Evaluer les enseignant·es et développer leurs compétences professionnelles

Jeudi 28 septembre 2023

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Patrick Hullebroeck, Directeur

En toute discrétion et à une quasi-unanimité, le Parlement de la Communauté française a adopté, au cœur de l’été, la réforme de l’évaluation des personnels de l’enseignement. Retour sur une réforme controversée.

Le 19 juillet 2023, après des mois de contestation syndicale, pas moins de huit manifestations des enseignant·es et de multiples moments de concertation sociale, le décret relatif au soutien, au développement des compétences professionnelles et à l’évaluation des personnels de l’enseignement était adopté par le parlement de la FWB à une quasi-unanimité: 72 voix pour (parlementaires des groupes PS, MR, ECOLO, Engagés, Défi), 11 contre (PTB) et 0 abstention.
Comment expliquer une telle discordance entre la représentation politique, où le soutien quasi unanime prévaut, et la représentation syndicale dont le front commun s’est fracturé, avec d’un côté les syndicats SLFP, CGSP, APPEL, SEL qui se sont violemment opposés au projet et la CSC-Enseignement qui a mené une opposition «constructive», en se ralliant finalement à la réforme, mais avec d’importantes réserves?

Le point de départ: le Pacte pour un Enseignement d’excellence

La réforme trouve plus spécialement sa source dans l’Avis n°3 du Groupe central, chargé du pilotage du Pacte, et en particulier au paragraphe 6 intitulé «Développer l’évaluation des enseignants dans un cadre collectif et formatif» (2017).
Les recommandations du GC partent de l’idée que «l’autonomie et la responsabilité qui sont au cœur de la nouvelle dynamique de gouvernance des écoles renvoient prioritairement à des modes de fonctionnement collectifs et participatifs qui doivent impliquer les enseignants dans le pilotage de l’école». Cela étant posé, «la responsabilité collective qui est celle de l’établissement scolaire dans le cadre de la mise en œuvre des plans de pilotage renvoie toujours à une responsabilité individuelle» (p.181). Ce faisant, le GC recommande un processus d’évaluation à trois niveaux: une évaluation collective portant sur la mise en œuvre du plan de pilotage au niveau de l’établissement scolaire; une évaluation formative de l’enseignant·e orientée vers l’acquisition de compétences nouvelles et vers l’amélioration des prestations attendues dans le cadre du plan; une évaluation sommative, c’est-à-dire sanctionnée et pouvant avoir des implications sur la carrière de l’enseignant·e.
Dans l’esprit du GC, les deux facettes de l’évaluation individuelle poursuivent de multiples finalités: «motiver les membres de l’équipe et donner du sens à leur travail, mieux communiquer avec eux, clarifier les rôles et les missions de chacun et définir ex ante et en concertation la “performance” qui est attendue, développer les compétences en identifiant les déficits éventuels, favoriser la prise de responsabilité, donner de la reconnaissance à la performance, à l’implication et à l’engagement, et enfin réagir au manque d’effort, à la mauvaise volonté ou aux manquements répétés quand cela est avéré» (p.182). Le GC fixe cependant trois garanties qui devront être assurées dans la procédure: l’impartialité de la procédure, son caractère contradictoire et son caractère exceptionnel.

La ligne de conduite de la ministre de l’Enseignement

Le projet de décret s’inscrira résolument dans ce schéma et la ministre de l’Enseignement obligatoire, Caroline Désir, aura grand soin, tout au long du processus d’élaboration et de négociation du projet de décret, de demeurer à l’intérieur du cadre défini par ces recommandations. L’Avis n°3 constitue, en effet, la véritable feuille de route pour la mise en œuvre du Pacte. Il a été adopté par les partenaires du Pacte, c’est-à-dire les partis politiques, les syndicats, les pouvoirs organisateurs, les associations de parents qui s’en trouvent liés. Rejeter le projet de décret revenait en quelque sorte à renier sa parole. D’où la grande unanimité au Parlement et la véritable crise de confiance dans les relations avec les organisations syndicales, dont les responsables n’étaient plus suivis par leur base, et qui aboutit finalement à la rupture, quatre syndicats décidant de quitter le groupe central, la CSC-Enseignement, seule, s’y maintenant.
La ministre Caroline Désir répétera à de multiples occasions – que ce soit au Parlement, lors de ses réponses aux questions des parlementaires ou lors de la présentation du projet en Commission de l’enseignement – que son projet est une traduction loyale de ce qui a été convenu dans le Pacte. Ainsi, lorsqu’elle répond en Commission de l’enseignement à une question de Marie-Martine Schyns, aujourd’hui dans l’opposition, lors de la séance du 22 février 2022:
«Le mécanisme d’évaluation des enseignants et des directions tel qu’il est envisagé repose avant tout sur le développement des compétences professionnelles par la tenue d’entretiens de fonctionnement et la mise en place, le cas échéant, d’un plan de développement de compétences professionnelles. C’est sa visée formative! En effet, le premier volet du dispositif doit permettre de valoriser et de soutenir les membres du personnel, en rendant possible un feed-back positif sur leur travail. Il doit amener chacun à évoluer dans sa pratique professionnelle. Le premier volet sera mis en œuvre dans un dialogue reposant sur la confiance entre les différentes parties. Il prévoit, le cas échéant, que des moyens soient mis à disposition des membres du personnel, comme la possibilité de suivre une formation. C’est seulement le deuxième volet du dispositif qui pourrait, le cas échéant, entraîner des sanctions. Il ne pourra toutefois concerner qu’un membre du personnel qui fait preuve de mauvaise volonté manifeste ou de dysfonctionnements répétés. Il ne pourra, en outre, être activé qu’à plusieurs conditions strictes – c’est déjà le fruit des premières discussions avec les syndicats: par exemple, le volet lié au développement des compétences professionnelles doit être mené à terme préalablement et un délai doit être laissé au membre du personnel pour évoluer dans sa pratique. Une sanction ne pourrait donc intervenir, le cas échéant, qu’au terme d’un processus à la fois long et évolutif, encadré par des balises claires, à l’instar de ce qui s’applique dans la fonction publique» (CRIc N°55-Educ.11 (2021-2022)).
Et d’ajouter quelques semaines plus tard, le 26 avril 2022, à la même parlementaire: «Le projet n’est donc pas venu de nulle part: il s’inscrit dans la parfaite continuité des travaux menés durant la précédente législature. Il s’appuie sur une vision positive de l’évaluation, avec l’objectif de valoriser les réussites, de faire progresser et de donner confiance en soi» (CRIc N°69-Educ.14 (2021-2022)).
Un an plus tard, le 24 janvier 2023, en réponse à une question parlementaire de Stéphanie Cortisse (MR) posée en Commission de l’enseignement, qui fait directement suite à l’adoption en première lecture de l’avant-projet de décret par le gouvernement de la Communauté française (le 21 décembre 2022), la Ministre réitère son propos, comme elle le fera de nombreuses fois par la suite: «L’avant-projet de décret relatif au soutien, au développement des compétences professionnelles et à l’évaluation des personnels de l’enseignement a été élaboré sur la base de l’Avis n°3 du Groupe central du Pacte pour un enseignement d’excellence. Il a fait l’objet d’un travail soutenu de concertation préalable avec les acteurs de l’enseignement. Il s’agit avant tout d’un processus généralisé et systématique, permettant un regard réflexif sur les pratiques professionnelles et un dialogue autour du travail destiné à l’ensemble des membres du personnel de l’enseignement obligatoire, de l’enseignement de promotion sociale et de l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit (ESAHR)» (CRIc N°46-Educ.9 (2022-2023)).

La crise de confiance

Las, cette prudente ligne de défense ne fonctionnera pas et l’opposition des syndicats va se durcir, jusqu’à la rupture, en mars-avril 2023. Certes, la montée des tensions avec les organisations syndicales et les manifestations des enseignant·es ne trouvent pas leur cause unique dans la question de l’évaluation1 . Le front commun syndical se mobilise, en effet, autour de plusieurs enjeux: «la surcharge administrative, la revalorisation de l’enseignement qualifiant, les moyens d'encadrement (la taille des classes), l'avenir des CPMS, l’évaluation des personnels» (communiqué de presse du front commun syndical, 24 avril 2023). Mais la question de l’évaluation est sur la table et l’opposition au décret en préparation est frontale.
Les griefs des syndicats sont parfois difficiles à démêler mais portent sur plusieurs aspects de la réforme. Ils jugent le caractère insuffisamment positif de la conception de l’évaluation sous-jacente. Ils craignent l’arbitraire des décisions, comme la possibilité de représailles ou de sanctions injustifiées, ils craignent les jugements appréciatifs entre pairs auxquels le dispositif pourrait conduire, en particulier si le/la chef·fe d’établissement peut déléguer la tâche d’évaluer.
Mais c’est véritablement d’une crise de confiance dans la mise en œuvre du Pacte qu’il s’agit. Les déclarations à la presse du président de la CGSP-Enseignement Joseph Thonon, un responsable syndical qui a beaucoup pesé pour entrainer les affiliés de son syndicat dans le Pacte, traduisent bien le sentiment d’amertume: «Trop de mesures mises en place depuis 2017 ne permettent pas de progresser vers les objectifs annoncés du Pacte. Certaines ont même détérioré les conditions de travail des enseignants. Ainsi, des dérives progressives vers une approche managériale de la réforme du pilotage des écoles sont déjà à l’œuvre actuellement. En outre, depuis le Pacte, toute revendication des enseignants, même visant à améliorer les systèmes d’enseignement, est rejetée par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles si elle a un coût» (La Libre, 27 mars 2023).

Le corps de la réforme

En quoi consiste exactement la réforme? Quels sont les principaux aspects du dispositif d’évaluation mis en place par le décret?

LES INTENTIONS DU PROJET: DÉVELOPPER LES ATTITUDES RÉFLEXIVES
La réforme a pour objet de mettre en place un dialogue autour du travail entre les membres du personnel et la direction, dans la perspective de l’amélioration des compétences professionnelles. Complémentairement, on attend de ce dialogue un effet positif sur la motivation des personnels, le renforcement du sens donné au travail effectué individuellement et collectivement, ainsi que la valorisation des membres de la communauté éducative.
Le dispositif concerne les membres du personnel de l’enseignement obligatoire, de l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit et de l’enseignement de promotion sociale. Le volet de la réforme concernant le soutien et le développement des compétences professionnelles entrera en vigueur en janvier 2024; le volet sur l’évaluation à la rentrée 2026-2027.

DEUX MÉCANISMES DISTINCTS
Le projet établit deux mécanismes distincts: un mécanisme de soutien et de développement des compétences professionnelles, qui constitue le cœur du dispositif, et un mécanisme d'évaluation. Le premier est basé sur un entretien de développement professionnel qui, en lui-même, ne peut avoir de conséquences statutaires. Il s’agit d’un «dialogue ouvert» permettant aux membres du personnel de faire le point sur leurs pratiques, leurs réussites, leurs éventuelles difficultés, de faire un bilan du travail accompli et à identifier leurs besoins de formation. Cet entretien se conclut soit par un feedback positif de la direction, soit par la mise en place d’un «plan de développement des compétences», à la demande du membre du personnel ou de la direction. Cet entretien est organisé au minimum une fois tous les trois ans pour les enseignant·es confirmé·es et tous les ans pendant les cinq premières années de la carrière. Pour ce dernier cas, l’entretien est automatiquement assorti d’un plan de développement des compétences.

LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES
Il s’agit d’un document qui définit des engagements mutuels de la direction et du membre du personnel autour d’un nombre limité d’objectifs d’amélioration (quatre au maximum) et des actions (de formation par exemple) pour les atteindre. Au cas où ce processus n’aboutit pas positivement et ne peut se conclure par un feedback positif de la direction, celle-ci peut faire rapport au pouvoir organisateur qui, sur cette base, peut décider d’enclencher l’autre volet du dispositif, dit d’évaluation.

LE MÉCANISME D’ÉVALUATION
Celui-ci est placé sous la responsabilité du pouvoir organisateur. Il consiste en une procédure d’entretien aboutissant à une mention favorable ou défavorable, établie notamment sur base du rapport de la direction. Le membre du personnel entendu peut être assisté d’un·e collègue de son choix ou d’un·e représentant·e syndical·e. Cette mention peut faire l’objet d’un recours externe. Si la mention est défavorable, le pouvoir organisateur planifie un nouvel entretien pour mettre en place un «plan d’accompagnement individualisé» (PAI).
Au minimum six mois et au plus tard deux ans après la mise en place de ce plan, un nouvel entretien est organisé. Si celui-ci conduit à une deuxième mention défavorable, elle aura pour conséquence une fin de fonction au sein de l’établissement scolaire. Ce dernier a aussi la possibilité de prolonger de six mois le PAI afin d’offrir une chance supplémentaire au membre du personnel d’obtenir une mention favorable. A noter que le membre du personnel dispose, à nouveau, d’un droit de recours face à une deuxième mention défavorable, devant une commission de recours externe.

LA DIFFÉRENCE ENTRE L’ÉVALUATION ET LES PROCÉDURES DISCIPLINAIRES
Les procédures disciplinaires déjà existantes portent sur des faits et des dysfonctionnements en lien avec les devoirs des membres du personnel. Elles visent des conduites inadéquates dans le cadre de la fonction, telles que des fautes ou des actes qui font l’objet d’une interdiction. Il s’agit par exemple des faits de violence, de l’alcoolisme, des retards systématiques, de vol, etc. Il s’agit de comportements répréhensibles qui, une fois les faits établis, mènent à une sanction dont les effets sont généralement immédiats.
Le présent décret n’a pas pour objet ce type de comportements mais la manière d’enseigner et la façon dont l’enseignant·e s’inscrit dans le projet pédagogique de l’établissement scolaire au regard de ses compétences professionnelles. Cette distinction est importante car elle permet de saisir la spécificité du processus d’évaluation mis en place et l’importance du décret. En effet, celui-ci instaure un contrôle sur la dimension pédagogique du travail de l’enseignant et sur la manière dont il s’inscrit dans le projet pédagogique de l’école ou, plus précisément – ne nous y trompons pas –, dans le contrat d’objectifs de l’école. Et ce contrôle, comme dans toute démarche de qualité, s’effectue sur base de normes explicites (dans l’environnement scolaire, sans doute souvent implicites) qui, en elles-mêmes, sont toujours discutables (mais le seront rarement dans le cadre scolaire).
Le contrôle fait normalement l’objet d’une procédure de vérification permettant d’objectiver des écarts par rapport à la qualité visée (ce qui sera difficile dans le contexte scolaire). Il conduit à une recherche d’amélioration. Cette dernière démarche n’est cependant pas multifactorielle comme elle le serait dans une démarche «normale» de qualité dans le cadre d’une production ou d’un service. Car la procédure a directement pour objets les habilités professionnelles de l’enseignant·e et la manière dont il/elle s’inscrit dans le projet scolaire.

DES QUESTIONS DE FOND
Ce point entraine, à tout le moins, plusieurs questions de fond qui n’ont malheureusement – à notre connaissance – pas vraiment été débattues au Parlement. Les défauts observés dans une pratique enseignante sont-ils nécessairement imputables à un manque de compétence professionnelle, et les améliorations recherchées le sont-elles forcément sur le plan de la formation? Dans un domaine aussi controversé que celui des méthodes pédagogiques, jusqu’à quel point est-il légitime et acceptable d’effectuer un contrôle sanctionné sur la manière pédagogique dont un·e enseignant·e effectue son métier? Quels seront les effets de cette procédure sur la motivation des enseignant·es et leur sens des responsabilités dans l’exercice de leur métier, le sentiment de liberté vécue par l’individu étant directement lié au sentiment de sa responsabilité personnelle? Cette réforme ne constitue-t-elle pas un nouveau pas dans le sens de la dépossession des enseignant·es de leur propre métier?
Les métiers de l’éducation ont ceci de particulier qu’on ne peut observer qu’indirectement les effets de l’action éducative et ceux-ci sont eux-mêmes toujours sujets à discussion et à interprétation. Une même action éducative peut avoir des effets diamétralement opposés sur deux apprenant·es différent·es. Par ailleurs, les habilités professionnelles «font corps» avec l’éducateur·rice: ce que l’un peut faire, l’autre ne le peut pas – question de personnalité, de caractère, d’expérience, d’âge, de genre, de capacité à communiquer et à être en relation. D’où le fait qu’il n’y a pas «un» modèle d’enseignant·e, mais seulement un répertoire d’exemples, dans lesquels chaque enseignant·e peut puiser pour inspirer sa propre pratique.
Développer la réflexivité propre d’un·e enseignant·e augmente sa capacité à enrichir la perception qu’il/elle a de sa pratique et des possibilités qui lui sont offertes. Favoriser la discussion sur les pratiques, en équipe, enrichit le point de vue de chacun·e et favorise la convergence de ces mêmes pratiques. Mais prétendre développer cette réflexivité dans un entretien individuel avec la hiérarchie, susceptible de conduire à des démarches d’amélioration et de formation contraintes, qui ultimement, en cas d’échec, peuvent conduire à une fin de collaboration et une perte d’emploi, n’est-ce pas aller trop loin et mettre en place un «soft power» discutable?
Le dispositif mis en place devra faire l’objet d’une préparation (information et formation des directions, par exemple) et d’un monitoring pour en évaluer les effets. Le décalage de la mise en œuvre du premier volet (janvier 2024) et du second (année scolaire 2026-2027) aura sûrement un effet bénéfique, mais ne nous y trompons pas, il n’y aura pas de retour en arrière.
Lors du débat parlementaire, plusieurs mandataires se sont plu à faire remarquer que les entretiens d’évaluation étaient aujourd’hui généralisés dans le privé comme dans le secteur public. C’était là un argument qui leur apparaissait suffisant pour soutenir la réforme dans l’enseignement. Mais se sont-ils demandé si ces procédures augmentaient réellement la performance et la satisfaction au travail des personnes qui en font l’objet, autant dans le privé que dans le secteur public?

LE RÔLE DU DIRECTEUR ET DU POUVOIR ORGANISATEUR
La direction de l’école est considérée comme seule responsable du mécanisme de soutien et de développement des compétences professionnelles. Celui-ci porte moins sur les connaissances liées à la matière enseignée – la direction n’a pas nécessairement la compétence nécessaire pour le faire et c’est plutôt le rôle de l’inspection – que sur la pratique pédagogique. Ces entretiens d’évaluation sont vus comme une composante intrinsèque de la fonction de direction et vise le renforcement du leadership du personnel de direction. Dans l’enseignement secondaire, celui-ci pourra déléguer certains aspects liés à la mise en œuvre du plan de développement des compétences à un·e enseignant·e expérimenté·e, mais la procédure reste sous sa responsabilité.

Une solution plutôt technique?

Lors du débat en séance plénière du Parlement qui précédait le vote, le 19 juillet 2023, le parlementaire ECOLO Jean-Philippe Florent fit remarquer que «Sous cette législature, nous sommes entrés en fait dans la phase “solide” du Pacte pour un enseignement d’excellence avec une série de dispositifs afin de répondre aux défis de l’enseignement et notamment au malaise des enseignants: la mise en place effective du tronc commun; les plans de pilotage pour les équipes pédagogiques afin que ces dernières puissent décider aussi collectivement de leurs priorités; de meilleurs rythmes scolaires; les nouveaux référentiels; et aujourd’hui, cette avancée tout à fait remarquable (…)», comme il qualifiait le nouveau décret (CRI N°23 (2022-2023)).
Reste que cette phase «solide» du Pacte ne semble pas avoir pour le moment réduit le malaise enseignant, comme en témoignent les manifestations de cette dernière année et le rejet syndical, ni amélioré significativement le niveau de réussite des élèves, telles semblent l’indiquer les statistiques internationales. Peut-être, avec le recul du temps, le Pacte apparaitra-t-il davantage comme une solution technique, répondant aux problèmes de pilotage de l’enseignement, dans le contexte d’une pluralité de réseaux concurrents, qu’une prise en compte effective de la condition enseignante et de la difficulté d’apprendre dans une société fragmentée.

 

Illistration: Steveriot1 de Pixabay

Les deux facettes de l’évaluation des enseignant·es

La procédure de l’évaluation formative des enseignant·es est décrite de manière détaillée par le Groupe central chargé du pilotage du Pacte pour un Enseignement d’excellence.

Elle comporte les huit étapes suivantes:
a) la catégorie du membre du personnel (débutant/confirmé/expérimenté) et les éventuelles missions spécifiques qu’il exerce au sein de l’établissement scolaire (horairiste, coordinateur pédagogique, référent numérique…);
b) les attentes formulées par les parties sur la base du plan de pilotage/contrat d’objectifs de l’établissement scolaire;
c) les éléments de fonctionnement positifs et les compétences dont fait preuve le membre du personnel dans l’exercice de sa charge;
d) les éléments de fonctionnement et les compétences qui devraient être améliorés par le membre du personnel;
e) les moyens envisagés pour permettre au membre du personnel de répondre aux attentes formulées;
f) les formations pertinentes que le membre du personnel devrait suivre en priorité;
g) les actions mises en place et disponibles pour accompagner le membre du personnel;
h) les échéances permettant aux parties d’assurer un suivi tout au long de la période d’évaluation (Avis n°3 du Groupe central, p.183-184).

L’évaluation dite sommative vise clairement, quant à elle, la sanction du personnel: «En cas de mauvaise volonté manifeste ou de carence manifeste et répétée par rapport aux points d’attention spécifiques et aux solutions identifiées avec le membre du personnel dans le cadre de la procédure d’évaluation formative, une procédure d’évaluation défavorable peut être enclenchée par le chef d’établissement. Dans cette hypothèse, on sort de la procédure d’évaluation formative pour entrer dans une procédure d’évaluation sommative dont les modalités devront être définies dans un cadre statutaire» (p.184).

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oct 2023

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