Les compétences en lecture des élèves de quatrième année primaire en FW-B / Un éclairage grâce à l’enquête PIRLS

Lundi 6 décembre 2021

Photo by Annie Spratt on Unsplash
Virginie Dupont, Chargée de recherche à l’ULiège et Patricia Schillings, Chargée de cours à l’ULiège

Tous les 5 ans, en Fédération Wallonie-Bruxelles (FW-B), un échantillon représentatif d’élèves de 4e année primaire participe à une grande enquête internationale encore peu connue nommée PIRLS. Mais qu’est-ce que PIRLS et que nous apprend-t-elle sur le plan des apprentissages des élèves en FW-B?

Des constats cycliques pour dégager des pistes d’action

PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) est une large campagne d’évaluation organisée de manière cyclique (tous les 5 ans) par l’IEA (Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire). Son principal objectif est d’évaluer le niveau de compréhension en lecture des élèves de 4e année de l’enseignement fondamental, à un moment charnière du développement où les élèves passent de l’apprentissage de la lecture au développement d’une lecture au service des apprentissages. La FW-B prend part à cette enquête depuis 2006 aux côtés de nombreux autres pays. En 2016, par exemple, pas moins de 50 pays ont pris part à cette enquête qui a produit des résultats comparables entre pays au niveau des performances de leurs élèves en lecture. Les données récoltées lors de ces enquêtes ne servent toutefois pas uniquement à comparer des performances. En effet, l’objectif de l’enquête PIRLS est également d’appréhender de la manière la plus fine et la plus complète possible, les éléments des contextes culturels, socioéconomiques, pédagogiques, familiaux et individuels, qui peuvent être liés aux différences de résultats observées entre les pays et à l’intérieur des pays. Dans la perspective d’une amélioration de l’enseignement, les caractéristiques des programmes, les pratiques d’enseignement et l’environnement scolaire et même familial constituent autant de leviers potentiels pour améliorer les compétences des élèves. L’importante variation constatée à travers le monde fournit par ailleurs une occasion exceptionnelle d’examiner les différences de pratiques d’enseignement et de tirer profit de ces données comparatives pour dégager les leviers susceptibles d’améliorer les compétences des élèves au sein de chaque système éducatif.

Deux objectifs de lecture distincts

La compréhension en lecture telle qu’évaluée dans PIRLS combine deux objectifs de lecture (lire pour l’expérience littéraire/lire pour acquérir et utiliser de l’information) correspondant à deux types de textes susceptibles de refléter les expériences de lecture que vivent des élèves de cet âge à l’école et en dehors de l’école. Les textes littéraires sont des récits complets d’une longueur moyenne de 800 mots, soit environ 2 pages de texte, hors illustrations. Les récits couvrent une variété de contextes, mettent le plus souvent en scène deux personnages principaux et développent une intrigue comportant un ou deux événements centraux (voir exemple de texte littéraire ci-dessous).

Les textes documentaires, quant à eux, traitent des aspects du monde réel et couvrent une variété de sujets susceptibles d’intéresser les élèves de ce niveau scolaire. Ces supports écrits sont accompagnés d’éléments structurants et illustratifs tels que des diagrammes, des cartes, des illustrations, des photographies, des encarts, des listes ou des tableaux (voir exemple de texte documentaire ci-dessous).

Quatre processus de compréhension sont évalués à la fois dans les textes littéraires et documentaires: retrouver et prélever des informations explicites; faire des inférences[1] simples; interpréter et intégrer des idées et des informations et enfin examiner et évaluer le contenu, la langue et les éléments textuels. Enfin, deux types de questions sont soumis aux élèves: des questions à choix multiples et des questions à réponses construites.

Des résultats qui pointent de fortes disparités

Les résultats de l’enquête PIRLS 2016 mettent en avant les faibles performances des élèves de la FW-B. La FW-B se distingue ainsi des pays de l’Union Européenne par une moins bonne maitrise des compétences en lecture de ses élèves. Plus précisément, la FW-B comporte un nombre important d’élèves faibles lecteurs. L’approche par niveau de compétences permet en effet d’appréhender le pourcentage d’élèves qui atteint chacun des 4 niveaux hiérarchisés allant du niveau le plus haut (niveau 4 – lecteurs les plus performants) au niveau le plus bas (niveau 1 et en-dessous – lecteurs précaires). En 2016, un peu plus d’un tiers des élèves de la FW-B peuvent être considérés comme des lecteurs précaires. Parmi eux, 8% n’atteignent pas le niveau le plus élémentaire, c’est-à-dire la capacité à localiser et à restituer un détail ou une information explicitement mentionnée et directement accessible dans le texte. A l’autre bout du continuum, seuls 22% des élèves en FW-B atteignent un niveau élevé de compréhension à la lecture (capacité à effectuer des inférences pour expliquer le lien entre les intentions, les actions, les événements, mais également capacité à justifier sa réponse en se référant au texte et à expliquer une préférence en la justifiant). En ce qui concerne les différents objectifs de lecture, lire pour l’expérience littéraire et lire pour acquérir et utiliser de l’information, les élèves de la FW-B, comme ceux des autres pays, tendent à avoir de moins bons résultats pour les questions relatives aux textes informatifs que pour celles portant sur les textes littéraires. Il est toutefois à noter que la FW-B se distingue des autres pays par un taux de réussite des questions relatives aux textes informatifs inférieur à 50% alors que celui-ci dépasse ou égale les 60% dans les autres pays.

Les pratiques d’enseignement de la lecture

Au-delà d’une mesure de la compréhension de la lecture, l’enquête PIRLS permet d’appréhender les pratiques d’enseignement de la lecture. En FW-B, il apparait tout d’abord que les élèves de 4e année primaire sont peu confrontés à des textes longs au profit d’histoires ou de documents informatifs courts. Les réponses fournies par les enseignants au questionnaire qui leur a été soumis dans le cadre de cette enquête indiquent que la compréhension à la lecture est bien plus souvent évaluée qu’enseignée. Ainsi, les processus qui permettraient aux élèves d’intégrer les informations données à lire en classe à leurs propres connaissances ou d’approfondir le sens des textes à visée littéraire sont rarement rendus transparents par les enseignant·e·s. Parmi les autres traits saillants de la programmation des apprentissages liés au savoir lire reflété par cette étude comparative, pointons l’étude des mots (graphèmes[2] complexes) qui ne semble plus à l’ordre du jour en 4e primaire, une focalisation sur les processus de lecture de bas niveau (localiser et inférer) dans le premier degré du primaire ainsi qu’un enseignement des compétences plus complexes (interpréter et évaluer) différé en fin de cursus primaire.

Une attention particulière devrait être portée à la formation initiale des enseignants qui se disent peu formés en matière de remédiation, voire pour certains en matière d’enseignement de la lecture, ce qui peut expliquer le décalage entre le nombre d’élèves qui auraient besoin de remédiation et le nombre qui en bénéficient réellement.

Des pistes d’amélioration

De ces constats relatifs aux pratiques d’enseignement en FW-B, émergent une série de pistes susceptibles de contribuer à l’amélioration des compétences en compréhension à la lecture des élèves. En effet, les différentes pratiques d’enseignement relevées ci-dessus apparaissent comme une spécificité de l’enseignement de la lecture en FW-B. Les pratiques d’enseignement dans les systèmes anglo-saxons, plus performants, s’inspirent davantage des modèles théoriques de la lecture experte préconisant l’enseignement de compétences plus complexes dès le début de l’enseignement primaire. De plus, dès l’enseignement maternel, il est possible de développer chez les enfants leurs représentations du lien entre le langage oral et écrit. En effet, des représentations correctes de ce lien devraient consolider à la fois l’apprentissage du code et la compréhension en début d’enseignement primaire et réduire la proportion d’élèves n’ayant pas atteint le niveau élémentaire de compétence. Enfin, une attention particulière devrait être portée à la formation initiale des enseignants qui se disent peu formés en matière de remédiation, voire pour certains en matière d’enseignement de la lecture, ce qui peut expliquer le décalage entre le nombre d’élèves qui auraient besoin de remédiation et le nombre qui en bénéficient réellement.

Des leviers d’action bientôt à portée de main

Les défis à relever pour hisser davantage d’élèves dans les niveaux de compétences permettant d’apprendre en lisant sont de taille. L’un des leviers de l’accroissement du niveau de compréhension des élèves (et de réduction des écarts liés à l’origine sociale) au fil du tronc commun réside très certainement dans les nouveaux attendus de savoirs, de savoir-faire et de compétences assignés à la visée «lecture» du nouveau référentiel de français. Non seulement les étapes du développement de la compréhension de l’écrit y sont balisées mais une progression du calibrage de la difficulté des textes à utiliser en support d’apprentissage ou en support d’évaluation est envisagée de la 1re année primaire à la 3e secondaire. Quant à la question des outils d’enseignement de la compréhension validés par la recherche scientifique, on ne peut qu’inviter les enseignants à consulter le recensement effectué sur la plateforme numérique E-classe de la FW-B[3] . L’impact de ces nouveaux référentiels sur les compétences en compréhension à la lecture ne pourra être appréhendé qu’à partir de 2026. Néanmoins, les résultats de la dernière prise d’information de 2021 permettront de voir si la diffusion des outils d’évaluation et des recommandations formulées à la suite de 2016 ont contribué à infléchir les pratiques d’enseignement de la lecture.

Virginie Dupont, Chargée de recherche à l’ULiège et Patricia Schillings, Chargée de cours à l’ULiège


Références:

- Schillings, P., Dupont, V., Dejaegher, C., Géron, S., Matoul, A., & Lafontaine D. (dir.). (2018). PIRLS 2016, Progress in International Reading Literacy Study, Rapport Final. aSPe, Université de Liège.

http://enseignement.be/index.php?page=25161&navi=2355

- Mieux lire? Les pistes ne manquent pas. Dossier réalisé par P. Delmée, M. Glineur et C. Moreau dans le Magazine PROF n°41 (2019).

http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=2702

- Référentiel Français et Langues anciennes. Tronc commun Version provisoire. (2021). Pacte pour un Enseignement d’excellence. Administration générale de l’Enseignement.


  [1] En lecture, l’inférence est une opération logique de déduction. À partir d’indices présents dans le texte, elle consiste à rendre explicite une information qui n’est qu’évoquée ou supposée connue. Source: www.csrdn.qc.ca/discas/materieldidactique/inferences.html

[2] En linguistique, un graphème est la plus petite entité d’un système d’écriture. Le graphème est une lettre ou une combinaison de lettres représentant par convention un phonème (un son élémentaire de la langue parlée). En français, un phonème est souvent représenté par plusieurs graphèmes, et certains graphèmes peuvent représenter plusieurs phonèmes. Les graphèmes complexes en français sont par exemple: ‹ au ›, ‹ eau ›, ‹ ou ›, ‹ oi ›, ‹ ch ›, ‹ on ›, ‹ an › et tous ceux impliquant une lettre finale silencieuse tels que ‹ op › dans le mot «trop». Source: www.pratiquespedagogiques.fr/phonemes-graphemes/

[3] www.e-classe.be/thematic/pirls-progress-inreading-literacy-study-et-e-pirls-446  

  Illustration: Photo by Annie Spratt on Unsplash

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