Le prix de la vie est en chute libre. Un peu partout dans le monde, la guerre et la violence se déchainent, infligeant aux populations civiles des souffrances inédites.
La carte du monde a pris une couleur rouge sang. Celui des populations sahéliennes, confrontées au djihadisme. Celui versé en Ukraine. Celui lié aux massacres de civils en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Et encore, le sang versé dans les foyers de violence qui durent sans jamais trouver de fin: Lybie, Syrie, Irak, Liban, Ethiopie, Yémen, mais aussi Iran, Afghanistan ou Azerbaïdjan.
Il est également d’autres signes qui convergent avec le sentiment d’un effondrement de la valeur donnée à la vie: la fuite des populations et la mort qui les guette sur les chemins de l’exil, la pauvreté qui gagne, la «solastalgie»1
et, surtout peut-être, l’indifférence générale face à ces violences ou face à l’extinction de masse du vivant que dénoncent les scientifiques depuis de nombreuses années.
La dégradation de la valeur de la vie est l’expression de la violence spécifique de l’espèce humaine dont c’est, semble-t-il, un mode d’existence privilégié. Mais les moyens décuplés dont disposent aujourd’hui les êtres humains conduisent à un déchainement de la violence qui finit par menacer l’espèce elle-même, sinon dans son existence même, du moins dans ce qui constitue une «vie bonne», c’est-à-dire qui vaut la peine d’être vécue.
Si la vie n’est pas bonne à vivre, c’est le prix de la vie qui diminue et la tentation de lui porter atteinte s’en trouve renforcée et comme justifiée.
L’humanisme place au centre de son dispositif l’être humain et attribue à la dignité humaine une valeur éminente. Cette valeur insigne est à la base de l’inspiration de la Déclaration universelle des droits humains. Mais devant tant de misère et de violence dont l’humain est l’auteur, qui n’en viendrait pas à douter de l’humain lui-même?
Sans doute l’éducation d’aujourd’hui n’échappera-t-elle pas à la nécessité de redéfinir son projet éducatif en posant la question «quel être humain voulons-nous?», tant il est vrai qu’il ne devient lui-même que par l’éducation, plutôt que par l’effet des déterminismes biologiques.
Oui, quelle sorte de femmes et d’hommes voulons-nous vraiment éduquer?
Patrick Hullebroeck, directeur
- 1Concept créé en 2003 par le philosophe australien de l’environnement Glenn Albrecht, la solastalgie est une forme de souffrance et de détresse psychique ou existentielle causée par les changements environnementaux passés, actuels ou attendus, en particulier concernant la destruction des écosystèmes et de la biodiversité, et par extension le réchauffement climatique. Elle se rapproche en cela de l’éco-anxiété. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Solastalgie