En août 2019, le Secrétariat général de l'enseignement catholique (SeGEC) a introduit un recours contre le décret adopté six mois plus tôt par la Communauté française qui, en marge de la création du nouveau réseau WBE, reportait la concrétisation d'accords antérieurs concernant l’augmentation des subventions de fonctionnement pour le réseau libre. La Cour constitutionnelle s’est prononcée. Décryptage.
En août 2019, le SeGEC a introduit un recours contre le décret adopté 6 mois plus tôt par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce décret, dit "décret spécial du 7 février 2019", portait sur la création de l’organisme public WBE devenant le Pouvoir organisateur de l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’objectif légitime est bien de distinguer le réseau officiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles du pouvoir régulateur chargé de mettre en œuvre pour les trois réseaux les dispositions constitutionnelles qui garantissent notamment le droit à l’éducation pour tous les enfants.
Comme lors de chaque grande décision relative au développement de l’enseignement officiel, le SeGEC en a profité pour revendiquer de l’argent et toujours de l’argent, peu importe les conséquences, et en faisant évidemment fi de toute considération relative à la situation budgétaire de la FWB. Tant que cela permet de rogner encore et toujours des millions d’euros au détriment des autres, le SeGEC part en recours.
Pour bien comprendre la décision de la Cour constitutionnelle, il faut distinguer
3 revendications du SeGEC.
La première demandait purement et simplement d’annuler les articles 37 à 39 du décret spécial, "portant création de l’organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l’Enseignement organisé par la Communauté française". La Cour a rejeté cette demande faisant comprendre au SeGEC que l’enseignement officiel avait encore le droit de s’organiser comme il le voulait, surtout quand cela se faisait au bénéfice des enseignants et des élèves.
La seconde revendication exigeait l’annulation du transfert du personnel nécessaire à faire fonctionner le nouvel organisme public WBE, sous prétexte que cela "violerait dès lors le principe de la légalité". Ainsi, le SeGEC ne se contente pas de freiner toute amélioration du système d’enseignement au profit des élèves et des enseignants, mais veille par ailleurs à empêcher tout fonctionnement.
Enfin, une dernière revendication a quant à elle été retenue par la Cour constitutionnelle. Sans doute parce qu’elle relève d’un ancien accord de 2001. A l’époque, l’ancien PSC avait négocié son accord pour une réforme institutionnelle (de la Saint-Polycarpe) notamment contre un refinancement de la Communauté française, de l’enseignement général et de l’enseignement catholique en particulier. Ces accords intra-francophones sont appelés les accords de la Saint-Boniface. Ils prévoient notamment une période transitoire pour que l’enseignement catholique bénéficie de 75% (actuellement 50%) des dotations accordées à l’enseignement officiel.
Alors que le décret spécial attaqué postposait ce refinancement pour des raisons logiques de soutenabilité financière, le SeGEC est à nouveau reparti en croisade, dans une vision nombriliste qui ne prend en compte ni la situation fragile de la FWB, ni l’intérêt général de l’enseignement francophone. Dans ses demandes incessantes – et désormais indécentes au vu de la crise actuelle que nous traversons – le SeGEC, comme toujours, oublie un certain nombre d’éléments que le Centre d’Action Laïque et la Ligue de l’Enseignement entendent conjointement rappeler :
- Revendiquer un financement égal implique de respecter les mêmes obligations que l’enseignement officiel (une heure de cours de philosophie et citoyenneté, EVRAS tout au long du parcours scolaire, respect strict des circulaires de l’enseignement durant la crise du Coronavirus…).
- Si pour les subventions de fonctionnement, le réseau libre touche effectivement 50% de moins par élève que les écoles de la FWB, les subventions-traitements sont absolument identiques pour tous les réseaux. Or, rappelle l’Aped (Appel pour une école démocratique), "les traitements représentent 90% du coût d’un élève. En d’autres mots, le ‘déficit’ de financement de l’enseignement catholique par rapport à celui de la FWB est seulement de 5% et non de 50%. Un élève d’une école catholique coûte à la collectivité 95% de ce que coûte un élève du réseau de la FWB"!
- Le réseau libre confessionnel bénéficie d’un solide financement privé qu’il se garde de rendre public. Si le SeGEC plaide pour une vraie égalité de traitement, alors ce financement privé doit intervenir dans le calcul des frais de fonctionnement. Jouons cartes sur table !
Conscient de l’indécence de la demande du SeGEC, la Cour constitutionnelle exige de nouvelles dispositions pour le 31 décembre 2022. On espère que d’ici là le SeGEC fera preuve d’humilité, non seulement au regard d’une vision globale de l’enseignement francophone ainsi que dans l’intérêt général des élèves et des enseignants, mais aussi au vu de la crise sanitaire que nous traversons, et qui laissera des traces financières durant de nombreuses années.
Un communiqué de presse commun du CAL et de la LEEP