«Maman pour le dîner» de Shalom Auslander
«Les mères ont un goût infect. Elles sont débectantes de la tête aux pieds. [..] Grillées, sous vide, déshydratées, séchées, aucun traitement n’y changera quoi que ce soit. Même l’odeur est pestilentielle, jetez une mère sur la grille d’un barbecue et vous aurez l’impression que quelqu’un brûle des pneus, ce qui, pour peu qu’on l’accompagne d’un soupçon d’aïoli, serait sans doute meilleur.»
Septième Seltzer, jeune éditeur trentenaire mène une existence paisible à New York avec sa femme et sa fille. Son quotidien sera vite ébranlé par l’annonce du décès de sa mère. Ce ne sera pas le chagrin qui le terrassera, sa mère était un être infect, aussi cruelle que manipulatrice, l’affront se situe ailleurs: appartenant à la communauté cannibale des États-Unis (les can-am), Septième et l’ensemble de sa fratrie doivent respecter une coutume ancestrale: manger le corps de leur mère au cours d’un repas de fête nommé «l’assimilation». Refusant de se plier à cette tradition, Septième sera vite rattrapé par son histoire, sa communauté et son héritage culturel. Sous ses airs d’épopée gore, cynique et loufoque, Shalom Auslander nous livre en filigrane une réflexion philosophico-politique sur le monde contemporain: la communauté can-am, ostracisée, empêchée de pratiquer ses coutumes, fondements de sa culture et de son identité, est déchirée entre le poids des dogmes religieux hérités de génération en génération et l’assimilation «nécessaire» à l’intégration. Entre revendication des origines, quête identitaire et besoin d’intégration, la réflexion sur les migrations y est forte et prenante. A lire!