Ecocide, changer ou disparaître - L’interdépendance expliquée aux jeunes

Lundi 8 mai 2023

Ecocide, changer ou disparaître - tournage
Marie-Francoise Holemans, secteur communication Ligue de l'Enseignement

Autour d’une fiction – un procès pour écocide – le documentaire Écocide, changer ou disparaître vient éveiller les consciences, individuelles et collectives, sur la nécessité et l’urgence d’un changement de paradigme. L’être humain, jeune ou moins jeune, y est invité à prendre la mesure des défis qui l’attendent sur cette planète, dont les ressources sont limitées et dont les populations humaine, animale et végétale sont en danger.

Les jeunes générations, comme les suivantes, sont forcément celles qui habiteront majoritairement notre planète, quoi qu’elle devienne, durant ce XXIe siècle largement entamé. Or, selon tous les rapports scientifiques, notre monde a dépassé toutes les limites, mettant en danger l’existence même de ceux qui y habitent. Les dommages et la destruction massive de la nature et des écosystèmes vitaux, qui ont conduit à la catastrophe climatique et écologique actuelle, auront encore de profondes répercussions sur les individus, la nature et inévitablement ces jeunes générations.

Ecocide, changer ou disparaître - tournage
Tournage du film "Écocide, changer ou disparaître".

En première ligne, la sphère de l’éducation peut sensibiliser les jeunes à la nécessité d’agir aujourd’hui en aidant chacun·e à prendre conscience de sa responsabilité. Et cela dans une perspective commune, celle d’un passage de la dynamique destructrice actuelle vers un avenir durable. S’adressant aux personnels de l’enseignement, le documentaire Écocide, changer ou disparaître ne se veut pas moralisateur. «Le film pointe ce qui nous relie plutôt que nos différences, il nous rappelle combien chaque forme de vie est essentielle à la survie de toutes, et il nous confronte aux changements de conscience indispensables pour transformer adéquatement nos sociétés», expliquent Jose Javier Paniagua et Yvan Beck, concepteurs du film et cofondateurs de la Fondation européenne pour le droit du vivant1 , qui compte également parmi ses membres fondateurs Olivier De Schutter, Guibert Del Marmol et Timothy Weekers.

Déplier les arguments

La toute première mission du film, c’est de nous confronter à ces questions essentielles: qui sommes-nous? qui sont-ils? que sommes-nous ensemble? D’emblée, il nous plonge dans la réalité crue de millions d’êtres humains: les insulaires menacé·es par la montée des eaux, les citadin·es agressé·es par la pollution et le bruit, les habitant·es de sites naturels harcelé·es par les entreprises qui visent leur exploitation. Le film nous parle aussi d’espèces menacées et de nature saccagée, des calamités dues aux seules actions de l’espèce humaine. Et, dans la foulée, il nous rappelle ce qu’est un écocide: des actes illicites ou gratuits, commis tout en sachant qu’il existe une forte probabilité de dommages graves et généralisés ou à long terme sur l’environnement, vivant et non vivant. Avec, en ligne de mire, la sixième extinction de masse.

Amplifier les prises de conscience


Servant de fil conducteur au film, un procès pour écocide, joué par de jeunes étudiant·es en théâtre, crée des synergies avec les interventions de personnalités qui partagent leurs connaissances et leur sagesse, telles Jane Goodall, Mathieu Ricard, Peter Singer, Vandana Shiva ou Satish Kumar. Partant d’une approche holistique, dans laquelle l’être humain intègre une place au sein du monde vivant, le film nous interpelle sur l’état de la planète et il nous suggère qu’il est peut-être encore temps d’inverser le cours des choses.

Comment? En partant du constat que tous les êtres vivants sont interconnectés par des relations de cause à effet, et qu’ils sont impliqués dans des relations d’entraide et de coopération, ce qu’on appelle l’interdépendance. En expliquant que la vie sur Terre est dépendante d’une infinité d’espèces qui nous assurent air, eau, nourriture et espaces habitables, et en démontrant que les organismes qui survivent le mieux aux conditions difficiles ne sont pas les plus forts, mais ceux qui arrivent à coopérer.

Enrichir les actions

En diffusant ces connaissances auprès des jeunes, grâce à des personnalités influentes issues des monde scientifique et spirituel, les auteurs du film font le pari de proposer l’espérance qu’un autre monde est encore possible, en privilégiant l’action et la transformation, notamment en posant des gestes écoresponsables. S’il souligne la transformation de chacun·e comme moteur du changement, le film insiste aussi sur la dimension collective. Le documentaire a lui-même été réalisé en intelligence collective, sans but lucratif, en associatif, porté par de nombreux bénévoles et diffusé en accès gratuit à toutes et tous sur internet.

En somme, le film raconte le bras de fer entre les forces qui s’obstinent à perpétuer un mode de vie obsolète et destructeur, et les forces qui défendent l’urgence d’une humanité plus sobre et consciente des limites de la planète. Avec cette articulation en trois temps – sensibiliser l’opinion publique, et particulièrement les jeunes générations, sur la crise climatique et la destruction des écosystèmes; pointer les tenants et aboutissants de ces enjeux planétaires; proposer les outils de la transformation intérieure et collective – ce documentaire devrait contribuer à l’éclosion d’une plus grande responsabilité, notre responsabilité.

Plus d’infos:

Film "Écocide, changer ou disparaître": https://youtu.be/eoTgjCTuPOw
Présentation du film: http://ecocidechangeroudisparaitre.com/
Carte blanche d’Yvan Beck: https://planetevie.be/ecoles/captivite-animale-education-ou-contre-education/

 

Changer ou disparaître? Morceaux choisis

Tout au long du documentaire, des personnalités engagées donnent leur vision d’une même urgence, celle de la survie de la planète. Scientifiques, philosophes, écologistes et sages provenant du monde entier ont contribué bénévolement avec leurs témoignages. Morceaux choisis.

« En définissant l’écocide et en légiférant sur ce crime au niveau international, on vise à faire changer les pratiques. L’objectif final est de véritablement protéger les écosystèmes en faisant évoluer les comportements » - Jojo Mehta, cofondatrice et directrice exécutive de Stop Ecocide International

« Nous arrivons à la fin d’un processus qui a commencé avec le colonialisme et qui s’est accéléré avec l’empire des énergies fossiles. On continue à se voiler la face, on avance à l’aveugle au bord du précipice » - Vandana Shiva, militante écoféministe

«Le principal coupable de l’érosion de la biodiversité aujourd’hui, de cette sixième extinction de masse, c’est un certain type d’agriculture industrielle qui veut maximiser la production à l’hectare» – Olivier De Schutter, juriste, professeur, et ancien rapporteur spécial des Nations unies

«Pour assurer une harmonie durable, il faut d’abord réduire les inégalités, pour vivre avec la nature sans dépasser les limites planétaires, en protégeant l’environnement» – Matthieu Ricard, Docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste

«Si tout le monde avait le même niveau de vie qu’un Américain ou un Européen moyen, il nous faudrait quatre nouvelles planètes, on parle même de cinq ou six. Mais on n’en a qu’une!» – Jane Goodall, éthologue et écologiste, fondatrice de l’Institut Jane Goodall

«L’économie, la technologie, la science, le commerce, la politique, les médias, tout cela n’est que la cerise du gâteau. Le vrai gâteau, c’est la terre, l’air, le feu, l’eau, la vie humaine, votre vie, votre bonheur. Alors protégez le gâteau, pas la cerise!» – Satish Kumar, activiste et conférencier

«La pratique de certaines activités ont pour conséquences la perte de biodiversité et la désertification, qui vont entraîner la destruction totale de l’habitat» – Monica Gagliano, chercheuse et professeure en écologie évolutive

«La vie, c’est un tout, ce n’est pas sauver une espèce, c’est une interdépendance. Tout est lié sur Terre. Quand vous mettez un pied dans un combat, vous entrez dans tous les autres. La conservation, c’est le combat de chacun. On est tous responsables de notre planète» – Claudine André, militante écologiste et fondatrice de Lola ya Bonobo

«Les animaux ont les mêmes intérêts que nous: ils veulent minimiser la douleur, maximiser le plaisir et éviter la mort. Leur comportement montre que ces trois éléments sont leur priorité» – Jonathan Balcombe, Docteur en éthologie

«Un animal, c’est quelqu’un» – Corine Pelluchon, philosophe

«Il n’y a pas de mouvement de pensée qui n’ait pas une action sur le monde. On est responsable à travers ses pensées, ses paroles, ses actions. Chacun de nous a cette responsabilité. Et la première chose, c’est d’en devenir conscient, parce que ça change tout» – Sofia Stril-Rever, biographe du 14e Dalaï-lama et cofondatrice de Better We Better World

«Il est raisonnable de considérer certains animaux non humains comme des personnes, c’est-à-dire comme étant des êtres conscients d’eux-mêmes, existant comme la même entité indépendante à travers le temps, avec un passé et un futur» – Peter Singer, philosophe et professeur de bioéthique

«Au fond de lui-même, tout être humain, comme n’importe quel autre animal, veut la paix, le bonheur. Il veut éviter la souffrance. L’essentiel de notre vie repose sur la compassion humaine» – Sa Sainteté le Dalaï-lama

 

Un dossier pédagogique en 10 thématiques

Ecocide, changer ou disparaître - Dossier pédagogique

Les thèmes abordés dans le film sont multiples, les ressources sont nombreuses mais elles sont rarement suggérées en un seul document. Afin de permettre l’approfondissement de ces matières, un dossier pédagogique fort de 56 pages accompagne le film. Educ-ecocide est disponible en ligne ou téléchargeable au format PDF en français, anglais et néerlandais, dans son intégralité ou par séquence. Un site internet dédié permet de l’exploiter et de naviguer facilement entre les modules1 .

Conçu avec le soutien d’un groupe de scientifiques, d’enseignants, de pédagogues, de vulgarisateurs et de représentants d’associations œuvrant dans l’environnement, la citoyenneté ou la spiritualité, le dossier s’articule autour de 10 thématiques environnementales, transversales et indépendantes, et exploitables distinctement ou ensemble.

Au travers d’une question de départ (situation problème), chaque séquence permet d’approfondir les notions. Pour chaque thème, des outils pédagogiques supplémentaires sont renseignés, des lectures, des films ou des animations sont proposés, et des pistes concrètes invitent à passer à l’action via des associations et des réseaux.

  • #1 Comment concilier nos modèles économiques et nos ressources planétaires limitées?
  • #2 L’anthropocène est-il dû à notre nature humaine ou à notre culture?
  • #3 Un déséquilibre dans l’écosystème peut-il entraîner un basculement irréversible?
  • #4 À quelle famille l’humain croit-il appartenir?
  • #5 Après notre crise d’adolescence, l’espoir de l’harmonie?
  • #6 Je ressens, donc je suis? Évolution des conceptions, de Descartes à aujourd’hui
  • #7 Sommes-nous libres de changer de paradigme ou asservis à notre système?
  • #8 Quel est le statut d’écocide aujourd’hui?
  • #9 Notre société est-elle hyperconnectée ou complètement déconnectée?
  • #10 Peut-on désobéir si une loi n’est pas légitime?

On le voit, le dossier offre une mine d’informations sur des sujets vastes, complexes et interdépendants, à destination du monde enseignant, du personnel éducatif et des parent·es, mais également de toute personne désireuse de s’informer et de passer à l’action!

 

Eduquer 178 - Pierre-Paul Pariseau

mai 2023

éduquer

178

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