Diverses études montrent qu’une mauvaise qualité de l’air dans les écoles influence négativement la santé des élèves. Pourtant, des gestes et des aménagements simples suffisent pour améliorer cette situation. Gros plan sur « Abcd’Air », un projet destiné aux écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont la cohérence repose sur une approche « globale », alliant santé, environnement et éveil scientifique
« Dans ma classe, je me sens à l’abri de la pollution. » Voilà une petite phrase anodine qui traduit une méprise courante : celle de croire que l’air respiré à l’intérieur des bâtiments est meilleur qu’à l’extérieur. En réalité, diverses études montrent que les concentrations en polluants sont plus élevées à l’intérieur, et causent chez les élèves des troubles d’apprentissage, voire des maladies liées à la pollution (asthme, allergies et maladies infectieuses).
Définir le problème
Des enquêtes de terrain ont également permis d’apporter une connaissance plus pointue sur les polluants présents dans les écoles, et de ces enquêtes, se dégage un enseignement : l’adoption de comportements et de choix de consommation différents peut avoir une réelle incidence sur la qualité de l’air.
Premièrement, un manque d’aération a été observé dans les classes, ce qui entraine des concentrations élevées de polluants, alors que le simple geste d’aérer permet de réduire l’exposition à ceux-ci. En cause, notamment, le dioxyde de carbone, dont la quantité augmente très rapidement en milieu fermé, et dépasse la valeur seuil recommandée après une heure de cours seulement.
Deuxième problème identifié : l’entretien. En effet, l’accumulation de poussières crée des « réservoirs de polluants », qui peuvent pénétrer dans le système respiratoire des élèves. Parmi ceux-ci, les polluants biologiques (spores fongiques, acariens, allergènes provenant de plantes et d’animaux domestiques, etc.), mais aussi des polluants physiques, tels que le radon, un gaz radioactif piégé dans le sous-sol et qui se dissout dans l’atmosphère, lorsqu’il est malencontreusement libéré (lors de travaux, par exemple).
Troisièmement, compte-tenu de l'omniprésence de substances chimiques dans notre quotidien, de véritables cocktails chimiques se forment dans l’air intérieur, alors que certaines molécules sont nocives à très petites doses . Parmi les principaux polluants chimiques dans les écoles, les composés organiques volatiles (COV) et les formaldéhydes , présents dans les matériaux de construction et le matériel scolaire (effaceurs liquides, fluorescents, certaines peintures, colles, etc.).
« Abcd’Air », un projet pour les écoles
Face à ces constats, l’asbl Hypothèse a mis en place un projet destiné aux écoles maternelles et primaires de Wallonie et de Bruxelles, subventionné dans sa phase pilote par le ministère de la Santé (2012). Baptisé « Abcd’Air », il a pour objectif d’éveiller la curiosité des élèves sur cet environnement invisible qui les entoure, et de les amener à mettre en place des actions propres à leur classe, les polluants et leurs sources variant d’un milieu à l’autre.
Pour soutenir les enseignants dans cette voie, Hypothèse leur propose de recourir à une méthode interactive d’apprentissage. « Nous mettons à disposition des enseignants une série d’activités qu’ils réalisent avec leur classe, et qui s’intègrent à leur programme de cours. », explique Caroline Dechamps, responsable du projet chez Hypothèse.
Susciter l’intérêt et le questionnement
Car avant d’agir, il faut comprendre. En effet, l’air est partout autour, mais on ne le voit pas. « Les enseignants doivent donc susciter des questions chez leurs élèves. », résume Hypothèse. Lecture d’un livre, visite d’une station de mesure de pollution de l’air, installation d’un détecteur de CO2 dans la classe… Tous les moyens sont bons pour titiller la curiosité des élèves, d’autant plus que « l’air » présente une multitude de facettes pour aborder des domaines aussi variés que l’éveil scientifique (l’air est une matière), la santé (l’air a une influence sur notre corps et notre bien-être), l’éducation physique (jouer avec l’air), les mathématiques (calculer le volume d’air, etc.), le français (les odeurs stimulent l’imaginaire, le langage, etc.)...
Des expériences pour comprendre et ressentir
« Ensuite, l’enseignant propose à ses élèves de réaliser une expérience », poursuit Caroline Dechamps. Afin de prendre conscience que l’air existe et qu’il est une matière, la classe de 5e primaire de Villers Perwin a entrepris une « chasse à l’air ». Munis de bouteilles, de seringues, de pailles et de ballons, les élèves l’ont capturé, transvasé, comprimé, déplacé et même pesé ! Étape suivante : comprendre que l’air est indispensable à la vie. Au travers d’expériences sensorielles, les élèves ont analysé leur respiration et leur rythme cardiaque: « l’air entre et sort par la bouche et le nez », « je peux décider par où je le fais passer », « je sens que l’air qui sort de mon corps est chaud et humide »...
Ainsi, dans les écoles, on met « l’air » en relation avec la santé, les sens et le bien-être. « Et à partir de là, les élèves sont plus enclins à comprendre que l’air doit être de bonne qualité. », explique Caroline Dechamps.
A ce jour, dix écoles, de la 3e maternelle à la 6e primaire, ont participé à la phase pilote du projet (2012), et les enseignants qui le désirent peuvent emprunter du matériel pédagogique auprès de l’asbl. Toutefois, vu l’ampleur de la problématique, ce projet pourrait être soutenu par le monde associatif, en consolidant l’approche d’éducation à l’environnement. En effet, cet ancrage est indispensable pour qu’un véritable plan d’action soit mené et perdure dans les écoles.
Observer son environnement et sortir de la classe
Certains polluants sont inhérents à nos activités et nos comportements humains. L’aménagement d’une école, les activités qui s’y déroulent, les modes de vie et de consommation des occupants, etc. : tous ces facteurs influencent la qualité de l’air en classe. « Les enfants doivent donc apprendre très tôt qu’en manipulant certaines fournitures scolaires, ils perturbent la qualité de l’air et s’exposent à un cocktail de polluants. », souligne Etienne Delooz, d’Espace Environnement. En adoptant des précautions, voire en évitant l’achat de peinture acrylique, de gouache et de correcteur liquide, d’encre de Chine, de surligneurs fluorescents et d’une foule d’autres objets, certaines émissions pourraient être facilement évitées.
En observant l’environnement immédiat de l’école (présence de voitures, d’une zone rurale, industrielle ou urbaine), les élèves peuvent aussi approfondir la question des transferts d’air, et s’approprier des comportements adéquats. « En comparant la qualité de l’air intérieur et extérieur, mes élèves ont pris conscience de l’importance d’aérer leur classe, pour diluer les concentrations en polluants », explique Déborah Milauvre, une enseignante de 3e primaire à l’école fondamentale de Trazegnies ayant participé à la phase pilote du projet Abcd’Air.
Toutefois, il est parfois difficile d’améliorer la qualité de l’air intérieur. « Les élèves n’ont pas toujours leur mot à dire sur les modes de chauffage et de ventilation en classe ; sans parler des fenêtres qui ne s’ouvrent pas toujours », admet Hypothèse. Réhabiliter « l’extérieur » comme un élément nécessaire à la santé fait donc partie des pistes d’action. Pour autant, tous les professeurs ne sont pas toujours à l’aise de « faire cours » dehors, d’où l’importance de leur rappeler que ces sorties ont une influence positive sur la santé, mais aussi sur le comportement des élèves, leurs apprentissages et le lien qu’ils tissent avec leur environnement.
Renforcer l’information et la formation
Pour ce faire, l’information et la sensibilisation des professeurs doivent être renforcées, tant sur les bienfaits de la « pédagogie du dehors » que sur la question des pollutions intérieures. « Car si les enseignants sont séduits par le côté pédagogique de notre projet, ils ne sont pas encore convaincus de l’impact que peut avoir l’air sur la santé », remarque Hypothèse. Au-delà de la simple « information », ils doivent donc comprendre où se situent les dangers dans leur classe, et s’approprier les gestes de remédiation. « D’où la nécessité de les former en amont du projet », pense Etienne Delooz, qui organise ce type d’activités pour les professionnels de la santé.
Varier les portes d’entrée
Deuxièmement, l’air est présent dans tous les lieux de vie des enfants, en commençant par leur chambre. Aussi, les enseignants pourront inviter les plus jeunes à évaluer le temps qu’ils passent à l’intérieur et à l’extérieur ; à réfléchir aux sens qu’ils sollicitent dans ces situations, à leurs besoins de mouvements, de découvertes, et à leur relation au bien-être. En partant de leurs fournitures scolaires, ils pourront découvrir ce qu’est un « écoproduit », tandis que les plus âgés s'interrogeront sur la complexification des substances chimiques, leurs natures et leurs origines, les liens entre leur présence, nos modes de vie et de consommation, ainsi qu'avec les modes de production des matériaux et le système socio-économique qui les régit. Pour autant, l'enseignant restera libre d'imposer ou non des choix « verts » (feutres à l’eau, gomme en caoutchouc, etc.) ; cette démarche pouvant faire l’objet d’un projet de classe ou d'école, impliquant les parents, le personnel d’entretien et de manutention.
Consolider la toile
Les professionnels de la santé (PSE et CPMS) auront aussi un rôle à jouer, car les enfants arriveront avec des questions sur leur santé, les allergies et les risques qu’ils encourent. Idem pour les animateurs spécialisés en éducation relative à l’environnement, qui pourront appuyer les enseignants dans leur démarche.
Ainsi, quelle que soit la porte d'entrée en éducation relative à l'environnement ou en promotion de la santé, les passerelles entre ces domaines se révèlent, au fil d'une approche systémique, aller de pair avec l'observation, le questionnement, le regard de différentes disciplines, l'approche critique, et finalement, la mise en oeuvre de projets concrets visant l’amélioration d’une situation initiale.
Delphine Denoiseux, Réseau IDée
Des actions pour améliorer la qualité de l’air en classe
Éviter l’achat de certaines fournitures scolaires et préférer des produits verts
- www.ecoconso.be (> les publications > le cartable écologique)
- www.bruxellesenvironnement.be (> Écoles > Le cartable vert)
- www.cartable-sain-durable.fr (le guide de l’Ademe)
Contrôler la température, le taux d’humidité et de radon dans les classes
- Conseils pour se procurer un détecteur : www.ecoconso.be (> pollution intérieure > Le radon)
- S’adresser au Service d'analyse des milieux intérieurs (SAMI) de sa province ou au CRIPI (à Bruxelles)
Contrôler le taux de CO2 en classe
- www.hypothese.be (> Prêt)
Éviter les tapis et préférer les panneaux en liège
- www.ecoconso.be (« Revêtements écologiques : le bon, le vrai et le beau ! », in : L’Art d’éco... consommer n°71)
Pour éviter la poussière et les acariens, préférer les stores, les housses anti-acarien, les armoires fermées, etc.
- D’autres astuces : les recommandations du SAMI-Lux (www.province.luxembourg.be > Promotion santé à l’école)
Choisir des matériaux de construction, des produits d’entretien certifiés ou labellisés
- Voir : www.ecoconso.be (>labels et logos et/ou >produits d’entretien) ou http://www.infolabel.be
Prévenir le risque dû aux appareils de combustion, via la pose d’un extracteur et une aération adéquate
- www.bruxellesenvironnement.be et ses appels à projet
Renouveler régulièrement l’air d’une classe
- Tester des techniques d’aération sur une maquette : www.hypothese.be
Info , dossiers pédagogiques et matériel empruntable :
- ASBL Hypothèse (malle « Abcd’Air ») : 04/250.95.89 ou contact@hypothese.be
- Brochure Abcd’Air téléchargeable gratuitement sur le site www.abcdair-hypothese.be. Malle empruntable gratuitement à l’ASBL Hypothèse (Liège), au PASS (Frameries) et au CLPS-Bw (Wavre).
Bruxelles Environnement (« Valis’air ») : www.bruxellesenvironnement.be (>Écoles) ou fcolot@environnement.irisnet.be