Même si les lignes bougent, il semble encore difficile de remettre en question les «joies de la maternité». Pourtant, pour les femmes, elle constitue une source de violences et de discriminations.
Dès l’enfance, les femmes sont préparées à leur futur rôle de mère: jeux qui reproduisent les gestes de soin des enfants et de travaux domestiques (poupons, dinettes, mini-aspirateurs…); dessins animés qui finissent par «ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants»; traits de caractère à valoriser quand on est une fille comme la douceur, le don de soi et l’empathie; attente et pression des parents sur leurs filles qui doivent davantage aider dans les tâches ménagères, etc. On attend en effet d’une femme qu’elle devienne une mère. Pour preuve la pression sociale que subissent celles qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir d’enfant. Pourtant, on sait que la maternité constitue le fondement du patriarcat (la célèbre anthropologue Françoise Héritier sera la première à identifier cela comme tel). En effet, les chiffres montrent que la maternité est aujourd’hui cause de discriminations et qu’elle est une entrave à l’égalité femme-homme. Le marché du travail discrimine les femmes en les confinant bien souvent dans des temps partiels (43.5 % des femmes) avec des salaires moindres (6,1 % de moins que les hommes, en moyenne en 2017[1] en Belgique contre 16 % en Europe), dans certains secteurs et certains postes moins valorisés socialement et financièrement. Mais saviez-vous que les salaires des femmes baissent en moyenne de 25 % dans les 5 années qui suivent la naissance du premier enfant (38 % pour les femmes les plus mal rémunérées)? L’étude de l’Insee[2] souligne qu’au contraire, les salaires des pères, eux, augmentent[3]. 80 % des familles monoparentales bruxelloises sont portées par des mères qui vivent sous le seuil de pauvreté, avec des pensions alimentaires impayées et des doubles journées de travail quand elles parviennent à trouver et garder un emploi. Par ailleurs, en Wallonie, les femmes consacrent chaque semaine, en moyenne, 11 heures de plus que les hommes au travail ménager, aux soins et à l’éducation aux enfants. C’est sans compter la charge mentale, à savoir les heures consacrées à planifier et organiser ces tâches qui s’enchaînent et permettent au ménage de tenir. Dans ce dossier, nous identifierons certaines discriminations et violences que vivent les femmes au travers de l’expérience de la maternité et nous proposerons des pistes politiques à mettre en place pour améliorer les droits des femmes qu’elles fassent le choix de la maternité ou non. Marie-Hélène Lahaye, juriste et militante féministe, parlera de son combat pour dénoncer le sexisme opéré sur les femmes lors des consultations gynécologiques et les violations de leur liberté de choix lors de l’accouchement. Laudine Lahaye, chargée d’études chez les Femmes Prévoyantes Socialistes, déconstruira l’instinct maternel et évoquera le regret d’être mère. Ensuite, Miriam Ben Jattou, directrice de l’association Femmes de Droit, analysera sous l’angle juridique, les conséquences de deux systèmes qui pénalisent les femmes en termes de droit: le congé de maternité vs congé de paternité et le droit médical. Enfin, la créatrice du blog «Des Mères Veilleuses», Fatma Karali, mettra en lumière le combat de ces mères monoparentales contre un système qui les punit d’avoir quitté leur conjoint, et les abandonne, elles et leurs enfants, dans la pauvreté. Repenser la maternité comme un enjeu politique majeur en termes d’égalité entre les femmes et les hommes passe par la déconstruction des tabous qui l’entourent depuis des siècles.
Maud Baccichet, chargée de communication
[1] StatBel 2018. [2] L’Institut national français de la statistique et des études économiques. [3] «Quand les enfants naissent, les salaires des femmes baissent», Ouafia Kheniche, 11/10/19, France Inter. In: www.franceinter.fr/quand-les-enfants-naissent-lessalaires-des-femmes-baissent Illustrations du dossier: Marie Leprêtre