Dès la rentrée de septembre 2017, le nouveau master interuniversitaire de spécialisation en études de genre s’ouvre en Fédération Wallonie-Bruxelles.
C’est une grande première en Belgique francophone: les six universités francophones du pays se sont associées pour créer un master ensemble. Il ne s’agit pas de n’importe quel master puisque cela fait des années qu’il était attendu. Les études de genre sont depuis longtemps dispensées dans de nombreux pays européens et très réputées aux USA et en Angleterre. En 2014, la Flandre s’y mettait. Aujourd’hui, les questions liées au genre, aux rapports sociaux de sexe et à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les secteurs privés ou publics ont, enfin, leur master de spécialisation dans les universités francophones.
Dans les années 2009-2010, une étude de faisabilité avait été menée par Sophia, le réseau belge des études de genre, suite à la demande de la ministre de l’Égalité des chances de l’époque, à savoir Joëlle Milquet. Cette asbl bilingue subventionnée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes est aujourd’hui, ravie, de voir ce projet aboutir.
«Cela fait près de 30 ans que le constat d’un manque de formation existait», explique Catherine Wallemacq, coordinatrice francophone.
«Ce master est un grand pas pour les universités qui traversent une crise importante – où la compétitivité prime si souvent sur la fonction sociétale et sociale. Les sciences humaines sont bien souvent délaissées parce qu’elles ne rentrent pas dans cette logique de productions, de publications vendables rapidement. Cela se fait aux dépens de sciences fondamentales et de savoirs à portée humaniste, critiques et réflexifs».
Accessibilité et programme
Les six cours principaux constituant le tronc commun de la formation ont été créés, pensés, et donc conçus, spécialement pour ce nouveau master. Il sera chapeauté par l’Université catholique de Louvain UCL et soutenu par les universités de Bruxelles, de Liège, celle de Namur, de Mons et Saint-Louis. Les cours se dérouleront à Bruxelles tandis que les cours à options pourront être suivis dans n’importe laquelle des autres universités.
Ce master s’adresse à des étudiant.e.s ayant déjà des bases disciplinaires en lettres, sciences humaines, sciences sociales ou en sciences de la santé, en poursuite de leurs études de master, mais aussi à toute personne bénéficiant d’une expérience professionnelle valorisable, souhaitant élargir ou réorienter sa carrière professionnelle.
Quels débouchés?
Ce master offrira une année de spécialisation qui répond tant à la demande des étudiant.e.s que des organismes et institutions, nationaux et internationaux, désireux d’engager des expert.e.s dans ce domaine
[1]. Le master tend à offrir des débouchés professionnels dans le domaine des politiques publiques de l’égalité, des ressources humaines, de la formation, de l’évaluation et de l’orientation professionnelles, de la gestion de projets liés à la promotion de l’égalité dans les universités, les entreprises, les ONG, les organisations nationales ou internationales, les associations ou les administrations.
C’est quoi le genre?
On peut associer au genre quatre dimensions. La première est constructiviste par opposition à une posture essentialiste.
«On ne naît pas femme, on le devient», avançait Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe. C’est la socialisation qui construit l’identité de genre. Il y a donc une différence entre le sexe biologique et les comportements sexués. On ne parle plus alors de «sexe» mais de «genre», terme qui qualifie un conditionnement plutôt qu’une nature.
La deuxième dimension est une perspective relationnelle. On envisage les femmes et le féminin comme le produit d’un rapport social avec les hommes, il est donc impossible d’étudier un sexe sans se référer à l’autre sexe. Troisièmement, le genre est associé à l’existence d’un rapport de pouvoir. Il y a une valorisation systématique du masculin au détriment du féminin, comme l’expriment les concepts de patriarcat et de domination masculine. Enfin, l’intersectionnalité. Le genre est transversal puisqu’il englobe d’autres rapports de pouvoir, tels que la classe, la race, l’orientation sexuelle etc.
Des inégalités en Belgique
Si l’on entend régulièrement l’exclamation: «de quoi elles se plaignent, il y a pire ailleurs!», nombre d’inégalités persistent en Occident comme le droit à l’avortement, combat-phare des néo-féministes, qui est de plus en plus remis en question (manifestations pro vie partout en Belgique). Au niveau du travail, les femmes se heurtent encore au «plafond de verre», avec une difficulté d’accès aux postes à responsabilité et des salaires inférieurs à ceux des hommes pour la même fonction. Elles sont en moyenne payées 27% moins que les hommes. Les plus jeunes générations de femmes sont en moyenne, plus hautement qualifiées que les hommes du même âge. Parmi les femmes salariées, 44,3% travaillent à temps partiel contre 9,3% chez les hommes. Par ailleurs, 80% des tâches domestiques sont encore effectuées par les femmes. En termes de création de crèches et d’accueil de la petite enfance, la Belgique et la plupart des pays occidentaux souffrent d’un réel déficit. Les femmes ayant de jeunes enfants s’en occupent 2 fois et demie plus que les hommes. Au niveau de la sexualité, se posent aussi toutes les problématiques liées à la pornographie et à la prostitution. À tout cela s’ajoute, les nouvelles données de notre monde contemporain, la crise économique qui semble irrémédiablement creuser les inégalités, le repli identitaire, le désastre écologique annoncé etc. Il est donc essentiel de rester vigilant sur ces questions, puisque partout où la pauvreté s’installe, les femmes sont, avec les enfants, les premières touchées.
Aujourd’hui plus que jamais, il apparaît essentiel d’analyser la manière dont notre société construit la féminité et la masculinité, de mieux comprendre les normes et stéréotypes qui régissent notre société et donner aux actrices et acteurs de la société, ainsi qu’aux responsables politiques, des outils pour combattre les inégalités, les discriminations, les assignations et les stéréotypes genrés
[2]. Nul doute que ce master en études de genre participera à réduire ces inégalités. Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes et le programme des cours est disponible sur le site de l’UCL
[3].
Maud Baccichet, secteur communication
[1] www.mastergenre.be
[2] Sophia, www.sophia.be
[3] https://uclouvain.be/prog-2017-genr2mc