Vives inquiétudes autour de l’avenir de la réforme de la formation initiale des enseignant.e.s, l’autre dossier phare de cette majorité PS - cdH.
Eduquer 132: Dossier spécial / Crise politique
Il s’agit pourtant du levier le plus important pour parvenir à améliorer l’enseignement en Communauté française. Que va devenir ce projet autour duquel les acteurs de terrain et le ministre Marcourt ont travaillé durant plus de 8 années ?
Au lendemain du coup du cdH, les représentants des fédérations de pouvoirs organisateurs, des organisations syndicales et des fédérations d’associations de parents ont insisté « sur les liens indissociables qui existent entre la mise en œuvre du Pacte et la réforme en cours de la formation initiale des enseignants qui en constitue une condition indispensable »1 . En effet, la réforme de la formation des futurs enseignant.e.s est indispensable pour accompagner un changement aussi important de notre système scolaire.
Pour rappel, en 2011, le ministre commande une évaluation de la formation au Centre d’études de Saint-Louis, qui sera publiée l’année suivante2 . Les acteurs de terrain que sont les professeurs, formateurs, enseignants, étudiants, futurs enseignants, pointent une série de constats comme la nécessité de redéfinir le métier d’enseignant, renforcer le niveau de français des étudiants, revoir les programmes et les contenus des cours pour plus de cohérence, mettre en place des horaires mieux aménagés et aussi, mieux accompagner les futurs profs dans leur premier job.
« Le Pacte et la formation initiale des enseignant.e.s sont deux dossiers qui auraient gagné à évoluer davantage ensemble puisqu’ils sont très clairement interdépendants. »
Réforme entre parenthèses
En 2013, le ministre déclare que « cette réforme s’est construite sur une base réflexive et s’articule avec les préoccupations portées par les enseignants dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence ». A la veille du « coup d’état » du cdH, le 24 mai 2017, le ministre présente son avant-projet qui a est approuvé en première lecture au gouvernement de la FWB et prévoit une entrée en vigueur pour septembre 2019. Dans les avancées figurent entre autres : une augmentation du financement des universités et des hautes écoles pour favoriser les changements liés à cette réforme (+ 1,4 millions d’euros), l’instauration d’un test de français non contraignant à l’entrée de la formation ainsi que la mise en place de remédiations et une meilleure alternance entre les apprentissages théoriques et la formation pratique.
La Fédération des Etudiants (FEF), estime que la réforme telle que proposée ne correspond pas aux besoins de l’école de demain. Pour Maxime Mori, président de la FEF, « cela passe par la création d’un tronc commun pédagogique qui donnerait à tout.e.s les futur.e.s enseignant.e.s, les mêmes bases en pédagogie, psychologie, démocratie scolaire, etc. Au-delà d’une structure de la formation réformée, nous proposons une augmentation du nombre d’heures de formation consacrées aux sciences humaines afin de sensibiliser les étudiant.e.s aux différentes inégalités qui existent au sein de la société pour stopper la reproduction de celles-ci via l’école, mais aussi pour apporter une vision multiculturelle au sein de celle-ci».
Le pacte d’abord
Le 19 juin, le cdH débranche et tout est remis en question. La formation initiale n’aura toujours pas son décret. Le Pacte et la formation initiale des enseignant.e.s sont deux dossiers qui auraient gagné à évoluer davantage ensemble puisqu’ils sont très clairement interdépendants. Mais c’était sans compter « les arrangements » entre les partis de la majorité. Le Pacte a fait stagner les discussions parlementaires mais au moins, c’est un dossier que les députés connaissent, majorité et opposition confondues. Pour ce qui est de la réforme de la formation initiale, à part le ministre Marcourt, personne ne sait réellement ce que comporte sa réforme.
Maxime Mori de la FEF s’inquiète pour les futurs profs. « La réforme de la formation initiale est totalement dépendante du Pacte et de son agenda. Le texte est prêt mais c’est le flou complet. Et avec les tensions actuelles, des blocages sont aussi à craindre de toutes parts ».
Le 12 juillet 2017, les trois Ministres de l’enseignement et les partenaires sociaux signent un protocole d’accords, autrement dit, rien de vraiment valable, juste de belles intentions qui précisent que « la formation initiale des enseignants du maternel, du primaire et du secondaire inférieur passera à 4 années d’études (avec la possibilité pour ces enseignants de poursuivre leur formation par un master de spécialisation d’un an) et qu’un nouveau barème pour les enseignants formés en 4 ans sera à négocier au plus tard pour 2023 ».
Durant ces trois années de législature, on a rarement eu l’occasion de voir le cdH et le PS monter ensemble sur des dossiers. Ce ne fut ni le cas sur la question de la fusion de l’UCL et de Saint-Louis, ni aux sujets des allocations d’études et encore moins au sujet des soins de santé. Qu’en sera-t-il pour la réforme de la formation initiale ? Le fait est que tout cela risque de passer à la trappe.
Maud Baccichet, secteur communication
1. Déclaration commune des représentants des acteurs de l’enseignement, Déclaration du 22 juin sur l’avenir du Pacte, http:// www.pactedexcellence.be/index. php/lavenir-du-pacte/
2. Évaluation qualitative, participative et prospective de la formation initiale des enseignants commanditée par le Ministre Marcourt au Centre d’Etudes Sociologiques des Facultés universitaires Saint-Louis, dans le cadre de la Déclaration de Politique communautaire 2009-2014.
Illustration: image tirée du film Image tirée du film D’une école à l’autre réalisé par Pascale Diez, 2013