Bâtiments scolaires: vers un maintien des engagements?
Jeudi 10 octobre 2024
Le financement des bâtiments scolaires et de leur rénovation est, fort heureusement, à l’agenda des gouvernements successifs. Si le précédent gouvernement s’était engagé sur de sérieuses réformes, la nouvelle coalition annonce rétablir certains équilibres dans ces dossiers complexes.
À la suite des élections régionales du 9 juin dernier, Elisabeth Degryse, membre du parti Les Engagés, a été désignée Ministre-Présidente de la Communauté française de Belgique. Entre autres charges, c’est elle qui est désormais compétente pour le Budget et les bâtiments scolaires, ainsi que pour la coordination des dossiers relatifs aux fonds structurels européens, lui assurant une maîtrise du Plan pour la Reprise et la Résilience européenne (PRR).
Le gouvernement précédent avait initié un dispositif législatif de près de deux milliards d’euros destiné à assurer la rénovation des bâtiments scolaires, dont le financement avait été négligé jusque-là. Ainsi, parmi les nombreux engagements, le Plan d’Investissement exceptionnel dans les bâtiments scolaires (PIE), le Plan de Relance européen (PRR) ou le plan de rénovation des sanitaires pour un total d’environ deux milliards d’euros. Il y avait d’abord le Plan pour la Reprise et la Résilience européenne qui prévoyait, en 2022, la distribution de 269 millions d’euros pour 149 projets, suivi en 2023 par une dotation d’un milliard d’euros pour le PIE, réparti sur trois ans et quatre appels à projets.
Déséquilibre entre les réseaux
Dès l’annonce du résultat du premier appel à projets en avril 2024, distribuant 300 millions d’euros, la polémique a enflé auprès de l’enseignement subventionné. En effet, il faisait la part belle à la liste établie par le WBE, l’enseignement officiel organisé par la Communauté française. Pas moins de 83 % des moyens lui étaient attribués alors que ce pourvoir organisateur n’accueille que 16 % de la population scolaire.
Lors de la séance plénière du Parlement du 25 avril, un amendement déposé par un député libéral a été adopté. Il vise à rééquilibrer la répartition des moyens du PIE, tout en immunisant la première tranche. Il augmente les délais pour les futurs appels et plafonne les moyens dédiés à chacun des réseaux en fonction de leur poids scolaire. Sans porter atteinte à la méthodologie de l’administration, le déséquilibre entre les fédérations de pouvoirs organisateurs s’explique dans ce cas par la mobilisation excessive des moyens pour les projets de démolition-reconstruction, au détriment des rénovations.
Des moyens financiers importants
L’immunisation de la première tranche évitait de remettre en cause les critères du décret de 2023, d’ouvrir la porte à un arbitrage très subjectif dans le choix des projets à éliminer malgré leur qualité reconnue, et enfin d’ouvrir la porte aux recours. Malgré ce lancement plutôt chaotique du PIE, force est de constater que le financement des bâtiments scolaires dispose enfin de moyens importants, de critères de priorisation quasiment identiques dans les différents dispositifs, ainsi que des mesures d’impact sur l’environnement telles que la performance énergétique, le réemploi de matériaux de construction, la non-augmentation de surface minéralisée ou encore la mutualisation des espaces et la collaboration infrastructurelle inter-réseaux. Même si ces mesures doivent encore être ajustées, l’absence de cadastre de l’état du bâti scolaire se fait cruellement sentir.
Lors de la séance plénière du 25 avril, un nouveau décret relatif au financement des bâtiments scolaires, réformant les anciens fonds, a été adopté. Il se marque par deux axes principaux. En premier lieu, la création historique d’un Fonds pour l’enseignement libre subventionné et un rééquilibrage des moyens. En second lieu, la refonte complète des mécanismes d’attribution des moyens aux différents pouvoirs organisateurs, qui passe notamment par la suppression de l’ensemble des mécanismes actuels, tout en ne maintenant que deux mécanismes nouveaux: les travaux non structurants ou ponctuels et les travaux structurants.
Une refonte de l’allocation des fonds
Parmi les objectifs poursuivis, relevons un rééquilibrage financier entre les différents réseaux – au bénéfice principalement de l’enseignement privé catholique –, l’attribution de financements aux établissements qui sont dans la situation infrastructurelle la plus problématique, des indexations automatiques des moyens et le transfert de fonds anciennement dévolus au mécanisme de création de places, ainsi que la mise en œuvre d’un mécanisme d’accompagnement des pouvoirs organisateurs par l’administration.
La refonte complète des fonds qui finalise le travail de la précédente législature doit encore être suivie des arrêtés d’exécution destinés à concrétiser cette réforme et surtout à maintenir les engagements financiers proposés jusque-là. Il faudrait également renforcer le Service général des Infrastructures scolaires subventionnées soumis à rude épreuve pendant cette législature.
La déclaration de politique communautaire du 11 juillet ne liste malheureusement pas les actions encore à entreprendre pour assurer la continuité de l’action publique en matière de financement des bâtiments scolaires ou le renforcement du personnel administratif. Elle y consacre un seul chapitre intitulé «Des bâtiments à la pointe de l’efficacité énergétique», qui comprend l’engagement du nouveau gouvernement à améliorer les infrastructures scolaires et «à transformer progressivement les établissements scolaires en tenant compte des enjeux de durabilité».
En matière environnementale, nous pouvons comprendre que le gouvernement poursuivra la rénovation des bâtiments existants, en construira de nouveaux avec la volonté d’en réduire l’empreinte carbone et de créer un environnement sain et agréable pour les élèves et le personnel.
Une réforme administrative annoncée
Le gouvernement souhaite également «finaliser la réforme des Services Administratifs à Comptabilité Autonome (SACA) pour améliorer leur efficacité et leur réactivité». Il s’agit d’imposer à ces services un régime plus simplifié que celui des services d’administration générale, en permettant qu’ils puissent fournir les données utiles à l’établissement du regroupement économique des recettes et des dépenses de la Communauté française. Cela signifie que les engagements financiers non dépensés dans l’année de leur application pourront être mis en réserve et réutilisés plus tard. Ils ne sont pas perdus mais reportés.
Le gouvernement voudra «assurer une exécution équilibrée et veiller à un suivi rigoureux du plan d’investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen (PRR) et du plan d’investissement exceptionnel dans les bâtiments scolaires (PIE)». Il s’agit donc bien de maintenir les engagements déjà pris lors de la précédente législature, tout en maintenant les critères de priorité des projets retenus, mais aussi de veiller à ce que les moyens soient équitablement répartis entre les réseaux selon le poids de la population scolaire qu’ils représentent.
Pour l’enseignement officiel organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles, le WBE, le gouvernement envisage de «regrouper les Sociétés patrimoniales des bâtiments scolaires publics (SPABSP) qui gèrent les bâtiments appartenant à la Communauté française afin de rationaliser les ressources, améliorer la coordination et offrir un soutien plus cohérent et efficace aux élèves». Nous sommes bien là dans la volonté d’évaluer, et éventuellement de réformer, l’action publique. Notons enfin que le plan de rénovation et d’entretien des sanitaires dans les écoles sera également maintenu.
Un rééquilibrage au profit du libre
Le rééquilibrage des subventions des bâtiments scolaires au profit de l’enseignement libre se retrouve également, de façon succincte, dans le paragraphe visant une fusion des réseaux officiels. Le gouvernement indique rééquilibrer les taux de subventionnement en infrastructures des bâtiments du privé catholique et des bâtiments publics. La référence sera celle en vigueur en Flandre, soit l’objectif de 92% d’ici 10 ans de la dotation du WBE, avec la volonté d’assurer une égalité de financement par élève entre le WBE et l’enseignement subventionné, à l’exception du coût des bâtiments du réseau libre dont la FWB n’est pas propriétaire, soit les bâtiments scolaires non regroupés en SPABSPC et qui sont gérés par des associations privées.
Pour aller plus loin
Lire ou relire l’analyse de Roberto Galluccio Financement des bâtiments scolaires. De réforme en réforme, l’embellie? parue dans Éduquer n°176 en mars 2023.