Du nouveau pour l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté
Mercredi 1 décembre 2021
Les partis de la majorité à la Communauté française ont déposé ce 22 novembre 2021 au Parlement une résolution pour élargir le cours de philosophie et de citoyenneté à 2H/semaine.
Le MR, Ecolo et le PS ont présenté les conclusions du groupe de travail qui examinait la possibilité d’étendre à 2H le cours d'éducation à la philosophie et à la citoyenneté dans l'enseignement obligatoire.
Le contexte
On s’en rappelle, le cours avait été initialement mis en place dans l’enseignement officiel au rythme d’une heure par semaine, avec en option une heure de renforcement, tandis que le libre confessionnel s’abstenait de l’organiser, considérant que les compétences en philosophie et citoyenneté étaient disséminées dans les autres cours. Il en est résulté une situation bancale, à la fois dans l’enseignement officiel et, plus globalement, au niveau inter-réseaux, par exemple, en cas de passage du réseau libre confessionnel à un réseau officiel.
C’est la raison pour laquelle la Ligue de l’Enseignement ainsi que le mouvement laïque dans son ensemble réclament l’extension du cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté à 2H/semaine dans l’enseignement obligatoire.
L’un des obstacles à cet élargissement est le sort des cours de morale et de religion. Que vont-ils devenir ? Vont-ils disparaître, malgré le prescrit constitutionnel qui prévoit que ces cours doivent être proposés ? Le groupe de travail parlementaire a recueilli l’avis des constitutionnalistes et ceux-ci, du point de vue juridique, ont insisté sur le fait que les cours de morale et de religion devaient être proposés mais qu’ils n’étaient pas obligatoires. Le verrou constitutionnel saute donc : rien n’empêche que les cours de morale et de religion puissent, à l’avenir, être proposés en option, avec éventuellement des aménagements d’horaire. Mais du côté du MR, on considère que c’est là une des options possibles, à côté d’autres possibilités, liées par exemple à la réforme des rythmes scolaires. L’idée n’est en tout cas pas de supprimer les cours de morale et de religion dans l’officiel mais de procéder aux aménagements qui permettront l’élargissement de l’horaire des cours de philo et de citoyenneté.
L’autre grand obstacle est l’évolution de la situation d’emploi et la formation des enseignant·e·s qui, aujourd’hui professeur·e·s de morale ou de religion, pourraient souhaiter demain évoluer vers une fonction chargée du cours de philosophie et de citoyenneté. On peut, en effet, supposer que si les cours de morale et de religion deviennent optionnels, ils occuperont moins de place dans la grille horaire classique. D’où le risque de voir des enseignant·e·s perdre des heures de cours.
On le comprend, une telle réforme, dont la charge symbolique n’est pas mince, suppose du doigté et une mise en place concertée. Il s’agit, en effet, d’associer à la traduction opérationnelle de cette réforme les pouvoirs organisateurs de l’officiel et les représentations syndicales. C’est dans cet esprit que le groupe de travail parlementaire a décidé de déposer lundi 22 novembre au Parlement de la Communauté française une proposition de résolution présentant une série de recommandations adressées au gouvernement, à charge de celui-ci de mettre en œuvre la réforme.
Le contenu de la proposition de la résolution
A. Une formation spécifique
L’élargissement de l’horaire est motivé dans la résolution par des considérations de fond, à savoir, la nécessité :
- de favoriser le vivre ensemble, le développement d’une pensée autonome et critique et de permettre à chaque élève de se développer en tant que personne et citoyen·ne ;
- d’outiller chaque élève face à la montée de la désinformation, des discours de haine, des replis identitaires, des inégalités et des discriminations (sociales, de genre, raciales, …), des extrémismes, etc. ;
- d’offrir à chaque élève un espace commun pour échanger, argumenter, apprendre à écouter et à débattre ; la nécessité d’offrir à chaque élève un cadre pour comprendre les enjeux de la démocratie et de son fonctionnement et ainsi se construire en tant que citoyen·ne.
Le groupe de travail considère que chaque enfant doit pouvoir bénéficier d’un apprentissage spécifique visant à répondre à ces enjeux. Cet apprentissage spécifique peut prendre des formes différentes selon les réseaux :
- dans l’enseignement officiel, il s’agit d’un cours de philosophie et de citoyenneté obligatoire de deux heures hebdomadaires dans le cadre des cours de la grille horaire ; parallèlement, les cours de religion, de morale non confessionnelle deviennent optionnels, mais continuent à être proposés « dans des conditions qui rendent confortable pour les élèves l’exercice de leur droit constitutionnel à une éducation morale ou religieuse » (tous les passages entre guillemets sont extraits de la résolution). La résolution évoque le fait d’étudier « toute autre modalité organisationnelle », notamment dans le cadre d’autres réformes futures ;
- dans l’enseignement libre non confessionnel, le groupe suggère un cours de philosophie et de citoyenneté obligatoire de deux heures hebdomadaires ;
- dans l’enseignement libre confessionnel, le groupe de travail suggère d’améliorer les conditions d’organisation de l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté à travers une période de cours par semaine.
B. Budget, organisation, emploi
En ce qui concerne la soutenabilité financière, le groupe de travail recommande au gouvernement de confier à l’administration un travail d’évaluation financière de la réforme et de veiller à ce que « l’implémentation s’inscrive dans une trajectoire budgétaire maitrisée tendant à terme à la neutralité de cette réforme ».
D’un point de vue organisationnel, le groupe de travail propose de mettre la réforme en œuvre de manière progressive en associant pouvoirs organisateurs et représentations syndicales. Il suggère aussi d’examiner « les différentes possibilités d’organisation des cours de religion et de morale non confessionnelle telles que l’organisation en module, la mise en place de classes verticales », etc.
En ce qui concerne l’emploi, le groupe parlementaire suggère de prévoir une période transitoire pour permettre « aux enseignants des cours de religion et de morale non confessionnelle le souhaitant de se former à la « neutralité » et de suivre les formations adéquates afin de pouvoir être en charge des cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté ». Différentes pistes sont suggérées à travers une formation en cours de carrière, la formation initiale et la promotion sociale. Des aménagements des règles statutaires sont suggérés pour faciliter les évolutions en cours de carrière et limiter les pertes de charge ou les mises en disponibilité. De même, les règles liées à la compatibilité d’une charge en tant que professeur·e de religion ou de morale non confessionnelle avec une charge en tant que professeur·e de philosophie et citoyenneté devront être examinées du point de vue de la neutralité.
C. Référentiel, information, suivi
Etant donné l’extension du cours, le groupe de travail demande un renforcement du référentiel notamment « la connaissance, dans une perspective historique, sociologique des différents courants de pensée, philosophies et religions ».
Les parlementaires recommandent également la mise en place d’une inspection dédiée à l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté, en d’autres termes, qui exercera dans tous les réseaux. Elle relève enfin l’importance de bien informer les élèves et les parents sur le contenu du cours et demande que le gouvernement informe régulièrement le Parlement de la mise en œuvre de la réforme.
Le groupe de travail ne fixe pas un délai et encore moins un échéancier pour la réalisation de la réforme. Ce sera au gouvernement à le faire. On peut toutefois espérer que celui-ci s’attèlera à la tâche sans tarder afin que la réforme soit concrétisée à la rentrée de 2023.
Patrick Hullebroeck, Directeur
Les recommandations du groupe de travail
- Etendre le cours de philosophie et de citoyenneté obligatoire à deux heures hebdomadaires dans l’enseignement officiel et améliorer les conditions de son organisation dans l’enseignement libre ;
- continuer, dans l’officiel, à proposer de manière optionnelle, sur base volontaire, les cours de religion et morale laïque « dans des conditions qui rendent confortable pour les élèves l’exercice de leur droit constitutionnel à une éducation morale ou religieuse » et d’ étudier toute autre modalité organisationnelle, y compris dans le cadre des futures réformes ;
- estimer le coût budgétaire des différents scénarii préalablement à toute mise en œuvre ;
- assurer la soutenabilité du cadre humain, budgétaire, statutaire et organisationnel : notamment en prévoyant une période de transition pour permettre aux enseignants et enseignantes de suivre les formations adéquates ainsi qu’en aménageant des dispositions applicables aux membres du personnel ;
- mettre en place une inspection spécifique[1].
Composition du groupe de travail parlementaire : Mmes Latifa Gahouchi, Stéphanie Cortisse, MM. Jean-Philippe Florent, Laurent Léonard, Hervé Cornillie et Kalvin Soiresse-Njall. [1] Extrait du communiqué de presse du 22/11/2021.