Dernière chronique (inter)culturelle avant la prochaine De la nécessité de la transmission douloureuse
Jeudi 19 décembre 2019
Il y a peu, alors que je feuilletais un très bon livre sur les pâtés en croûte, cette question m’a rapidement traversé l’esprit: est-il nécessaire de souffrir pour apprendre efficacement? Cette interpellation ne m’est pas arrivée jusqu’au ciboulot par hasard. Si je travaille comme formatrice à la Ligue, il y a peu, j’ai repris un apprentissage. Et dans ce cadre, j’ai dû faire, ce qui me hantait déjà lors de mes études supérieures - je m’en rappelle bien tout d’un coup -, un stage! À ce sujet, mon chef d’atelier nous interpella récemment dans le but de nous rassurer: pour lui, le premier stage fut une véritable boucherie d’humiliation mais désormais, il pouvait l’affirmer, c’était là qu’il avait le mieux appris - par rapport aux stages suivants où franchement, toute cette bienveillance, c’était juste bon à apprendre à dorer les couques. Sujet tabou: celui qui transmet, on lui doit le respect éternel, c’est comme ça, c’est admis implicitement. Si la mode est à la pédagogie active, inclusive, indulgente durant la période de scolarité obligatoire, il me semble qu’on peut dire qu’une fois la majorité acquise, l’adage devient «Ce qui ne te tue pas… Ne te tue pas, quoi». Le problème avec les stages, ce n’est pas vraiment le fait d’apprendre des trucs, ça c’est plutôt bien, surtout quand on choisit la discipline, enfin le sujet étudié je veux dire… Non, c’est plutôt cette magnifique possibilité pour celui qui a un peu plus d’expérience que vous de vous déverser la haine qu’il a subie quand il était à votre place. Il peut, sans scrupule, vous humilier. Il détient le titre de Maître de stage et le maître, comme celui du chien, le balade où cela l’enchante. Et avec la bénédiction de la hiérarchie, si toutefois elle se préoccupe de votre sort. Si je ne comprends pas encore précisément le fond psychologique de ce comportement, je constate 2 choses:
- C’est plutôt récurrent.
- L’être humain gère mal l’exercice du pouvoir (je sens que je vous commencez à être d’accord avec moi). Rapidement, il semble tenté d’abuser de cette petite responsabilité qui lui a ou non été déléguée.
Cette question d’andragogie – la pédagogie des adultes en fait, voyez-vous – m’interpelle tout particulièrement puisqu’elle fait partie de mon quotidien. Je ne suis pas persuadée qu’enseigner le français à des étranger·e·s, souvent en situation de précarité, en les infantilisant soit d’une efficacité exemplaire… C’est la fin de mes «2000 caractères espaces compris» mais nous en reparlerons…
Pamela Cecchi, formatrice au secteur interculturel de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente