Inclusion scolaire... Les avancées du Pacte suffiront-elles?

Lundi 6 mai 2019

Face aux phénomènes de relégation de l’enseignement ordinaire vers le spécialisé, le modèle de l’inclusion scolaire semble être la voie royale vers la réussite de tous les élèves. Diverses mesures proposées par le Pacte pour un Enseignement
d’excellence vont dans ce sens. Que propose le Pacte? Comment mettre en place des mesures réellement inclusives qui permettent d’accueillir tous les élèves au sein d’une même école? Petit tour de la question avec Laurence Weerts, qui est intervenue lors du colloque «École inclusive», organisé par la Ligue des Droits de l’enfant, le 27 février 2019 à Bruxelles.

Le Pacte à la rescousse: l’inclusion

Le respect des droits fondamentaux est plus que jamais mis à mal par notre système scolaire. Pour répondre à cette problématique, de nombreuses volontés politiques se sont mobilisées afin de proposer un nouveau système scolaire ancré dans un modèle plus inclusif. C’est dans ce climat qu’est né le Pacte pour un Enseignement d’excellence. Dans son axe stratégique 4, le Pacte pour un Enseignement d’excellence met, en effet, l’accent sur le travail d’inclusion des écoles. Dans ce domaine, l’approche du Pacte se veut systémique, cohérente et complémentaire. Il se base également sur les travaux de tou·te·s les actrices et acteurs de l’enseignement afin d’obtenir la vision la plus juste du secteur.

Que propose le Pacte?

Globalement, le texte propose une inclusion et le maintien des élèves aux besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire. Le Pacte prévoit toute une série de réformes de différentes natures qui jouent sur différents leviers qui agiront sur la structure globale de l’enseignement: on agit sur le système et non plus sur des niveaux d’enseignement. Par ailleurs, le Pacte cherche à mobiliser les équipes éducatives autour de certains objectifs. Les mesures concrètes du Pacte seront mises en application au plus tard pour 2020.

Les objectifs chiffrés du Pacte

Le Pacte s’est fixé l’ambition, pour 2030, de réduire à 3,5% (autrement dit à la situation de 2004) le pourcentage d’élèves pris en charge dans l’enseignement spécialisé par rapport à la population totale des élèves en âge d’obligation scolaire. La deuxième cible chiffrée du Pacte est de pouvoir regarder la part d’élèves inscrits dans le spécialisé et voir ceux qui sont, l’année suivante, dans l’enseignement ordinaire. La cible chiffrée de cet objectif n’est pas encore fixée à l’heure actuelle.

Les mesures concrètes du Pacte pour l’inclusion

Dans sa volonté d’action systémique et globale, les mesures du Pacte pour une école inclusive concernent tant l’enseignement ordinaire (à travers la mise en place de réformes du pilotage, les aménagements raisonnables, les pôles territoriaux et le maintien des enfants DYS dans l’ordinaire) que l’enseignement spécialisé (avec ses réformes sur l’implantation, l’orientation scolaire, la question du type 8 et de la certification). Nous proposons de passer en revue les mesures concrètes du Pacte pour plus d’inclusion:

Au niveau de l’enseignement ordinaire

  1. Le plan de pilotage des écoles

Voté en septembre 2018, le décret pilotage a pour objectif général l’amélioration du système scolaire et l’augmentation progressive des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire. L’ambition est de désengorger l’enseignement spécialisé afin de proposer une école plus inclusive. La réforme du pilotage vise à ce que chaque école se dote d’un plan de pilotage où il propose et définit des objectifs spécifiques qui doivent cadrer avec les objectifs d’amélioration du système scolaire général. Pour ce faire, l’établissement scolaire doit faire un état des lieux de sa population scolaire et sur la situation en leur sein en matière d’aménagements raisonnables et d’intégration des élèves à besoins spécifiques. À partir de cela, les écoles peuvent choisir de se définir des objectifs spécifiques mais aussi d’expliquer toutes les actions qu’elles vont mettre en place pour accueillir les élèves à besoins spécifiques. Le plan de pilotage n’est pas un dispositif autonome d’école, il est mis en place par les écoles puis discuté et négocié en partenariat avec les délégués au contrat d’objectifs (DCO). Suite à cette négociation, le plan de pilotage prend la forme d’un contrat d’objectifs entre l’école et le pouvoir régulateur, un contrat qui sera auto évalué par l’école chaque année et par le pouvoir régulateur tous les 3 ans. Actuellement 1/3 des écoles, soit plus de 800 établissements scolaires, sont dans la mise en œuvre de leur plan de pilotage. Deux autres vagues d’écoles se succéderaient à la rentrée 2019-2020 et à celle de 2020-2021.

  1. Les aménagements raisonnables 

Suivant le principe d’équité, et non d’égalité, la mise en place d’aménagements raisonnables consiste à proposer des outils ou conditions permettant aux enfants présentant des troubles de l’apprentissage de compenser les désavantages liés à leur handicap et à un environnement inadapté. Ni stigmatisant ni discriminant, ce contournement permet à l’enfant de suivre sereinement son cursus scolaire. Depuis la rentrée 2018 et l’adoption du «décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques»[1], la mise en place de ces aménagements raisonnables est une obligation pour tout établissement scolaire. Les aménagements raisonnables doivent être demandés à la direction d’école par les responsables légaux de l’élève, ou l’élève lui-même lorsqu’il est majeur. Une série de procédures sont alors mises en place pour assurer le dialogue entre les divers acteurs/actrices et la bonne mise en œuvre des aménagements. Afin d’aider les écoles, le Pacte a élaboré une typologie des aménagements raisonnables et des besoins spéci-fiques[2] ainsi que des fiches outils mises à disposition des équipes éducatives.

  1. Les pôles territoriaux

Les pôles territoriaux proposent une nouvelle manière d’envisager la collabo ration entre l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire. Son fonctionnement repose sur la collaboration et la mutualisation des ressources de l’enseignement spécialisé vers l’ordinaire: afin d’intégrer au mieux et plus d’élèves issus du spécialisé dans l’enseignement ordinaire et de soutenir efficacement le déploiement des aménagements raisonnables, une collaboration plus forte sera créée entre le spécialisé et l’ordinaire. Dans ce cadre, un établissement de l’enseignement spécialisé sera constitué en pôle territorial, il instaurera une série de collaborations avec des établissements de l’enseignement ordinaire proches géographiquement. C’est une réforme majeure qui est en cours d’élaboration et qui est programmée pour septembre 2020.

  1. Les enfants DYS

Selon les principes du Pacte, tous les enfants DYS doivent être scolarisés dans l’enseignement ordinaire. Ce ne sera QUE dans des cas strictement spécifiques et clairement définis que l’élève pourra être scolarisé dans l’enseignement spécialisé. Le déploiement des aménagements raisonnables permettra de mener à bien ce but.  

Au niveau de l’enseignement spécialisé

Les mesures mises en œuvre dans le Pacte ont deux objectifs: décloisonner l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé et permettre à l’enseignement spécialisé de se recentrer sur les élèves qui en ont réellement besoin.

  1. La création de classes ou d’implantations à visée inclusive dans l’enseignement ordinaire

Il s’agit de classes du spécialisé implantées directement dans l’enseignement ordinaire. Les élèves visés sont les élèves de type 2 et 3. C’est un projet pilote du Plan: actuellement il y a 12 classes inclusives qui ont été créées en FWB. Cette réforme devra être mise en œuvre pour septembre 2020 ou 2019.

  1. La réforme de l’orientation

L’orientation est une étape cruciale dans la vie d’un élève. Afin d’éviter les dérives de la relégation, l’orientation doit être redessinée pour être consacrée à une réelle démarche évolutive. Le but est de s’assurer que toutes les ressources et aménagements ont été mis en œuvre pour maintenir l’élève dans l’enseignement ordinaire avant l’orientation vers le spécialisé. Cette orientation vers le spécialisé ne devrait intervenir qu’en dernier recours. Les mécanismes de l’orientation devront aussi être conçus pour pouvoir éviter les biais socioécono-miques, socio-cognitifs et liés au sexe de l’élève. La réforme est en cours d’élaboration et devrait entrer en vigueur pour septembre 2020.

  1. La réforme du type 8

Face à la surreprésentation des élèves de type 8 (troubles de l’apprentissage) dans l’enseignement spécialisé, le Pacte exige que chaque école s’assure que le type 8 est bien adapté et que tout ait été mis en place pour maintenir la scolarisation dans l’enseignement ordinaire via les aménagements raisonnables. Le Pacte veille aussi à la création d’un enseignement spécialisé de type 8 au niveau secondaire afin de répondre à l’incohérence du système. La création du type 8 dans le secondaire devrait être concomitante aux autres réformes.

  1. La certification

Une série de réformes concerne le développement de la certification pour les formes 1-2-3 de l’enseignement spécialisé. En effet, de nombreux élèves sortent de l’école spécialisée sans certification. Pour les formes 1 et 2, l’ambition est d’éviter que les élèves sortent sans visées certificatives, sans aucune forme de certificat de l’enseignement. Pour la forme 3, la question est différente, il s’agit de pouvoir assurer que l’enseignement spécialisé puisse être habilité à délivrer des certificats de qualification.

Vers une véritable inclusion

Malgré les nombreuses polémiques autour du contenu du Pacte, le texte apporte un regard nouveau sur l’école grâce à son projet d’école inclusive. Sera-t-il respecté? Difficile à dire... Rendez-vous lors de la prochaine législature... Gardons en tête les fondamentaux: les enfants... tous les enfants! En rejetant les élèves qu’elle considère comme «déviants» ou «différents», l’école ne fait que renforcer son caractère élitiste. La mise en œuvre d’un système scolaire inclusif est un droit pour tous les élèves et est bénéfique à tous sans amoindrir les compétences intellectuelles acquises, bien au contraire, puisqu’elle génère une émulation positive entre les enfants aux besoins spécifiques et les enfants aux parcours classiques. Le système inclusif ne jouit que d’avantages, tant d’un point de vue pédagogique que psychologique ou encore social. Ainsi, même si l’inclusion nécessite une remise en question globale de la pédagogie des écoles, il est temps que l’école s’adapte aux besoins de tous les élèves et non l’inverse.

Marie Versele, secteur communication  

[1] www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/44807_000.pd [2] Typologie des aménagements raisonnables, Document n°14744, http://enseignement.be/index.php?page=23827&do_id=14744&do_check=YAHMFPOTWV


À l’école de ton choix avec un handicap - Les aménagements raisonnables dans l’enseignement

Les aménagements raisonnables dans l'enseignement

Cette brochure, réalisée par UNIA, vise à clarifier la notion d’ «aménagement raisonnable» et s’adresse à tous les acteurs concernés: les élèves, les parents, les équipes éducatives, les directions d’établissements scolaires et les acteurs du monde de l’enseignement. Document disponible à l’adresse: www.unia.be/files/Documenten/Publicaties_docs/1182-UNIA_brochure_EcoleHandicap-FR-AS.pdf    

 

mai 2019

éduquer

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