Étude: Cours de philosophie et citoyenneté, un enseignement pour la vie
L’introduction d’un cours de philosophie et de l’éducation à la citoyenneté est étroitement liée à l’histoire de l’éducation morale et religieuse. Celle-ci a fait l’objet de nombreux débats depuis la création de la Belgique en 1830 et a été l’un des thèmes du conflit scolaire. Celui-ci oppose deux visions de l’enseignement: l’une privilégie un enseignement confessionnel, inspiré par des valeurs religieuses, l’autre un enseignement neutre, basé sur la raison naturelle et la liberté de conscience.
L’évolution de cette seconde conception va de pair avec la progressive laïcisation de l’enseignement organisé par les pouvoirs publics, qu’il s’agisse des Communes, des Provinces, des Régions ou des Communautés. Du côté francophone, la neutralité ne sera cependant légalement acquise qu’en 1993 pour l’enseignement organisé par la Communauté, et en 2003 pour les autres formes d’enseignement public.
Depuis la loi du Pacte scolaire de 1959, l’enseignement public organisait par ailleurs, à côté des cours de religion, un cours de morale laïque à raison de deux heures par semaine. Ces cours, rendus obligatoires par le prescrit constitutionnel, étaient perçus comme un élément important de la pacification de la question scolaire et comme un aspect du libre-choix du chef de famille, celui-ci ayant à choisir, pour l’éducation de ses enfants, entre le cours de l’une des religions reconnues ou le cours de morale laïque.
Le cours de morale laïque pouvait lui-même être perçu comme un cours de caractère neutre et ouvert à tous les élèves, quelles que soient leurs convictions, ou au contraire considéré comme un cours engagé, inspiré par une conception laïque et libre-exaministe de l’existence. Dans les deux cas, le cours pouvait conduire à une pratique de la philosophie et à une éducation à la citoyenneté.
On aurait pu en rester là, mais la Cour constitutionnelle en décida autrement quand elle statua que l’obligation de suivre un cours de religion ou de morale laïque était contraire à la Constitution. Ce jugement rendit ces cours optionnels et ouvrit la possibilité de dispenser les élèves des cours convictionnels s’ils en faisaient la demande, ouvrant la voie à une nouvelle question: celle de savoir quel cours pourrait être proposé aux élèves dispensés.
C’est ici, en 2015, que commence véritablement la concrétisation du cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté qui est l’objet de la présente étude. Ce cours est une spécificité de l’enseignement officiel. Il est organisé pour tous les élèves au rythme d’une heure par semaine et, de manière optionnelle, pendant une deuxième heure par semaine. La Ligue, comme le Centre d’Action Laïque, considère que les deux heures obligatoires devraient être généralisées. On s’en approche, mais ce sera pour la prochaine législature.
Le cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté arme les jeunes contre la désinformation en leur apprenant à mener un questionnement philosophique avec des outils conceptuels rigoureux. En même temps, il développe leur capacité à participer à un débat argumenté en apprenant à clarifier leurs propres convictions et à découvrir les opinions des autres personnes. La force du cours est de mener cet apprentissage tout au long de la scolarité obligatoire, dans le fondamental depuis 2016 et dans le secondaire depuis 2017.
En quoi consiste exactement ce nouveau cours? Qui le fréquente? Quels sont ses référentiels et ses programmes? Comment devient-on professeur·e dans cette discipline originale? Cette formation trouve-t-elle aussi sa place dans l’enseignement qualifiant? A quoi forme-t-elle et selon quelles méthodes? Quelle est la place de la philosophie, de son histoire, de ses auteurs et de sa tradition de questionnement critique à côté des nouvelles pratiques philosophiques qui s’appuient sur les acquis de la philosophie pour enfants et des cafés citoyens? Convient-il d’élargir le cours à raison de deux heures par semaine ou de maintenir le système actuel? Et quel sort réserver à l’avenir aux cours convictionnels dans l’enseignement officiel? Telles sont les questions qui sont abordées dans les pages qui suivent.
Bonne lecture!
Un étude rédigée par Patrick Hullebroeck, directeur de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente