalement gratuite, des rythmes scolaires adaptés tant aux enfants qu’aux parents, des activités extrascolaires organisées dans toutes les écoles?

B.T.: Dans mon monde idéal, les enfants prennent leurs petits-déjeuners à l’école, y passent tous leurs temps de midi et profitent d’un éventail d’activités extrascolaires. Les parents ne courent pas à gauche et à droite. Les écoles sont ouvertes aux gens du quartier en dehors des heures de cours actuelles. La plaine de jeux, la cours de récré, la salle de sport, tous ces lieux communs sont accessibles. C’est tout à fait possible à mettre en place avec quelques aménagements. On est là pour ça, nous, mandataires communaux.

Maud Baccichet, secteur communication  

[1] Le GIEC est le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat. Il produit à intervalles réguliers (5 à 7 ans), des rapports d’évaluation de l’état des connaissances relative aux changement climatique. Ces rapports constituent le principal apport scientifique alimentant les négociations internationales sur le climat. [2] La première décision concrète du Pacte fut d’annoncer un recrutement de 1.100 professionnel·le·s supplémentaires étalé sur les 3 années à venir et ce, à partir de la rentrée 2017-2018. [3] Proposition de décret visant à tendre vers la gratuité effective de l’enseignement obligatoire – 668 (2017-2018). Auteur·e·s: Barbara Trachte, Stéphane Hazée, Philippe Henry, Christos Doulkeridis, Hélène Ryckmans, Matthieu Daele.  

nov 2018

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