La réflexion scientifique commence sur le pas de sa porte, et même dans la maison ! Une foule d’objets, plus ou moins complexes, peuplent nos intérieurs, objets que, généralement, nous comprenons mal. Voici quelques idées pour aider à réfléchir sur les problématiques concernant l’eau et le chauffage.
Le lave-vaisselle, plus écologique ?
On entend souvent dire que « le lave-vaisselle est plus écologique que faire la vaisselle à la main ». Enfin un appareil qui nous laisse l’utiliser en toute bonne "éco-conscience » ! Mais que faut-il prendre en compte pour évaluer le fameux coût écologique ?
L’eau ? Un lave-vaisselle en consomme, en effet, moins (15 litres) que la vaisselle à la main, qui en requiert une cinquantaine, et même plus en utilisant deux bacs.
D’accord pour l’économie d’eau ; mais pour l’énergie ? Cela se vaut à peu près : à la main, on peut laver presque tout à l’eau juste tiède, surtout les objets sans gras qu’il suffit de rincer. A la main, l’eau est souvent chauffée au gaz, alors que le lave-vaisselle chauffe à l’électricité, bien moins économique puisque, pour produire de l’énergie électrique, il faut près de deux fois plus d’énergie fossile (gaz, charbon ou pétrole). Dans le cas où l’électricité est d’origine nucléaire, il est bien délicat d’estimer le coût écologique de l’opération, tant le problème des déchets nucléaires reste épineux et mal connu. « Lave-vaisselle contre vaisselle à la main » se ramène alors à « nucléaire contre énergie fossile », un duel à l’issue bien incertaine.
Enfin, l’énergie et les matières premières (métal, pétrole, eau, silicium, etc.), nécessaires à la conception, la fabrication, le transport, la commercialisation, le recyclage d’un lave-vaisselle, qui dure au mieux dix, et souvent cinq ans (quelques milliers de lavages), sont rarement pris en compte dans ce genre de bilan. Or, sans même parler des matières premières, cette énergie, souvent appelée « énergie grise », a été estimée à 1 000 kWh
[1] (l’énergie nécessaire pour 1 000 vaisselles à la main).
Bref, finalement, on peine à trouver du sens au raccourci « lave-vaisselle plus écolo que la vaisselle à la main ». Les fabricants d’électroménager sont ambitieux : non contents de nous vendre un appareil qui nous épargne une tâche peu gratifiante (argument qui devrait suffire), ils veulent nous assurer, en prime, la bonne conscience écologique !
Chauffer pendant les vacances ?
« Il faut laisser le chauffage pendant une absence. Sinon, vous allez allumer un grand coup en rentrant et cela consommera énormément d’énergie. » Voilà un raisonnement bizarrement enraciné : éteindre le chauffage consommerait plus que de le laisser allumé.
Comment y voir clair ? Même si le meilleur moyen reste de tenter l’expérience, en relevant la consommation au compteur, on peut faire un petit calcul de théorie des flux de chaleur. Dans un bâtiment de taille donnée, les fuites de chaleur sont proportionnelles au temps de chauffage et à la différence de températures entre l’intérieur et l’extérieur, et inversement proportionnelle à la résistance thermique de l’enveloppe du bâtiment. Autrement dit : chaque heure de chauffage coûte et ce, d’autant plus qu’il fait froid dehors et chaud dans la maison, et que les murs sont mal isolés. Pour économiser, trois moyens : investir dans l’isolation, viser une température intérieure plus basse, ou diminuer les heures de chauffage, donc couper lorsqu’on s’absente.
Laisser une maison refroidir à 10 degrés pendant une semaine d’hiver, puis remonter à 19 le jour du retour consomme beaucoup moins que de laisser le chauffage, même à 16 degrés, pendant une semaine. Mais il est vrai qu’on aura froid pendant plusieurs heures le jour du retour, le temps que la température remonte… à moins de disposer d’un système de thermostat programmable, ou (plus simple) de demander à un voisin d’allumer la veille du retour.
Laisser ou non le chauffage pendant une absence devient donc, essentiellement, une question de confort pour le retour, surtout dans les maisons qui prennent du temps à se réchauffer. Il existe, bien sûr, une raison de conserver un peu de chauffage pendant une absence hivernale : éviter le gel et ses conséquences néfastes pour la tuyauterie et certains produits (nourriture, peintures, cosmétiques, etc.). On peut utiliser la position « hors-gel » sur les chaudières, mais, dans la plupart des maisons bruxelloises à deux façades, les voisins nous viennent involontairement en aide en nous chauffant par le mur mitoyen. Pendant un hiver normal, ils assurent 5 ou 10 bons degrés. Il faudrait, pour être honnête, participer à leur facture en rentrant de vacances !
Thermostat d’ambiance, chauffage idéal ?
Le thermostat d’ambiance (éventuellement programmable), c’est ce petit boîtier électronique fixé au mur où il suffit d’entrer la température désirée sur un clavier, avec, sur les derniers modèles, la possibilité de programmer à l’avance (par exemple, l’allumage à 6h du matin pour profiter de la maison chauffée à 7h). Il donne l’ordre à la chaudière de s’allumer si la température de la pièce où il est placé est inférieure à la température désirée, de s’éteindre sinon.
La vanne thermostatique, la poignée blanche graduée présente sur la plupart des radiateurs à eau, est un système mécanique (sans électronique dans sa version basique) ordonnant l’arrivée d’eau chaude dans le radiateur si la température de la pièce est inférieure à la température demandée : 1 correspond à 12°C, 5 à 28°C.
Le thermostat d’ambiance, couplé aux vannes thermostatiques sur chaque radiateur, est souvent vendu comme la solution idéale pour le confort et le porte-monnaie. Or il présente, à mon avis, un certain nombre d’inconvénients, que l’installateur devrait, au minimum, indiquer au moment de le proposer aux clients.
En premier lieu, le thermostat réagit à la température de la pièce où il est placé (par exemple, le salon au rez). S’il fait suffisamment chaud dans le salon, la chaudière s’arrête et la salle de bains, qu’on aimerait chauffer, reste glacée ! A l’inverse, si l’on aère longuement le rez un jour d’hiver, la chaudière se mettra en route, gaspillant du gaz pour chauffer des pièces qui n’en ont pas besoin (chambres à l’étage, par exemple). Des professionnels, avec qui je discutais de ce dernier point, m’ont expliqué le modèle de chauffage avec lequel ils travaillent : toute la maison doit être portée à la même température (19 à 20°C le jour, 18 la nuit, 16 en vacances), de façon permanente, ce qui est très coûteux ! Outre le fait que, dans beaucoup de maisons, les chambres peuvent rester presque toujours sans chauffage, enfiler un pull permet de chauffer en hiver à 17°C et non 19. A l’inverse, la salle de bains requiert ponctuellement des températures plus élevées, ainsi qu’une pièce où travaille une personne immobile. Dans tous ces cas, les vannes thermostatiques permettront d’adapter la température en fonction de chaque pièce, ce que le thermostat d’ambiance ne fait pas et, même, rend problématique. On retrouve là un mode de chauffage « à l’ancienne », qui induit des économies vraiment substantielles : chauffer le jour les pièces de vie quand on y est, les chambres presque jamais, la salle de bains brièvement, ne pas viser 19°C en plein hiver mais plutôt 17. Le bon sens plus écolo que le high tech !
Le prix du confort
Enfin, l’installation d’un thermostat d’ambiance programmable est une irruption supplémentaire d’électronique dans la maison, avec son cortège d’écrans et de piles (sans piles, pas de chauffage), de problèmes de recyclage, et sur lequel le citoyen moyen n’a pas de prise. Là où un geste simple (allumer une chaudière, tourner une vanne) suffisait, nous voici avec, certes, un confort accru, mais aussi un nouvel objet que nous ne comprenons pas, donc source possible de pannes, et dépendance vis-à-vis des professionnels.
On ne compte plus ces situations agaçantes où des objets, relativement simples, sont commandés électroniquement et non manuellement : depuis le robinet à allumage infrarouge dans certains WC publics aux portières de voiture (les automobilistes prisonniers d’une voiture accidentée, verrouillée et fenêtres fermées, regrettent habituellement la manivelle des années 1980).
Dans de nombreux cas (évidemment, pas tous), l’arrivée de l’électronique obscurcit la compréhension d’un mécanisme et nous rend incompétent pour maîtriser des systèmes auparavant simples. En cas de panne, nous voilà à attendre le technicien ou l’expert,, désormais indispensables. La commodité apparente va presque toujours de paire avec une perte de pouvoir sur notre propre quotidien.
Sans aller jusqu’à conseiller de se débarrasser de cet objet (ce que j’ai fait un jour d’agacement car, les piles étant plates, nous étions privés de chauffage; tout est beaucoup plus simple depuis), il me semble intéressant, au minimum, de réfléchir à ses limitations et implications.
François Chamaraux, Docteur en physique
[1] http://www.encyclo-ecolo.com/Energie_grise, consulté le 16 décembre 2015.