La plantothèque de Jette, fleur de l’éducation à l’écocitoyenneté?

Mardi 5 décembre 2023

PLantotek
Timothé Fillon, secteur communication Ligue de l'Enseignement

Une plantothèque a pris racine à Jette. Logée dans la bibliothèque communale, elle propose gratuitement à son public d’adopter une plante de sa collection. Tout en améliorant leur bien-être, cette initiative conscientise pratiquement ses lecteurs et lectrices aux enjeux environnementaux. Entretien avec Stéphanie Weisser, une bibliothécaire qui ensemence l’écocitoyenneté.

La bibliothèque de Jette diversifie ses services. A côté de L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono, les lecteurs et lectrices peuvent, depuis 2020, trouver une variété de plantes à apprivoiser. Baptisé plantothèque1 , le projet vise à adapter la démarche des grainothèques – basée sur le dépôt et l’échange de semences – à un public citadin. En organisant cette plantothèque, la bibliothèque de Jette élargit la portée de sa grainothèque aux personnes sans jardin ou ne disposant pas d’une main verte. En contexte urbain, elle permet de les sensibiliser aux enjeux du règne végétal, comme nous l’explique Stéphanie Weisser, l’initiatrice du projet.

Eduquer: Qu’est-ce qu’une plantothèque?
Stéphanie Weisser:
L’idée centrale de la plantothèque est de proposer au public de la bibliothèque des plantes à emporter gratuitement. En parallèle de cette mise à disposition de plantes, nous avons élaboré des outils qui expliquent les bases des soins à leur apporter. Ces informations sont disponibles sans être obligatoires, en fonction de l’envie et des besoins de nos lecteurs et lectrices.

Eduquer: Comment vous est venue cette idée?
S.W.:
Une plantothèque est l’étape suivante de la grainothèque. C’est une idée qui a germé pendant la période Covid. Pendant le confinement, j’ai commencé à faire pousser des plantes chez moi et j’ai rapidement réalisé que sans les connaissances de base et le matériel nécessaire, planter est une activité complexe. J’ai pensé qu’il était injuste que cela puisse empêcher certaines personnes d’avoir accès à la nature. Notre plantothèque s’adresse prioritairement aux gens qui n’ont pas de jardin et qui ont peu accès aux végétaux. Elle permet de rendre la nature accessible à toutes et tous car les personnes sans jardin sont doublement pénalisées: elles habitent souvent un cadre de vie peu agréable et n’ont que peu de contact avec le vivant. Quantité d’études ont démontré l’importance de l’environnement pour le bien-être.

Eduquer: En quoi cette initiative participe-t-elle à l’éducation à l’écocitoyenneté?
S.W.:
De nombreuses thématiques d’écocitoyenneté peuvent être abordées à travers la plantothèque. Ce projet donne une compréhension concrète du vivant non humain, en l’occurrence du règne végétal. Elle amène à se considérer comme partie de la nature. On comprend de l’intérieur les besoins du règne végétal parce qu’il faut les suppléer. À partir des plantes, on peut introduire l’idée de la saisonnalité de la nourriture. La question des pesticides se trouve également concrétisée à travers la plantothèque: une plante d’intérieur est plus fragile et plus vulnérable qu’une plante vivant à l’extérieur. Il faut résister à la tentation d’ajouter des produits et comprendre que comme nous, les plantes meurent, mais que ce n’est pas une raison pour tuer tous les insectes. Ce constat amène à mieux percevoir les pressions qui pèsent sur le monde agricole. On peut aussi parler de l’artificialisation des sols. La plantothèque invite ainsi à une forme de décentration importante, en posant le dilemme entre notre plaisir esthétique et le bien-être du vivant.

Eduquer: Quels types d’usagers cette initiative touche-t-elle?
S.W.:
Il existe plusieurs profils de plantotekers. Nous organisons des animations pour faire valoir la plantothèque. Celles-ci sont destinées à tous les âges, enfants comme adultes, et sont fréquentées majoritairement par des femmes. Nous réalisons également des partenariats avec des écoles de la commune, qui nous demandent de leur fournir des plantes.

Eduquer: Comment vous fournissez-vous les plantes?
S.W.:
Comme la plantothèque existe depuis plusieurs années, nous utilisons des plantes d’origine qui nous servent de plante-mère, à partir desquelles nous bouturons pour créer de nouvelles plantes. Nous travaillons également avec des réseaux d’associations et des sympathisant·es qui nous en apportent régulièrement. Nous organisons aussi des échanges de plantes avec notre partenaire d’origine Plantswap BXL. La bibliothèque s’y rend avec les plantes de la plantothèque et réceptionne tout ce qui n’a pas été échangé.

Eduquer: Comment fonctionne pratiquement votre plantothèque ?
S.W.:
Au début, l’équipe contrôlait les prêts afin de garantir une répartition équitable. Nous fonctionnons maintenant sur la base de l’autolimitation: les gens ne doivent plus se présenter au comptoir pour scanner leurs plantes, ils peuvent directement les emporter. Ils choisissent une plante et un pot, de la terre et une étiquette. Notez que nous nous sommes essentiellement focalisés sur des plantes dont la gestion est accessible à des personnes débutantes!

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  • 1La plantothèque de Jette a été sélectionnée comme finaliste pour le Prix IFLA Green Library Award 2022, qui récompense les actions notables des bibliothèques dans la lutte contre le changement climatique. Plus d’infos sur https://www.jette.irisnet.be/fr/bibliojette.
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