Le 26 février dernier, lors de la conférence qu’il organisait à Paris en soutien à l’Ukraine, le président Macron évoqua, pour la première fois sans détour, la possible implication directe de militaires des pays de l’Europe occidentale dans la guerre que la Russie livre à son voisin. A travers ce propos, c’est la possibilité de la guerre qui, des lointains confins de l’Europe où elle se déroule actuellement, se rapprochait de l’Union européenne, devenant du même coup sinon imminente, du moins plus réelle.
Mais dans de telles conditions, comment parler vraiment de la guerre aux enfants et aux adolescents ? On peut certes parler des guerres passées, expliquer rétrospectivement les causes qui les provoquèrent, décrire l’enchainement des faits, évoquer les conséquences, les gains et les pertes, et la manière dont, le temps avançant, les belligérants s’accommodèrent réciproquement de l’issue du conflit.
Mais sur une guerre qui vient, il n’y a pas véritablement d’enseignement. Car une guerre qui vient n’est d’abord qu’une possibilité virtuelle parmi d’autres, dont on espère qu’elle ne se réalisera pas. Donner cours sur une guerre qui vient reviendrait à attribuer une réalité, par la magie des mots, à ce qui, présentement, n’existe pas et ne sera peut-être jamais. Et pour lui donner corps, on en serait réduit à transposer les images d’autres guerres afin d’imaginer ce qu’elle serait si elle devenait réalité.
Mais ce ne serait là qu’une image édulcorée. Car parler vraiment de la guerre aux enfants et aux adolescents, signifierait les confronter à l’imminence des destructions et au risque de l’anéantissement. Un tel désastre pourrait-il jamais faire l’objet d’un véritable enseignement?
La déclaration du président français et le déluge de réactions qu’elle a suscité indiquent qu’un pas supplémentaire a déjà été franchi en direction de la guerre et que l’Europe avance en ordre dispersé face à la catastrophe qui pointe à l’horizon. Faut-il s’y préparer? Et s’apprêter à enseigner, un jour prochain, ce qu’est la guerre, non pour savoir ce qu’elle est en tant que telle, mais pour apprendre à la faire, à s’en protéger ou à s’en accommoder?
Patrick Hullebroeck, directeur