La régionalisation de l’enseignement revient à la Une !

Jeudi 29 octobre 2015

Ce mardi 20 octobre, dans une carte blanche parue dans la Libre Belgique, trois députés wallons ont relancé le débat sur la régionalisation de l’enseignement et de la culture. Le sujet fait réagir !
Pierre-Yves Dermagne, Nicolas Martin et Christophe Collignon, députés wallons PS, revendiquent une régionalisation de l’enseignement et de la culture : « le monde économique wallon est aujourd’hui en attente d’une politique éducative en phase avec ses spécificités, tout comme l’est le monde culturel. » Selon eux, dans un contexte où «  la configuration institutionnelle de l’Etat belge a toujours minorisé la Wallonie. Il est indispensable de lui donner plus de moyens pour sa prospérité et son identité ». Et d’ajouter : « dans une Belgique où les entités fédérées gèrent un budget équivalent à celui du pouvoir fédéral, dans un pays où l’identité flamande s’affirme chaque jour avec force, dans une Belgique où la place de Bruxelles et son statut de Région à part entière ne peuvent plus être remis en cause, il nous semble indispensable de donner plus encore aux Wallons, les moyens de retrouver la prospérité tout en renforçant leur identité. » En argument, ils citent le transfert de la politique touristique de la Communauté française vers la Région wallonne: « la Wallonie a ainsi pu investir pleinement dans ce secteur pour en faire un des outils de sa relance économique et de son renouveau urbain, tout en maintenant des liens étroits avec Bruxelles à travers l’ASBL ‘Wallonie-Bruxelles Tourisme’. Ce secteur représente aujourd’hui 5 % du PIB wallon et 60 000 emplois. »[1] Les réactions n’ont pas tardées ! Dès le lendemain, la ministre de l’enseignement, Joëlle Milquet (cdH), a réagi, via un communiqué de presse. Et elle ne mâche pas ses mots. Il s'agit pour elle, d'un "suicide de l'unité francophone et un cadeau dangereux à la N-VA". Elle fait valoir deux arguments : le fait que « l’enseignement a besoin de tout sauf d’un xième débat stérile institutionnel ». Pour elle, « ce n’est pas son niveau de pouvoir qui est l’enjeu essentiel de l’enseignement mais sa qualité, son équité, son efficacité, sa modernité, ce qui constitue le contenu du Pacte pour un Enseignement d’excellence. Ce n’est pas en créant de manière absurde un enseignement différent entre Uccle et Waterloo que nos élèves s’en sortiront mieux ! ». Deuxième argument invoqué : le fait que « la suppression d’un espace francophone commun incarné juridiquement par la Communauté française et politiquement par la Fédération Wallonie-Bruxelles est un suicide francophone (…) C’est tout simplement le refus de l’appartenance collective à une identité francophone qui est compatible avec le fait régional, qui  transcende les deux régions et doit les fédérer au-delà de l’exercice légitime de leurs compétences. » La ministre évoque le risque d’un « affaiblissement des francophones pourtant minoritaires et de leurs institutions face à l’homogénéité de l’unité flamande et ses futures revendications. »[2] Dans les rangs du PS, ces propos sont soutenus par certains. Le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte (PS) explique : « dans le contexte communautaire qui est celui de la Belgique, il n’est pas judicieux pour les francophones de Bruxelles et de Wallonie d’apparaître ainsi divisés face aux Flamands. Pour lui, « il faut garder une cohésion entre Bruxelles et la Wallonie ». De même, Charles Picqué, président du parlement bruxellois, considère, « qu’à la veille de nouvelles tentatives flamandes de réformer l'État, les francophones seront moins forts pour défendre leurs intérêts s'ils sont divisés[3]. » D’autres, à l’instar de Jean-Claude Marcourt, entre autres Vice-Président du Gouvernement wallon, soutiennent l’idée d’une régionalisation : "une plus grande adéquation entre les politiques d’enseignement, de formation et d’économie serait un atout ». Il modère cependant ses propos : " il faudra bien sûr garder des normes communes pour la certification des diplômes. (…) Il faut avancer paisiblement, avec sang-froid, en se donnant d’abord le temps de digérer la 6e réforme de l’Etat. Je ne pense donc pas que la régionalisation de l’enseignement et de la culture sera le sujet dont on parlera sous cette législature. Ce n’est pas mûr." Du coté des associations, l’Aped se positionne dans un communiqué. Si elle adhère au principe de la régionalisation (rappelant qu’aujourd’hui, à cause de la communautarisation de l’enseignement, la Flandre dépense 20% de plus pour un élève que la communauté française), elle appui deux principes: d’une part, « il est absolument nécessaire qu’il s’agisse d’une vraie Régionalisation. Pas question que celle-ci soit intra-francophone et que les jeunes Bruxellois francophones se retrouvent sous la dépendance d’une COCOF désargentée. » D’autre part, « nous ne partageons pas du tout les objectifs de Régionalisation avancés par les députés en question, soit la nécessité de ‘coller mieux au tissu économique wallon ou bruxellois’. Ils sous-entendent ainsi qu’une meilleure adéquation école-entreprise permettrait de créer de l’emploi, ce qui est faux. Surtout, ils oublient le rôle principal qu’une société qui se veut démocratique se doit d’assigner à son enseignement : permettre à tous les jeunes d’acquérir les connaissances et les compétences utiles pour comprendre la société et le monde dans lesquels ils évoluent afin d’être capables d’y impulser les transformations nécessaires ». Dans tous les cas, le débat devrait perdurer, puisque les trois députés souhaitent la convocation, en 2016, d’un Congrès des socialistes wallons « pour évoquer le projet wallon, et les moyens de le concrétiser »[4].   Juliette Bossé, secteur Communication   [1] La Libre, 20/10/2015 [2] http://milquet.cfwb.be/gw_presse [3] RTBF, 21/10/2015 [4] Idem

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