Le Pacte pour un enseignement d’excellence et la réforme de la formation initiale sont les deux dossiers importants de la Déclaration de Politique communautaire de la majorité PS - cdH (2014-2019). On aurait pu espérer qu’après trois années
Eduquer 132: Dossier spécial / Crise politique
d’activité parlementaire, la majorité serait parvenue à des avancées en matière d’enseignement. Le fait est que non, rien n’est passé au gouvernement. Pire, la Fédération est en crise. Les conséquences sur ces deux thématiques essentielles aux enseignants, aux élèves et à leurs parents, peuvent être gravissimes tellement les enjeux en question sont liés. Repenser notre enseignement passe bien évidemment par une révision de la formation initiale des enseignants. Or, il n’y a ni réforme, ni Pacte donc...
Initié en 2014 par l’ancienne ministre de l’Enseignement obligatoire, Joëlle Milquet (cdH), le Pacte pour un Enseignement d’excellence vise à renforcer la qualité de l’enseignement pour tous les élèves, afin de « déployer une culture de la qualité, de la responsabilité et de l’évaluation dans l’ensemble du système éducatif et de renforcer les moyens, le cadre et les pratiques pour y arriver » 1 . Récupéré à la volée par la ministre Schyns courant avril 2016, des suites de la démission de Milquet, le pacte connaitra très vite de nombreux détracteurs vu la méthode utilisée, le manque de concertation et les objectifs « de qualité » visés, se préoccupant peu au final, d’équité et d’efficacité. Les membres du Groupe central du Pacte pour un Enseignement d’excellence, qui regroupait les syndicats, les pouvoirs organisateurs, les associations de parents et l’administration de l’enseignement, sont parvenus, cahin-caha, à un texte commun, avec quelques idées phares comme l’idée d’un tronc commun et son allongement à la 3e secondaire, le renforcement de l’enseignement maternel et le renforcement des actions de remédiation. La ministre responsable, au reste peu représentative d’un point de vue politique (le cdH ne représente depuis les dernières élections de 2014 que 15% du Parlement de la Communauté française), garde, en effet, toute liberté de s’inspirer, ou non, des idées émises dans le rapport final, en fonction de son bon vouloir, de ses préférences idéologiques et de ses choix budgétaires.Deux mesures in extremis
Encore fallait-il transformer l’essai, c’est-à-dire, ne pas se satisfaire d’un énième catalogue de bonnes intentions, mais prendre des mesures concrètes et légiférer en la matière. C’est ici que prend tout son sens la décision du Président du cdH de jeter à terre le gouvernement de la Communauté française et de mettre fin à la majorité parlementaire, susceptible de voter des nouveaux décrets sur l’enseignement. Le gouvernement allait-il encore faire adopter certaines mesures ? Il semble qu’une certaine sagesse prévalut. C’est ainsi que le gouvernement démissionnaire a encore fait voter, dans la précipitation, quelques décrets, qui, s’ils n’avaient pas été votés, auraient réduit presque à néant les espoirs mis par certains dans le Pacte. Il est à noter que le Conseil d’Etat, consulté en urgence, a refusé de remettre un avis sur les textes de lois qui lui étaient soumis, considérant que les raisons invoquées pour justifier l’urgence, notamment la situation politique résultant de la crise ouverte par le cdH, étaient irrecevables2 . Le 18 juillet 2017 donc, deux mesures du Pacte sont votées. La première concerne un investissement supplémentaire en maternelle3 qui devrait s’étaler sur trois phases aux dires de la ministre : un nouveau système de calcul pour l’encadrement dans les écoles, l’engagement de puéricultrices-teurs et psychomotriciens-ciennes ainsi qu’une amélioration statutaire des personnels APE et ACS, et une dernière phase, encore ouverte. Une enveloppe de 50 millions d’euros serait prise en compte budgétairement pour cette réforme du maternel enfin, si et seulement si, la nouvelle majorité maintenait ce qui a été dit en commission Enseignement. En attendant, seule la première phase a été votée sous forme de décret. Dès cette rentrée de 2107, le taux d’encadrement des enseignants est renforcé, grâce à un nouveau mode de calcul, ce qui permettra aux écoles un meilleur appui administratif. La deuxième mesure concerne la mise en œuvre du « Plan de pilotage », instauré par le décret dit « Fourre-tout » du 4 février 20164 (voir article « Décret Fourre-tout ou sac à malice). Alors que les acteurs du monde de l’enseignement étaient en train de plancher sur le Pacte, la ministre Joëlle Milquet à l’époque titulaire du portefeuille, fait passer ce décret qui impose aux écoles d’adopter des plans de pilotage et des objectifs chiffrés à atteindre. En cas d’échec, elles seront accompagnées de manière contraignante pour y remédier. Souvent présenté comme un acquis du Pacte pour un enseignement d’excellence, le plan de pilotage avait donc, en réalité, déjà été décidé un an auparavant. Par ailleurs, durant les discussions du Pacte, il a été convenu de soulager les directions des établissements scolaires, du surcroît de tâches administratives, pour qu’elles puissent davantage jouer un rôle dans le pilotage pédagogique. Le 18 juillet, le gouvernement a fait voter un décret visant à leur octroyer une aide spécifique administrative ou éducative, mais il lia l’octroi de ce supplément d’aide à la rédaction du plan de pilotage5 .« Par ailleurs, le pacte a souvent empêché la Commission Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’avancer sur d’autres projets. Tout a été mis entre parenthèses en attendant quelques rares avancées concrètes présentées ci-dessus et qui pointèrent le bout de leur nez à la veille des congés du Parlement. »