Dossier d'Eduquer: Quand la méritocratie légitime les inégalités / Pour aller plus loin

Mardi 8 novembre 2022

PODCAST:

Voyage transclasse, histoires de ceux qui ont quitté leur milieu d’origine Ils et elles déjouent les règles de la reproduction sociale et passent d’un milieu à l’autre. Toutes celles et ceux que vous allez entendre sont des transclasses, toutes et tous sont donc à la fois «expert·es» et «sujet·te·s» de ces quatre documentaires.

Info: www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-voyage-transclasse-histoires-deceux-qui-ont-quitte-leur-milieu-d-origine

DOCUMENTAIRE:

Les bonnes conditions, Julie Gavras, 2017 (France) Pendant près de quinze ans, la réalisatrice Julie Gavras a suivi huit adolescents des quartiers chics. Un portrait par l’intime des futures élites, à rebrousse-poil des stéréotypes.

OUVRAGES:

L’inflation scolaire - Les désillusions de la méritocratie, Marie Duru-Bellat, 2006, Seuil «Les études, plus on en fait, mieux on se porte». Voici ce qu’on pourrait lire dans le Dictionnaire des idées reçues contemporaines à l’entrée «École». Cette conviction partagée est-elle encore pertinente? On peut en douter. Pour les individus d’abord, dont le mérite ne se trouve pas nécessairement mieux reconnu, ni l’hérédité sociale mieux conjurée, parce qu’ils seront restés plus longtemps sur les bancs de l’école. Pour la société ensuite, car la distribution des places et des emplois ne se fait pas forcément de manière plus pertinente quand elle s’appuie sur les seuls diplômes délivrés par l’école. Bref, devant les déceptions et les sentiments de déclassement que creuse et creusera davantage encore demain «l’inflation scolaire», le temps est peut-être venu de se défaire d’une idée devenue un dogme et de repenser les manières d’entrer dans la vie.

Les Héritiers - Les étudiants et la culture, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, 1964 - Collection Le sens commun

Si l’école aime à proclamer sa fonction d’instrument démocratique de la mobilité sociale, elle a aussi pour fonction de légitimer – et donc, dans une certaine mesure, de perpétuer – les inégalités de chances devant la culture en transmuant par les critères de jugement qu’elle emploie, les privilèges socialement conditionnés en mérites ou en «dons» personnels. À partir des statistiques qui mesurent l’inégalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine sociale et le sexe et en s’appuyant sur l’étude empirique des attitudes des étudiant·es et de professeur·es ainsi que sur l’analyse des règles – souvent non écrites – du jeu universitaire, on peut mettre en évidence, par-delà l’influence des inégalités économiques, le rôle de l’héritage culturel, capital subtil fait de savoirs, de savoir-faire et de savoir-dire, que les enfants des classes favorisées doivent à leur milieu familial et qui constitue un patrimoine d’autant plus rentable que professeur·es et étudiant·es répugnent à le percevoir comme un produit social.

La Place, Annie Ernaux, 1984 – Folio

«Enfant, quand je m’efforçais de m’exprimer dans un langage châtié, j’avais l’impression de me jeter dans le vide. Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m’aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche. Puisque la maîtresse me «reprenait», plus tard j’ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que «se parterrer» ou «quart moins d’onze heures» n’existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois: «Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps!» Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l’argent».

Retour à Reims, Didier Eribon, 2009, FAYARD

Après la mort de son père, Didier Eribon retrouve son milieu d’origine avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé. S’attachant à retracer l’histoire de sa famille et la vie de ses parents et grands-parents, évoquant le monde ouvrier de son enfance, restituant son parcours d’ascension sociale, il mêle à chaque étape de son récit les éléments d’une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités, la sexualité, la politique, les partis, la signification du vote, etc. Réinscrivant ainsi les trajectoires individuelles dans les déterminismes collectifs, il s‘interroge sur la multiplicité des formes de la domination et donc de la résistance.

Changer: méthode, Edouard Louis , 2021, Seuil

«Une question s’est imposée au centre de ma vie, elle a concentré toutes mes réflexions, occupé tous les moments où j’étais seul avec moi-même: comment est-ce que je pouvais prendre ma revanche sur mon passé, par quels moyens? J’essayais tout.» Dans son nouveau récit, l’auteur d’En finir avec Eddy Bellegueule et de Qui a tué mon père? exprime, dans un style plus romanesque, comment il a pris sa revanche sur son passé, comment les rencontres et les hasards de la vie l’ont conduit à effectuer un retour sur lui-même. Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Bernard Lahire, 2019 Seuil L’ouvrage explore en plus de 1000 pages les inégalités sociales dès le plus jeune âge. Une enquête de quatre années, qui croise analyses et entretiens, menée auprès d’une trentaine d’enfants de 5 à 6 ans. Les mécanismes de construction des inégalités deviennent enfin palpables.

Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu, 2018, Actes sud

Août 1992. Une vallée perdue quelque part à l’Est, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a 14 ans, et avec son cousin, ils s’emmerdent comme c’est pas permis. C’est là qu’ils décident de voler un canoë pour aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Halliday, des fêtes foraines et d’Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.    

nov 2022

éduquer

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