Du temps vécu à la vie de l’esprit

Lundi 18 mars 2024

Patrick Hullebroeck, Directeur

Le sens de l’éducation a toujours partie liée avec le futur. Qu’elle s’appuie sur une conception réactionnaire ou progressiste, c’est-à-dire qu’elle cherche son inspiration dans les traces du passé ou qu’elle croie à un avenir meilleur encore à inventer, l’éducation a pour vocation de préparer les jeunes à endosser la condition future du genre humain.

Mais il est de multiples manières de se rapporter au futur. Le rapport au temps vécu peut en effet se teinter d’états émotionnels que tout oppose: nostalgie pour le passé révolu, mélancolie suscitée par le présent, renoncement à vivre le futur, anxiété face à l’incertitude de l’avenir, désespoir face à la difficulté d’être, ou au contraire confiance dans l’avenir, voire espérance en un monde meilleur.

Que ces états émotionnels aient une influence sur la vie intellectuelle et la capacité à apprendre ne fait pas de doute. Car à quoi bon penser et se former s’il est vain d’envisager une existence future ou si domine le sentiment que les individus comme les sociétés ne peuvent influer positivement sur leur condition future?

La dimension émotionnelle du temps vécu est trop souvent négligée dans les apprentissages cognitifs, car nous vivons toujours sur l’immense préjugé qui oppose la vie émotionnelle à l’activité raisonnable. Pourtant, les recherches actuelles dans le domaine des neurosciences aboutissent plutôt à l’idée d’une intrication de l’activité des zones cérébrales dévolues aux émotions d’une part et de l’action du cortex préfrontal sur la conscience, la capacité à réfléchir et à prendre des décisions d’autre part.

Ainsi, il s’agirait peut-être moins d’opposer les émotions à la raison que de chercher leur complémentarité ou, pour mieux dire, de renforcer un état émotionnel propice à la vie consciente. Par ailleurs, il s’agirait de développer la capacité d’inhibition du cerveau afin de lutter contre les biais cognitifs liés à l’activité intellectuelle spontanée ou automatique.

Depuis peu, il est heureusement un cours qui relève le double enjeu de conjuguer le développement de la capacité à raisonner et à poser des choix avec la connaissance de soi, en ce compris dans sa dimension émotionnelle. C’est le cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté.

L’une des visées du cours, telle que définie par le référentiel, a en effet pour objet, à côté de la dimension argumentative, la connaissance de soi et l’ouverture aux autres, en développant l’estime de soi et une attitude empathique vis-à-vis des autres. Ainsi, du temps vécu à la vie de l’esprit, est-il un cours qui prépare les élèves à endosser les réalités futures. N’est-ce pas la raison d’être d’un enseignement bien pensé?

Patrick Hullebroeck, directeur

 

Photo de Lidia Nemiroff sur Unsplash

fév 2024

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