Témoignages: Les racines de l’engagement

Jeudi 9 novembre 2023

© Stéphane LAGASSE - GPC
Marie-Francoise Holemans, secteur communication Ligue de l'Enseignement

Est-il possible de déterminer ce qui, à un moment, déclenche l’envie ou le besoin de s’engager, de passer de l’implication individuelle à l’action collective, de se réunir en association? Éduquer a posé la question aux Grands-Parents pour le Climat. Et quatre d’entre eux se sont prêtés à l’exercice du témoignage.

Les Grands-Parents pour le Climat sont nés au début 2015. Prenant conscience des défis écologiques urgents, quelques grands-parents ont décidé de s’unir et fonder une association afin de contribuer à léguer à leurs petits-enfants un monde habitable et solidaire, dont les richesses naturelles seraient préservées. En près de dix ans d’existence, les membres de l’association ont participé à de multiples événements, ont défilé à de nombreuses manifestations et ont pris part à quantité d’actions de sensibilisation, notamment dans les écoles. Voici leurs témoignages personnels, qui explorent les racines de leur engagement.

«J'ai sept petites-filles, âgées aujourd’hui entre 12 ans et 2 ans et demi. Il y a 12 ans, en devenant grand-mère, j'ai eu l'impression que l'horizon se rapprochait. Les années 2050 devenaient les années d'âge mûr de mes petites-filles, alors que moi j'aurais sans doute disparu. J'ai ressenti alors ce besoin de m'engager encore pour elles, avec un statut de grand-mère: celui de la bienveillance, de l'affection et de l'intense désir de leur laisser une planète belle et habitable.
Avec mes petites-filles, on ne parle pas trop “climat”, je tâche plutôt de les aider à s'émerveiller devant les beautés que nous offre la nature. Observer un lever de lune, un arc-en-ciel, planter des graines au potager et les voir germer, créer des œuvres d'art avec des feuilles et des bouts de bois, pister sans bruit le chevreuil ou le renard au crépuscule. Ces expériences nous réunissent et nous font partager notre appartenance à la planète Terre, si exceptionnelle, si fragile... J'espère ainsi susciter chez elles un attachement à la beauté, qui les portera plus tard à la sauvegarder par un mode de vie approprié.
De temps en temps, je leur explique pourquoi on mange local, on ne va pas au Quick ou on n'achète pas sur Amazon. Elles savent pourquoi. Les bouddhistes disent “montrer avec son dos”. Pas toujours besoin de mots! Je mesure la modestie de mes moyens, comme grand-mère, et on continue à rire beaucoup.»
Thérèse Snoy, présidente du Bureau des GPC


«Pourquoi s’engager à la pension, et ensuite pourquoi dans le mouvement des Grands-parents pour le Climat ? À la retraite, que j’ai prise à 60 ans car j’allais être grand-mère, on retrouve du temps, de la disponibilité et on a de l’expérience. La vie continue et je fais partie des personnes qui ont besoin de projets qu’elles jugent utiles pour lui donner un sens. C’était déjà le cas pour le choix de ma profession et le déroulement de ma carrière professionnelle.
Outre le premier engagement qui passe avant les autres, à savoir m’occuper de mes petits-enfants à temps partiel et de ma maman en fin de vie, j’ai vite été attirée par deux mouvements associatifs qui ont en commun la transition écologique: le Chant des Cailles, un projet d’agriculture urbaine et de cohésion sociale tout proche de mon domicile, et les Grands-Parents pour le Climat. Je pense que le fait d’avoir déjà trois petits-enfants à ce moment-là a largement contribué à me motiver pour ce dernier mouvement, même s’il est évident qu’on milite pour tous les enfants du monde. Je me suis d’ailleurs assez vite dirigée vers des activités de transmission aux enfants dans les deux mouvements.
Avec le temps qui passe, ma motivation reste identique. Je me disperse moins dans le choix des activités, ma sélection est plus pointue et dépend des opportunités et de l’énergie dont je dispose. Le travail en équipe renforce l’engagement, car la dimension de groupe est stimulante, au plan relationnel comme au plan de l’enthousiasme.»
Cécile Honhon, membre des GPC


«Pourquoi me suis-je engagé avec les Grands-Parents pour le Climat et la Biodiversité? Aujourd’hui, je suis parent quatre fois et grand-père sept fois. Enfant, puis adolescent, j’étais émerveillé des progrès en général après deux guerres atroces. Je dessinais des modèles de voiture, j’étais passionné par la conquête spatiale, convaincu de l’élévation du niveau de vie pour la majorité des populations. Mes parents étaient engagés dans des projets de développement et l’accueil des étudiants venus étudier chez nous, “futures élites de pays en voie de développement”. Les plus riches donnaient à croire qu’il serait possible, pour toutes les classes sociales et aux pays les plus pauvres, de les rejoindre dans la prospérité: nous avions les solutions!
En 1968, j’avais 18 ans et, pendant mes études en architecture, j’ai découvert la contre-culture, la réalité de la domination, de l’exploitation des peuples colonisés, l’exclusion des familles les plus pauvres dans nos pays riches. Durant ces années, j’ai découvert le rapport Meadows Halte à la croissance?, je me suis intéressé à l’écologie en lisant des livres et des revues telles que La Gueule ouverte et Le Sauvage.
Puis j’ai fait connaissance de celle avec qui nous avons fondé une famille. J’ai dû trouver un travail, contribuer à nourrir notre famille, “rentrer dans le système” et petit à petit laisser de côté cette prise conscience. Aujourd’hui, je me sens un peu coupable de ne l’avoir pas concrétisée alors qu’elle était très présente quand je vivais seul, sans personne à charge. Même si plusieurs de mes choix de vie ont été en rupture avec la notion de réussite et de carrière.
Avec toute l’énergie et les capacités qui me restent, je veux soutenir le combat des jeunes et des activistes pour une justice climatique et sociale, pour la sauvegarde d’une vie possible sur cette planète gravement en péril, que nous savons irremplaçable.»
Stéphane Lagasse de Locht, membre des GPC


«Pourquoi m’être engagée? Un peu “égoïstement”, je me suis engagée dès le début de la diminution de ma vie active, par peur de m’ennuyer, d’être isolée. Entretenir des contacts avec d’autres personnes n’allait plus de soi puisque certains jours je ne travaillais pas, or les échanges me manquaient: apprendre des autres, écouter, m’étonner, transmettre… Je voulais continuer dans cette veine, ayant été dans l’enseignement pendant presque toute ma vie professionnelle (j’étais infirmière, ensuite infirmière professeur et puis consultante en pédagogie).
Il me semblait aussi que j’avais développé certaines compétences que je pouvais encore mettre au service de la société. En même temps, je voulais changer de réseau, de milieu. Question de me renouveler et d’enfin me consacrer à cette problématique qui m’inquiétait depuis la naissance de mes enfants dans les années 1980: le dérèglement climatique. Aussi, lorsqu’une amie m’a parlé des Grands-Parents pour le Climat, je n’ai pas hésité un instant. J’étais déjà grand-mère quand j’ai participé en 2015 à l’émergence des GPC et ce mouvement avait d’autant plus de sens pour moi.
Parfois je fatigue, je doute, c’est éprouvant pour le moral aussi de se confronter à la réalité, mais je continue pour que mes petits-enfants soient fiers de leur mamy, qu’ils puissent se dire, plus tard, que j’ai promu cette Terre en transition que nous appelons de nos vœux. Il y a aussi les retours très positifs des enfants qui, après une animation, se sentent rassurés, étonnés parfois, que des grands-mères, des grands-pères agissent pour leur avenir. Je souhaite un monde plus respectueux du vivant, de tout le vivant. Un monde où tous les petits-enfants actuels trouveront leur place et où il fera bon vivre. Je veux y croire et agir dans ce sens!»
Dominique Lemenu, administratrice des GPC

Photo: © Stéphane LAGASSE - GPC

 

 

 

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