La facilitation visuelle, un outil puissant pour donner vie aux idées

Mercredi 29 novembre 2023

Facilitation visuelle Eduquer
Audrey Dion, secteur formation de la Ligue de l'Enseignement

Dans le programme de formations de la Ligue figure, depuis quelques années déjà, un module de trois journées consacrées à la facilitation visuelle. La facilitation visuelle est une méthode ludique, créative et puissante qui utilise le visuel pour représenter des idées au service des interactions.

C'est en Californie, à la fin des années 1970, que David Sibbet, designer et facilitateur, a élaboré la méthode de la facilitation visuelle au service des groupes et des organisations. Selon les études en neurosciences, notre cerveau se souvient davantage des informations lorsqu’elles sont associées à des textes et des visuels. Applicable dans une grande diversité de contextes et de situations, cette approche contribue à une communication plus percutante, à une animation plus dynamique des réunions et à la création d'une représentation partagée d’un sujet ou d’une problématique. La méthode a également pour avantages la facilitation de processus collaboratifs, un meilleur apprentissage en groupe et même une prise de notes efficace et créative grâce à la technique du «sketchnoting» dans un usage personnel.

Représenter le message de manière concrète

Pour maîtriser la facilitation visuelle, il n’est pas nécessaire d'être expert·e en dessin. Il suffit d'en assimiler le vocabulaire et la grammaire, de constituer sa propre bibliothèque d'éléments visuels, de développer son propre style et de s'entraîner. S’entraîner à filtrer les informations, pour en saisir le message, le représenter visuellement de manière concrète, tout en préservant les idées essentielles.
A la Ligue, c’est Christelle Messiant qui est en charge de ce module de formation. Christelle s’appuie sur sa formation en design de produits, ainsi que sur une riche expérience de plus de 20 ans en tant que directrice artistique au sein d'agences publicitaires spécialisées dans le design graphique et la communication visuelle. Elle a eu l'occasion de collaborer avec de nombreuses marques à l'échelle nationale et internationale. Depuis 2017, elle a choisi de se tourner vers une approche plus directe, en devenant consultante et formatrice indépendante en communication visuelle. Cette transition lui permet aujourd’hui de partager ses compétences et son expertise dans le but de favoriser une meilleure compréhension et une meilleure pratique de ce domaine.
Au travers de son engagement à la Ligue, Christelle a l’occasion de rencontrer un vaste éventail d'acteurs et actrices des secteurs associatif et non marchand, profondément ancrés dans les réalités de notre société, avec toutes leurs observations et leurs problématiques. Ces interactions stimulantes suscitent des échanges extrêmement gratifiants, l'incitant à innover, à rechercher les outils et les représentations les plus appropriés aux missions menées sur le terrain. Elle a d’ailleurs déjà mis en place des variantes de sa formation de base, dirigées vers des publics aux besoins spécifiques, comme ceux qui sont en contact avec des personnes éloignées du français ou comme les enseignant·es.
Ensemble, nous avons pris le temps de décortiquer les enjeux auxquels s’attaque la facilitation visuelle. Nous avons également échangé sur ses méthodes et approches pédagogiques, ainsi que sur les pistes de solutions qu’elle propose pour notre public en formation.

Éduquer: Selon vous, pourquoi est-il important de former le monde associatif à la facilitation visuelle?
Christelle Messiant:
Les associations jouent un rôle essentiel dans la société en abordant une multitude de problèmes, de la protection de l'environnement à la lutte contre la pauvreté, en passant par l'éducation. Pourtant, pour atteindre leurs objectifs, les actrices et les acteurs de l’associatif doivent souvent mobiliser des ressources limitées et faire face à des défis complexes. C'est là que la facilitation visuelle entre en jeu. Les former à cette approche peut faire toute la différence dans leur capacité à communiquer efficacement, à mobiliser leurs publics, leurs membres, et à atteindre leurs objectifs.

«La facilitation visuelle répond à un besoin fondamental dans le monde complexe et interconnecté d'aujourd'hui: celui de communiquer de manière plus efficace, mémorable et inclusive.»

Éduquer: À quels constats ou quels besoins votre formation répond-elle?
C.M.:
La facilitation visuelle répond à un besoin fondamental dans le monde complexe et interconnecté d'aujourd'hui: celui de communiquer de manière plus efficace, mémorable et inclusive. Elle comble un écart entre la pensée, les idées et leur transmission. C’est un outil qui présente plein d’avantages!
En premier lieu, la facilitation visuelle répond à un besoin de compréhension: dans un monde saturé d'informations, la facilitation visuelle simplifie la communication. Elle permet de traduire des concepts complexes en images claires et faciles à saisir, aidant ainsi le public participant à mieux comprendre et à retenir l'information.
Ensuite, elle permet plus d’engagement: les images et les couleurs, essentielles en facilitation visuelle, attirent l'attention et suscitent l'intérêt. L’outil maintient les personnes engagées, actives et concentrées sur le sujet, en les encourageant à participer activement au processus de réflexion et de création. La facilitation visuelle favorise également la créativité. Les éléments visuels ouvrent la voie à la pensée créative. Le public est encouragé à explorer des idées, à faire des associations inattendues et à développer des solutions innovantes, tout en exprimant une créativité personnelle. L’outil aide aussi à la mémorisation: les images sont plus mémorables que le texte brut. La facilitation visuelle renforce la rétention d'informations en fournissant une représentation visuelle qui reste ancrée dans la mémoire des participant·es, facilitant ainsi l'accès aux informations clés.
Cet outil est en outre inclusif: la facilitation visuelle transcende en effet les barrières linguistiques. Elle permet à un groupe de personnes diversifié, parlant différentes langues ou ayant des compétences variables, de participer activement et de se sentir incluses. Dans des environnements de travail où différentes disciplines se côtoient, la facilitation visuelle sert aussi de langage commun, favorisant la collaboration interdisciplinaire et l'échange d'idées entre spécialistes de domaines variés.
En encourageant la réflexion non linéaire et en poussant les participant·es à penser différemment, la facilitation visuelle stimule également l'innovation et inspire de nouvelles approches à des défis complexes. Enfin, en rendant visible le processus de réflexion, la facilitation visuelle crée un environnement de travail transparent et ouvert où les participant·es peuvent voir comment les décisions sont prises, favorisant ainsi la confiance.
On le voit, la facilitation visuelle est un outil polyvalent, utilisé dans une multitude de contextes, des réunions de planification aux présentations de projets, en passant par les sessions de brainstorming et les formations. Elle répond à un besoin croissant de simplifier la communication, de catalyser l'innovation et de renforcer l'engagement du public participant. Elle offre un moyen puissant de donner vie aux idées et de les partager de manière plus impactante et accessible.

«La facilitation visuelle répond à un besoin croissant de simplifier la communication, de catalyser l'innovation et de renforcer l'engagement du public participant. Elle offre un moyen puissant de donner vie aux idées et de les partager de manière plus impactante et accessible.»

Éduquer: Quelles pourraient être les limites de la facilitation visuelle?
C.M.:
Il est essentiel de prendre du recul sur les représentations visuelles que l'on choisit d'employer. Elles doivent être en accord avec notre contexte et adaptées à notre public. Par exemple, il n'est pas pertinent d'utiliser la même illustration pour le développement personnel et pour le développement économique. De plus, la question des stéréotypes mérite d'être soulevée. En effet, lorsqu'on cherche à simplifier une idée en dessin, on va à l'essentiel, mais cela peut engendrer des implications liées aux stéréotypes de genre, comme l'utilisation du symbole du bonhomme avec jupe pour représenter le genre féminin.

Éduquer: Quelle méthodologie utilisez-vous en formation? Quelle est votre approche spécifique en tant que formatrice? Et en quoi votre démarche participe-t-elle de l’éducation permanente?
C.M.:
J’utilise une méthodologie participative qui engage de manière active l’ensemble du groupe. Chaque participant·e contribue en puisant dans ses connaissances, compétences et expériences des éléments essentiels à la progression du groupe. Dans un cadre ludique, le groupe s'exerce au concept de «double codage», où le langage verbal et alphabétique fusionne avec l'imaginaire visuel.
Les temps d’échange et d’analyse des productions du groupe permettent aussi d’exercer un regard critique sur les possibilités et les freins de l’outil, et sur les manières de l’adapter aux pratiques professionnelles des participant·es comme aux besoins de leurs publics destinataires. Dans le cycle d’ateliers de pratique, proposé à toute personne ayant déjà suivi le module de base, je veille à créer un espace d’échange numérique, qui perdure longtemps après la fin du cycle et qui permet aux personnes d’horizons très différents de continuer à échanger et faire évoluer les apprentissages.

Éduquer: Sur quelles sources, quelles expériences, quels exemples de projets vous appuyez-vous?
C.M.:
Ma fondation repose avant tout sur ma propre expérience en dessin et en communication visuelle: concepts expliqués, cahiers illustrés ou même nappes griffonnées. Ensuite, mon expertise est le fruit de nombreuses lectures, d'expérimentations dans le cadre de formations et d'une pratique continue dans le domaine du sketchnoting. Enfin, elle est nourrie par une série d'échanges et de discussions au sein d'une communauté passionnée par la facilitation visuelle.

Éduquer: Que cherchez-vous à obtenir à la fin de votre module? À quoi peuvent s’attendre les participant·es?
C.M.:
Mon objectif est de susciter un déclic chez les participant·es, de raviver leur motivation et de leur permettre de redécouvrir la joie de dessiner, à l'instar d'un enfant qui s'exprime en dessinant des situations, des émotions et des individus. Progressivement, il s'agit de les guider vers l'acquisition d'une autonomie dans la capacité à traduire des mots en images simples et compréhensibles, à structurer les informations sur une page et à obtenir une vue d'ensemble du message à transmettre. Il s’agit aussi de les encourager à s’approprier l’outil et à créer leur propre bibliothèque visuelle, adaptée aux besoins de leurs pratiques et de leur public. D’un point de vue plus personnel, ma collaboration avec la Ligue constitue une source de motivation et de défis. La confiance, le soutien et la liberté d'action qu'elle offre contribuent à me pousser à donner le meilleur de moi-même!

 

Les formations en facilitation visuelle à la Ligue

Le module de base de trois jours pour se familiariser avec les techniques de la facilitation visuelle!

Le module de deux jours pour se perfectionner à l’outil et communiquer de manière ludique dans un environnement professionnel.

Le module pour les professionnel·les de l’alpha/FLE qui souhaitent développer leur compétence en facilitation visuelle pour l’utiliser en classe et en formation ou lors de transmissions d’informations, et pour motiver leurs apprenant·es en français à utiliser cette méthode ludique et créative.

Le cycle d’ateliers en soirée pour mettre en pratique les outils vus au cours du module de base, en formule hybride: huit séances/ateliers et un espace virtuel pour que les échanges puissent se poursuivre même après la fin du cycle.
Les 13, 20, 27 mars et 3, 10, 17, 24 avril 2024 de 18h à 21h. Les inscriptions sont ouvertes!

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déc 2023

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