Privation de liberté pour les enfants réfugiés

Jeudi 30 novembre 2017

A partir de janvier prochain, à proximité du 127 bis et de l’aéroport de Bruxelles-National, un nouveau centre enfermera des enfants et leurs familles. La Belgique s’apprête donc à faire un grand pas en arrière en matière de droits humains.
Dans sa note de politique générale du 27 octobre 2016, le secrétaire d’état à l’Asile et à la Migration, Theo Francken, présentait son Master Plan « Centres fermés » et réaffirmait clairement son intention de recourir à la décision d’enfermer les familles avec enfants mineurs, afin d’éviter leur fuite avant départ. Ainsi, le 12 septembre dernier, malgré la forte opposition de dizaines d’ONG, la construction du nouveau centre fermé pour les familles de réfugiés avec enfants mineurs a démarré. Dès janvier 2018, cinq unités d’habitations séparées, appelées « unités familiales fermées », accueilleront, pour trois d’entre elles, jusqu’à six personnes et jusqu’à 8 personnes, pour les deux autres. Ces familles de réfugiés avec enfants mineurs seront placées là en attendant leur départ du sol belge, qu’il soit volontaire ou non.

Retour en arrière

En Belgique, entre 2004 et 2008, plus de 2000 enfants ont été détenus avec leurs parents dans des centres fermés. Pour cela, la Belgique a été condamnée à trois reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui estimait que « la détention d’enfants dans des conditions inappropriées » est une violation de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Si la possibilité de détenir des enfants en famille reste, malgré tout, inscrite dans la loi du 16 novembre 2011, après ces condamnations, la Belgique a cessé cette pratique. Depuis octobre 2008, les familles avec enfants mineurs ne sont donc en principe plus détenues en centres fermés. Elles sont ou placées dans des « maisons de retour », ouvertes, en attendant leur expulsion du territoire belge, ou alors, elles restent à domicile. Pour cette dernière solution, un arrêté royal fixe les conditions auxquelles une famille en séjour irrégulier doit satisfaire pour pouvoir résider dans son habitation personnelle en tant qu’alternative à sa détention. En cas de non-respect de la convention signée avec l’Office des Etrangers, des sanctions sont prévues par la loi belge : le maintien dans un centre fermé d’un membre adulte de la famille jusqu’à l’éloignement de toute la famille, le maintien de l’ensemble de la famille dans une maison de retour ou le maintien dans un centre fermé de toute la famille, pour une durée aussi courte que possible et à condition que ce centre « soit adapté aux besoins des familles avec mineurs ».

Violation des droits de l’enfant

Selon Tine Vermeiren, coordinatrice de la Plate-forme Mineurs en exil, "la place d'un enfant n'est jamais en centré fermé. Selon la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, que notre pays a ratifiée, mais également selon la Constitution belge, il faut toujours prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions qui le concernent. La détention d'enfants n'est jamais dans leur intérêt. L'impact néfaste de la détention sur la santé, le développement et le bien-être des enfants a été démontré à plusieurs reprises, même dans le cas où la détention est de très courte durée et se passe dans des conditions relativement humaines". Andrew Crosby, doctorant en sociologie à l’ULB où il réalise actuellement une thèse sur les centres fermés, corrobore ces propos. Selon lui, « même si ces unités d’habitations seront séparées des autres personnes détenues et qu’un effort sera fait sur les conditions matérielles de détention de ces familles, la privation de liberté et le stress de l’enfermement au quotidien qui en découle seront obligatoirement traumatisants pour les enfants. Je crois qu’on ne pourra jamais s’imaginer quelle torture psychologique c’est d’être enfermé sans savoir ce qu’il va vous arriver. Les enfants vivront cela au quotidien et seront témoins des angoisses de leurs parents, de leurs états de dépression, ce qui les atteindra encore davantage ».

Les organisations se mobilisent

En juin 2017, la Plate-forme Mineurs en exil et UNICEF Belgique ont lancé la campagne « On n’enferme pas un enfant. Point. », composée d’ONG comme Vluchtelingenwerk Vlaanderen, le CIRÉ, Caritas International et JRS-Belgium, toutes actives dans la défense des droits des réfugiés. L’objectif est simple : mobiliser le grand public et convaincre le gouvernement d’abandonner ce projet de construction. Elles ont très rapidement été rejointes par plus de cent organisations de défense des droits de l’homme, des réseaux d’enseignement et des organisations de jeunesse qui se sont également positionnées contre la détention de mineurs. Rappelons, que la Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente dénonce, elle aussi, depuis longtemps l’enfermement des enfants et de leur famille, qui apparaît toujours comme un régime insatisfaisant, malgré des aménagements. Ainsi, la Ligue condamne les desseins du gouvernement, qui constituent une violation des droits de l’enfant. Maud Baccichet, secteur communication

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