Climat : les jeunes marcheront jusqu’aux élections

Jeudi 24 janvier 2019

Les mobilisations de la jeunesse en faveur du climat ont démarré avec les écoles secondaires et sont à présent rejointes par les étudiant·e·s du supérieur. Un engouement pas toujours encouragé par « les adultes »…

Tout commence début janvier lorsque deux jeunes flamandes de Belgique, Anuna De Wever, 17 ans et Kyra Gantois, 19 ans, appellent les jeunes du pays à brosser les cours pour la planète. « Les scientifiques continuent de dire que nous creusons notre propre tombe, mais personne n’y fait rien. Pourquoi devrions-nous continuer à aller à l’école s’il n’y a pas d’avenir pour nous ? Nous en avons marre que les responsables politiques jouent avec notre avenir » déclare Anuna dans un entretien accordé à la Gazet Van Antwerpen. Sa colère fait suite au refus du gouvernement flamand de signer une déclaration proposée par un groupe de pays lors de la COP24. En effet, mi-décembre 2018, lors de la 24e conférence de l’ONU sur les changements climatiques, une trentaine de pays décidaient de co-signer ensemble une note d’intentions appelant à accélérer le tempo dans la lutte contre le réchauffement. Bruxelles, la Wallonie et le gouvernement fédéral donnent tous leurs feux verts, mais de son côté, le gouvernement flamand s’y refuse, empêchant de fait la Belgique de se positionner clairement. Révoltées par l’inaction politique face au changement climatique, Anuna et Kyra font donc entendre leurs voix, tout comme Greta Thunberg l’avait fait quelques semaines plus tôt lors de cette même conférence de l’ONU. Cette militante suédoise de 16 ans y tiendra un discours poignant sur les changements climatiques et invitera les jeunes à la « grève de l’école pour le climat ».

Premières émotions politiques

Anuna et Kyra fixent donc un rendez-vous le jeudi 10 janvier 2019. Près de 3.000 élèves flamand·e·s répondent à l’appel. Très rapidement, les jeunes, de plus en plus nombreux, se rassemblent en collectif, Youth for Climate, et se retrouvent tous les jeudis, même endroit, même heure. Le 17 janvier, les voilà rejoint·e·s par près de 12.5000 autres jeunes venu·e·s de Bruxelles, de Flandre et de Wallonie. Toutes et tous défilent dans le centre de la capitale. Ce jeudi 24 janvier, ce sont les étudiant·e·s de l’enseignement supérieur qui les rejoignent et se rassemblent en collectif Students for Climate. Au moins 32.000 jeunes scanderont des slogans tels que : « On est plus chauds que le climat », « Que voulons-nous ? Justice climatique ! », « Les combustibles fossiles doivent disparaître ». Première émotion politique pour nombre d’entre eux/elles. Venu·e·s de Arlon, Julie, Cléa, Manoé, Pierre et les autres, ont fait plus de 3 heures de trajet en train pour rejoindre le mouvement. Leur motivation est franchement visible et leurs questions sont nombreuses. «Pourquoi ne sommes-nous pas capables de prendre soin de la planète comme de notre propre maison ?», s’interroge Julie. « Je trouve que déjà à l’heure actuelle, les constats sont graves dans beaucoup d’endroits du monde mais ce qui s’annonce est dramatique. Nos parents ne semblent pas avoir conscience ni de l’urgence, ni du bienfondé de nos inquiétudes sous prétexte qu’ici en Belgique ‘ça va encore, on n’a pas à se plaindre’ ».

Une armée d’enfants

Dans un premier temps, les réactions « des adultes », qu’ils s’agissent des parents ou des directions d’écoles semblaient frileuses. C’est en tous cas ce que les médias ont particulièrement relayé, rappelant à l’ordre les jeunes, et mettant en doute leurs motivations. Selon Elsa Roland, docteure et chercheuse en sciences de l’éducation, cela s’explique simplement : « Le statut des enfants est à peu près comparable à celui des femmes, il y a un siècle. Dans notre société actuelle, les enfants ne sont pas considérés comme sujets à part entière (ce qu’ils sont sans doute), comme des êtres humains, comme des êtres vivants autonomes, mais comme des objets, et ils sont traités comme tels :  comme des objets ayant besoin d’éducation, d’enseignement et de protection[1] ». Pourtant, toujours selon la chercheuse, il semble qu’en plus des femmes, « les enfants et les jeunes aient souvent été à la base des révoltes et des mouvements de résistance. Foucault signalait déjà la participation massive de la jeunesse dans les mouvements d’agitation populaire durant l’Ancien Régime. Mais, on ignore encore combien d’enfants ont pris part aux combats des barricades pendant la Révolution française ou la Commune de Paris, combien étaient les gavroches que Hugo appelait ‘la gaminerie parisienne’ et qu’il décrit pourtant comme ‘presque une caste’ durant les années révolutionnaires. On connait, par contre, la participation massive des jeunes dans les mouvements de résistance au nazisme pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comme en témoigne Daniel Cordier (2004), l’ex-secrétaire de Jean Moulin, ‘ l’armée des ombres est une armée d’enfants’ ». Après ce 3e rendez-vous, qui a réuni plus de 35.000 jeunes, une autre mobilisation aura lieu le dimanche 27 janvier. En outre, les jeunes promettent de revenir chaque jeudi jusqu’aux élections du mois de mai. Le mouvement des jeunes en faveur du climat prend de l’ampleur en Belgique, c’est un fait et les écoles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à autoriser et encourager les élèves à y prendre part. Combien seront-ils/elles la prochaine fois ? [1] Krätzä, s.d.  


Des jeunes engagé·e·s

En 2012, Boyan Slat, ce militant écologiste néerlandais alors âgé de 18 ans, lance son projet et son entreprise The Ocean Cleanup, qui vise à nettoyer les océans. Le 29 octobre 2018 aux Etats-Unis, s’ouvre un procès qui opposera 21 plaignant·e·s âgés entre 8 et 19 ans et le gouvernement américain, accusé de mauvaise politique climatique. En 2013, du haut de ses 16 ans, Malala Yousafzai, militante pour les droits des femmes depuis l’âge de 11 ans, lance ces mots au monde : “Aucune lutte ne peut aboutir sans que les femmes y participent aux côtés des hommes. Il y a deux pouvoirs dans le monde. L’un celui de l’épée, l’autre celui de la plume. Il en existe un troisième plus fort encore que les deux premiers : celui des femmes”. Malala Yousafzai est révélée au grand public en 2009, par son témoignage « Journal d’une écolière pakistanaise », récits de son quotidien sous le régime des talibans.  

fév 2019

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