Populisme, au-delà des préjugés - Entrée en matière

Mardi 2 avril 2019

Aucun concept important n’échappe au débat. Toutefois, les discussions au sujet du populisme ne concernent pas seulement ce qu’il est mais son existence même. Il s’agit bel et bien d’un concept essentiellement contesté». Cas Mudde et Cristobal Rovira Kaltwasser.   «Tous les populismes visent à fédérer des demandes insatisfaites mais tous ne le font pas de la même façon». Chantal Mouffe, philosophe.

 

«Vous êtes un populiste» avait répété quatre fois le Premier ministre Charles Michel à la Chambre, le 21 mars 2017, en s’adressant à Raoul Hedebouw, porte-parole du Parti du travail de Belgique (PTB). «Vous êtes unpopuliste, Monsieur Hedebouw, vous le démontrez de manière flagrante aujourd’hui»[1] . Dernièrement, Benoît Hamon, l’ancien candidat à la présidentielle française, s’exprimait à propos du leader de la France Insoumise: «Mélenchon ne se dit plus de gauche, il est populiste»[2]. Et régulièrement, le mouvement des Gilets jaunes est qualifié de «populiste» dans les médias. «Gilets jaunes: derrière le ras-le-bol social, le danger populiste», titrait Le journal français Libération en novembre dernier[3] . Ainsi, si cette étiquette semble régulièrement attribuée aux autres, en la chargeant d’une connotation négative, elle est, selon les auteurs de l’ouvrage Brève introduction au populisme, Cas Mudde et Cristobal Rovira Kaltwasser, rarement revendiquée par les personnes et les organisations ellesmêmes. C’est l’une des raisons qui, selon eux, fait que le concept est difficile à définir. En effet, «différents spécialistes définissent le populisme comme, entre autres, une idéologie, un syndrome, ou un mouvement (…) De plus, partout dans le monde, il ne renvoie pas à la même chose: en Europe, il est synonyme de lutte contre l’immigration et de xénophobie, en Amérique latine, le terme sous-entend plutôt clientélisme et mauvaise gestion économique». Difficile donc de s’y retrouver. C’est pourquoi, nous proposons dans ce dossier d’Éduquer d’expliciter quelque peu ce concept controversé. Dans un premier temps, la sociologue Annie Collovald, expliquera que l’utilisation actuelle du terme, assez récente, revêt aujourd’hui le caractère d’un racisme social et disculpe les élites de la montée des intolérances et des inégalités que nous connaissons dans nos sociétés. L’historien Henri Deleersnijder proposera ensuite plusieurs définitions du concept et une distinction entre un «populisme protestataire», et le «national-populisme» ou «populisme identitaire». Enfin, Amnesty International reviendra sur les offensives contre les droits humains perpétrées en Asie et en Europe, ainsi que sur la montée de groupes politiques qui prônent la haine et la discrimination, s’imprégnant «des discours d’exclusion alimentés par certains responsables politiques et une presse prompte à encourager les divisions, l’apologie de la haine et de l’intolérance». Et si se pencher sur le concept de populisme était une porte d’entrée pour réinterroger notre modèle politique et la démocratie telle que nous la connaissons?

Dossier réalisé par Juliette Bossé, secteur Communication  

[1] Le Soir, 21/03/2017. [2] HuffPost, 12/01/2019. [3] Libération, 18/11/2019.   Illustration: Photo prise devant l’ambassade de Turquie pour demander qu’y soit respecté la liberté de la presse et que cessent les persécutions à l’encontre des professionnel·le·s des médias (ceux qui déplaisent aux  autorités). © Amnesty International / Frédéric Moreau de Bellaing

Avr 2019

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