Les deux premières années du secondaire constituent souvent un bouleversement dans la scolarité des enfants et se soldent par un taux important d’échecs. Sous l’impulsion de la Commission de pilotage, la ministre Marie-Dominique Simonet préconise diverses mesures pour remédier à cela, dont la généralisation du plan d’apprentissage individuel (PIA) à chaque enfant en difficulté du 1er degré secondaire.
Si le plan individuel d’apprentissage était déjà imposé, depuis 1998, dans l’enseignement spécialisé des écoles organisées par la Communauté française, le décret du 3 mars 2004 a étendu son utilisation à tous les réseaux. Il est aussi, depuis 2007, un outil incontournable dans l’accompagnement des élèves du 1er degré de l’enseignement secondaire que le Conseil de guidance souhaiterait orienter en 1S ou 2S (années complémentaires). Par ailleurs, rien n’empêche les écoles de l’utiliser pour les 1er et 2e degrés différenciés, ainsi qu’au sein du degré commun.
Pourtant, plusieurs données mettent en évidence le fait que, neuf ans après son instauration dans l’enseignement spécialisé, le plan individuel d’apprentissage n’est pas toujours compris, ni bien « digéré » au sein des équipes pédagogiques. Quels sont alors les fondements de la démarche du PIA ? Et si le PIA entre en application pour tous les élèves en difficulté du premier degré, comment faciliter sa mise en application ?
Des principes généraux qu’il faut adapter au terrain
Le décret datant de 2004 définit le PIA comme tel : « Le PIA est un outil méthodologique élaboré pour chaque élève et ajusté durant toute sa scolarité par le Conseil de classe, sur la base des observations fournies par ses différents membres et des données communiquées par l’organisme de guidance des élèves. Il énumère des objectifs particuliers à atteindre durant une période déterminée. C’est à partir des données du PIA que chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire met en œuvre le travail éducatif. »
Pour bien comprendre la démarche, Francis Bruyndonckx, formateur PIA au sein de l'Institut de la Formation Continue, établit une comparaison avec la médecine : « On observe, on diagnostique, on trouve un remède, on évalue le temps nécessaire au traitement et on réajuste. » La définition du PIA, telle qu’elle apparait dans le décret, laisse à chaque établissement la compétence pour la mettre en place en son sein. Pour Francis Bruyndonckx, il faut, néanmoins, que les équipes prennent en compte différentes phases indispensables :
- « le recueil des informations sur l’élève ;
- une observation permettant de dégager ses ressources/difficultés ;
- une analyse de sa situation en regard de sa difficulté d’apprentissage, individuelle puis collective, au Conseil de classe ou Conseil de guidance dans l’ordinaire ;
- après analyse, la définition d’objectifs prioritaires ;
- une communication aux parents et à l’élève, dont on mesure l’engagement ;
- une évaluation conclue par des ajustements sous la définition de nouveaux objectifs (ce dossier ne doit détenir que les infos liées à l’apprentissage).»
Le PIA doit donc faire l’objet « d’un travail collectif d’appropriation et d’inventivité » . De même, « il y aura, dans chaque école, le développement d’une créativité, alliée à une certaine rigueur, pour arriver à construire un modèle de PIA opérationnel sur son propre terrain.» Intertitre* Une démarche collective L’un des aspects fondamentaux du PIA est la nécessité de mettre en place un travail collectif autour d’une action cohérente. Pour Jean-Jacques Detraux, spécialiste de la psychologie et de la pédagogie de la personne handicapée, le PIA doit « faire en sorte que l’information soit disponible facilement et circule entre les différent-e-s professionnel-le-s de l’équipe, dans le respect du secret professionnel partagé » . L’enjeu est alors de faciliter et d’organiser la communication au sein de l’équipe pour « faire travailler ensemble des gens de disciplines différentes, qui ont des regards différents » .
Intégrer les parents
De même, le PIA requiert la participation des parents à la démarche. Si, au départ, cette association avec les parents était facultative, elle est, à présent, obligatoire, et les écoles de l’enseignement spécialisé « sont tenues de prouver ce qu’elles ont mis en œuvre pour cette coopération parents-écoles » .
Selon la Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel (Fapeo), nombres de raisons font qu’il est difficile d’associer les parents au PIA : « parents d’enfants éloignés sur le plan socio-culturel des modèles scolaires ; parents qui maîtrisent pas ou très peu le français ; parents d’enfant souffrant d’un ou plusieurs handicap(s) lourd(s) ; parents qui manifestent un déni face au handicap de leur enfant et qui développent des attentes démesurées en termes de compétences réelles ou potentielles de leur enfant etc. ». Il s’agit alors de réfléchir à la façon d’associer les parents à la démarche avec « le risque que les écoles s’en tiennent à l’obligation minimum légale, à savoir envoyer une lettre qui invite les parents à les rencontrer » .
L’élève, acteur de son parcours
Le PIA s’inscrit dans une approche « individualisée » de l’enfant, « source même » de l’enseignement spécialisé, depuis les années 1970 . Selon Jean-Jacques Detraux, il faut faire de l’enfant un « sujet acteur d’un processus (…) Quand l’enfant est là, bien souvent il nous aide à bien comprendre. » De même, selon Fabrice Bruyndonckx, il s’agit « d’arrêter de penser pour l’élève », « il faut l’accompagner dans le développement de son autonomie, le rendre acteur de ses apprentissages, le motiver à progresser et développer sa motivation interne ». Le projet personnel de l’élève est alors important en termes d’objectifs à atteindre et peut concerner « l’engagement dans une filière professionnelle, la vie relationnelle, sportive, culturelle… ».
Faciliter le travail de l’équipe pédagogique
En 2010, la Fapeo pointait du doigt diverses difficultés rencontrées sur le terrain concernant le PIA, parmi lesquelles : « le manque d’accompagnement ; le manque de temps pour l’exploiter au mieux ; une démarche perçue comme administrative ; sa maniabilité remise en question ; parfois même son sens incompris».
Francis Bruyndonckx, fort de son expérience de terrain, évoque diverses pistes d’amélioration:
- il s’agirait de prévoir, dans l’organisation, des temps structurels de concertation entre les enseignant-e-s, en plus des Conseils de classe, trop peu réguliers puisqu’ils se réunissent seulement cinq fois par an ;
- un membre de l’équipe devrait clairement être homologué pour assurer le suivi et coordonner le PIA ;
- il faudrait munir les enseignant-e-s de nouvelles compétences, tant au niveau de la formation continue que de la formation initiale. Selon Francis Bruyndonckx, les enseignant-e-s sont compétent-e-s dans leur discipline, mais n’ont pas été formés aux difficultés d’apprentissage, ils ne savent pas forcément les détecter, ni comment y remédier. Pour ce dernier point, la réforme en cours, par rapport à la formation initiale, prévoit de concevoir des modules de cours de spécialisation, accessibles via n’importe quel parcours de formation (spécialisation dans le domaine des handicaps, les didactiques disciplinaires, les difficultés d’apprentissage en lecture et leurs remédiations spécifiques…), ce qui peut s’avérer intéressant à ce niveau.
Ainsi, le PIA constitue une belle initiative collective autour de l’élève, mais il faut faciliter sa mise en application et aider les acteur-trice-s pédagogiques à se l’approprier. Si la note d’orientation de la ministre est validée, le PIA sera d’abord testé dans les écoles qui le souhaitent à partir de septembre 2013, et généralisé et obligatoire en septembre 2015.