Eduquer n°130: Mieux manger à l'école
Dans les pays industrialisés, au début du XIXe siècle, la cantine était surtout le moyen d’assurer la fréquentation des écoles par les enfants les plus pauvres. Souvent la nourriture y était grasse et de mauvaise qualité… les enfants pouvaient même y emmener leur bouteille d’alcool! D’ailleurs, jusque dans les années 80, en Belgique, était encore servie, dans certains établissements, la fameuse bière de table «Piedbœuf». Aujourd’hui, face à la malbouffe et à ses conséquences sanitaires, les cantines doivent jouer un rôle dans la promotion d’une alimentation saine, savoureuse et durable.
En Belgique, seul-e-s 8 % des enfants et des jeunes consomment les « 5 portions quotidiennes de fruits et légumes» généralement préconisées (pour 12% chez les adultes). Ainsi, contre toute attente, notre pays rejoint le pourcentage observé sur le continent américain. Par ailleurs, en 2013, l’Association française Santé Environnement France (l’Asef) publiait un rapport assez surprenant, stipulant que 25% des 910 enfants de 8 à 12 ans interrogés, ne savaient pas que les frites provenaient des pommes de terre et que 40% d’entre eux, ne connaissaient pas l’origine des chips, du jambon et des «nuggets». En outre, 87%, des écoliers disaient ne pas reconnaitre une betterave ou un poireau! Selon l’OMS, «contrairement à la plupart des adultes, les enfants et adolescents ne sont pas en mesure de choisir […] les aliments qu’ils mangent. Ils ne comprennent pas pleinement non plus les conséquences à long terme de leur comportement. Il faut donc leur consacrer une attention particulière lorsque l’on combat l’épidémie d’obésité». Ainsi, la cantine semble être un espace privilégié pour éduquer les jeunes à l’alimentation. Pourtant, en Belgique, seul un enfant sur cinq va à la cantine le midi, pour un enfant sur deux en France. On peut alors s’interroger, quels sont les défis auxquels sont confrontées les écoles pour que les cantines puissent remplir leur rôle en matière d’éducation à l’alimentation?Démocratiser l’accès à la cantine
Actuellement, le prix des repas fluctue d’une école à l’autre. Il varie, pour le primaire, de 1€ à 4.80€, et, pour le secondaire, de 1.50€ à 6.70€. Les recherches ont montré que les familles ayant un faible niveau de revenus ont tendance à consommer moins de fruits et légumes frais et sont davantage touchées par les problèmes de surpoids. Dès lors, la distribution gratuite de produits sains dans les écoles génère un effet positif chez les jeunes, en particulier dans les quartiers les moins favorisés. L’idée n’est pas nouvelle. En Finlande, par exemple, la gratuité des repas est institutionnalisée et valable pour tous les enfants, dans les crèches, les écoles primaires, les établissements secondaires et les écoles professionnelles. Chez nos voisins français aussi, plusieurs initiatives ont vu le jour. L’idée semble intéressante, surtout face au nombre de pratiques humiliantes de «lunch shaming» (humiliation des élèves dont les parents n’ont pas payé la cantine) dont on parle de plus en plus. En 2014, Paul Magnette, président du Parti Socialiste, avait, lui-même, repris l’idée et souhaitait que les écoles du maternel et primaire, délivrent, gratuitement, le midi, un repas chaud à tous les élèves, afin de «lutter contre les inégalités en matière d’alimentation». La proposition, taxée d’électoraliste et de «non prioritaire», n’avait malheureusement pas semblé séduire…Améliorer l’environnement du repas
L’Observatoire de l’enfant de la Commission communautaire française a réalisé, il y a peu, une enquête sur le temps de midi dans les établissements de l’enseignement fondamental ordinaire de la région bruxelloise. Les résultats, publiés en octobre 2016, font surtout état de réfectoires peu adaptés: un nombre trop élevé d’enfants, des espaces extérieurs et/ou intérieurs trop petits et/ou en nombre insuffisant. Le rapport évoque aussi «un niveau de stress, de tension important et des comportements difficiles de la part des enfants mis dans des conditions d’accueil éprouvantes». De même, est pointé «un problème de bruit lié aussi bien à une mauvaise acoustique des bâtiments scolaires qu’à un bruit excessif produit par les enfants». Sans compter, «un manque de temps pour le repas lui-même et combiné, dans certains cas, à un temps d’attente trop long avant de manger». En outre, se posent aussi, dans beaucoup d’établissements, des questions liées à l’hygiène: le rapport annuel d’activités de l’Agence fédérale de sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), paru en 2012, établit que 35 % des établissements sur les 1. 316 écoles inspectées ne répondent pas aux exigences en matière d’hygiène. Les manquements les plus fréquents sont: une mauvaise hygiène du personnel manipulant les denrées (cheveux non attachés, ongles sales, etc.), la malpropreté des surfaces en contact avec la nourriture, ou encore le non-respect de la chaîne du froid.S’adapter aux spécificités religieuses et philosophiques
Certains parents ne mettent pas leurs enfants à la cantine, car ils craignent que ne soient pas respectés certains préceptes religieux ou philosophiques: en effet, casher, halal, végétarien, nombre de régimes différents s’invitent à l’école. Et ces dernières peinent à trouver des solutions qui satisfassent tout le monde, sans compter, qu’autour de la notion de neutralité, les consignes ne sont pas toujours claires. Sur fond d’islamophobie, le sujet fait couler beaucoup d’encre. à ce titre, le CAL préconise une solution intéressante, prévoir un menu alternatif (végétarien) lorsque des produits sont proscrits pour motifs religieux.Améliorer la qualité des repas
Actuellement, une école sur deux fait appel à un traiteur extérieur pour préparer les repas, souvent pour des raisons pécuniaires et sanitaires (les normes sont de plus en plus strictes). L’autre moitié des établissements préparent les repas destinés aux élèves en interne avec leur propre personnel. Les menus proposés ont pour mission de couvrir 40 % des besoins de l’enfant en calories, protéines, phosphore, magnésium, fer et vitamines, et donc de respecter un équilibre nutritionnel strict. Sauf que souvent, ces plats contiennent trop de sel, de viande rouge, de friture et sont élaborés une fois sur deux par des cuisiniers qui n’ont suivi aucune formation en nutrition[1]. Dans certaines écoles primaires, on sert même encore une fois par semaine, un menu composé exclusivement de frites, sans viande ou poisson, ni légumes[2]. De plus, 8,7 % des cantines servirait encore des sodas à table. Marie-José Mozin, nutritionniste au Club Européen des Diététiciens de l’Enfance (CEDE)[3], détaille un autre procédé étonnant: «Pour amener les enfants à manger rapidement, on évite de leur donner des salades ou des viandes à couper et on leur sert pâtes, purée, viande hachée, légumes en sauce». Autant de constats qui avaient amené, les autorités[4], en 2012, à rédiger un cahier spécial des charges (comme base pour lancer un marché public vers les fournisseurs de repas chauds) pour «favoriser une alimentation équilibrée et savoureuse, réinventer la cuisine de collectivité et prouver que manger sain, équilibré et durable ne coûte pas nécessairement plus cher». En ce sens, Oxfam[5] pose quelques consignes pour une autre alimentation dans les écoles:- Limiter le gaspillage alimentaire
- La consommation de protéines animales: moins mais mieux
- Le respect de la saisonnalité
- Soutien à l’agriculture paysanne biologique et équitable
- Impliquer les élèves et les cuisiniers