Le temps des châtiments corporels semble révolu dans les écoles! Pourtant une forme de violence, plus insidieuse, et parfois aussi dévastatrice, persiste à l’école: la cotation hâtive des élèves! Aujourd’hui, certains s’interrogent sur sa pertinence et son efficacité. Quelle place a-t-elle dans notre système éducatif? Quels sont les projets novateurs qui émergent?
Le système éducatif en Communauté française est régi par le décret du 24 juillet 1997, définissant les missions de l’École
[1]. Ce décret met essentiellement l’accent sur l’approche par compétences. Dès lors, un référentiel de compétences a été établi pour chaque degré d’enseignement et des programmes d’études ont été élaborés par les Pouvoirs organisateurs. Dans ce cadre, les outils d’évaluation sont soit internes, soit externes à l’établissement scolaire.
Concernant les évaluations internes, des outils d’évaluation ont été mis en place afin de permettre aux enseignants d’évaluer les compétences des élèves, lors des différentes étapes de leur apprentissage. Dans le décret mission, le système d’évaluation interne des écoles est proposé aux établissements scolaires à titre indicatif et est non contraignant. Ces outils de mesure ne sondent donc qu’un canevas de compétences à acquérir suivant les socles de compétences préétablis. Il revient alors à chaque enseignant, suivant le règlement des études ou le règlement d’ordre intérieur de son établissement, d’élaborer son propre système d’évaluation. Dès lors, l’objectivité et la partialité des enseignants peuvent être mises à rude épreuve dans cet exercice.
à ce système d’évaluation interne s’ajoute une série d’évaluations externes via des épreuves communes liées à l’octroi d’un certificat, telles que le CEB (primaire), le CE1D (1
er degré du secondaire), le CESS (secondaire supérieur). La Fédération Wallonie-Bruxelles participe également à des évaluations internationales telles que les tests PISA, PIRL et ESCL
[2].
L’évaluation: miroir d’une société?
Comment mettre sur pied un système d’évaluation des élèves impartial? Là se situe toute la difficulté du décret missions et du métier d’enseignant. Aux premiers abords, l’évaluation semble objectivement impossible mais pédagogiquement nécessaire.
Sur le terrain, le système de cotation suscite tant un sentiment d’amour que de haine. La vision optimiste, la plus largement partagée, conçoit le système d’évaluation par points comme le plus juste et répondant à un certain pragmatisme. La vision pessimiste, considère le système de cotation comme le miroir d’un système capitaliste, qui conçoit l’enseignement comme un terrain de compétitivité où les élèves doivent se fondre dans un moule préétabli, sous peine d’être socialement et professionnellement exclus de la société. Dans cette conception, la cote devient un instrument de compétition et l’école, en sélectionnant, un instrument au service du marché de l’emploi, une logique qui va à l’encontre des fondamentaux de l’école, c’est-à-dire: l’émancipation de l’élève via l’autoréalisation mais également via la coopération
[3].
Diagnostic vs sélection
Selon Charles Hadji
[4], spécialiste de l’évaluation scolaire, l’évaluation sert essentiellement à
«formuler un jugement d’acceptabilité». Il ne faut donc jamais oublier son usage principal: le diagnostic, c’est-à-dire
faire le point dans une démarche d’action pour essayer d’optimiser cette démarche[5].
Selon Hadji, l’erreur est de considérer les systèmes d’évaluation comme un outil de sélection dans une société où la compétitivité est une exigence sociale majeure. Dans ce contexte,
«l’évaluation peut contribuer à la réussite ou à l’échec des élèves»[6]. L’évaluation prend une double forme, soit positive à travers une valorisation de l’élève en réussite scolaire, soit négative à travers la stigmatisation de l’élève en échec. Dès lors
«l’évaluation peut être la meilleure ou la pire des choses. Elle peut être un facteur aggravant pour l’échec, et un facteur encourageant pour la réussite.»[7]
Que faire?
Comment faire lorsque l’évaluation semble inévitable? Comment envisager une approche d’appréciation au service d’un enseignement valorisant, bienveillant et plus représentatif des capacités réelles des enfants? Si l’évaluation scolaire paraît inévitable afin de faire un bilan des compétences acquises, de nouvelles pratiques émergent ici et là. Divers mouvements pédagogiques, souvent empruntés à la pédagogie active, se basent sur la question de l’évaluation à travers une démarche bienveillante et empathique des enseignants tout en développant une meilleure estime de soi de l’élève, comme clé de sa réussite.
Vers d’autres méthodes
Diverses pistes pédagogiques peuvent alors être envisagées pour progresser vers un système d’évaluation pertinent pour tous
[8]:
- favoriser une démarche positive de l’éducation;
- travailler sur les conditions d’évaluation: favoriser l’observation et l’interrogation des élèves dans un climat serein afin de faire émerger leurs réelles aptitudes, la peur inhibant fortement les compétences des enfants;
- instaurer un climat de confiance entre les élèves et les professeurs afin de jouir d’une sérénité bénéfique à l’acquisition des savoirs;
- laisser place aux intelligences multiples pour valoriser les talents et les savoir-faire: il n’existe pas qu’une seule forme d’intelligence, les savoirs académiques ne représentent qu’une seule forme de savoirs. Tous les enfants sont doués, il est primordial de laisser s’épanouir tous les talents;
- valoriser l’autoévaluation comme forme d’apprentissage. Il est important que l’élève puisse sonder son évolution dans l’acquisition des savoirs, qu’il puisse se situer: une démarche qui offre l’avantage d’une responsabilisation de l’élève, toujours fertile.
Marie Versele, secteur Communication
[1] Décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24/07/1997.
[2] www.enseignement.be/index.php?page=24345
[3] L’école en question» de Torsten Husén, 1979, page 159.
[4] «L’évaluation à l’école», Charles Hadji, Nathan.
[5] Ibidem.
[6] Ibidem.
[7] Ibidem.
[8] Les différentes suggestions d’améliorations sont issues des divers mouvements liés à la pédagogie active avec de grands auteurs tels que Charles Hadji, Torsten Husén... ainsi que du site www.apprendreaeduquer.fr, site très riche en réflexions pédagogiques.