Décret Inscriptions et statu quo !
Jeudi 19 octobre 2017
À l’heure de la crise qui secoue le monde politique en Communauté française, le décret est à nouveau au centre des conversations... opportunité électoraliste ?

Eduquer 132: Dossier spécial / Crise politique
« Dans le contexte actuel de la crise politique, tous les partis semblent d’accord de modifier le décret pour améliorer la procédure d’inscription. Mais jusqu’à quel point? Le positionnement de chacun n’est sans doute pas dénué d’arrière pensées, autant politiques qu’électoralistes, à l’avant-veille des élections communales. »
Que dit la Déclaration de politique communautaire ?
En résumé, le texte du décret actuellement en vigueur3 vise la promotion de la lutte contre l’échec scolaire, la transparence du processus d’inscription, l’égalité d’accès des familles à l’ensemble des établissements et l’égalité de traitement dans le processus d’inscription4 . Ces objectifs sont, en partie, repris dans la Déclaration de politique communautaire (DPC) 2014-20195 . Le Gouvernement souhaite donc un « dispositif d’inscription en 1ère secondaire efficace, transparent, garant de la liberté des parents, de l’émancipation sociale et de l’autonomie des acteurs et partenaires de l’école ». La première réponse que souhaitait apporter le gouvernement portait sur la création de nouvelles places dans les zones en tension démographique. En ce sens, le gouvernement a alloué 20 millions d’euros à la création de places dans le primaire et le secondaire6 , reconduits chaque année de façon structurelle. En prime, on libère 4 millions pour gonfler le budget dédié au « Programme prioritaire de travaux » (on parle ici de rénovation, et non de création de places)7 . La DPC visait aussi l’évaluation de la procédure d’inscription dès la rentrée 2014. La Commission de Pilotage du système éducatif (COPI) s’y est attelée et a évalué le décret au regard de ses principaux objectifs8 . L’un des buts est atteint, celui de rendre le processus d’inscription en secondaire plus transparent qu’il ne l’était. Le rapport stipule : «L’inscription exclusive des élèves par le biais d’un formulaire unique d’inscription constitue un processus transparent qui permet d’obtenir une vue claire de la situation d’inscription des élèves tant du point de vue des parents, des établissements ou de l’Administration». Par ailleurs, le décret garantit l’égalité de traitement dans les procédures en « mettant sur pied un système hybride qui associe inscription dans chaque établissement et attribution des places selon des critères uniques et univoques ». En revanche, « la complexité du décret pourrait affaiblir ses intentions louables », note la Commission. Et il ne semble pas avoir modifié la mixité dans les établissements scolaires : « Concernant le dernier objectif, il faut admettre que ce rapport ne fournit qu’une conclusion partielle (…) On observe un frémissement à la baisse de l’indice de similarité consolidé par période de trois ans (et donc à une augmentation de la mixité), mais un frémissement limité ». Ainsi, l’ISEF (indice socio-économique faible) qui fait partie de l’indice composite et qui doit garantir cette mixité tant recherchée, n’a, semblerait-il, pas eu d’impact majeur sur l’attribution des places (pour rappel, 20.4% des places disponibles sont attribuées aux élèves issus d’écoles à indice socio-économique faible). Enfin, toujours dans la DPC, le gouvernement souhaitait la révision de certains critères, avec une attention particulière au poids des critères pédagogiques et géographiques. La ministre Marie-Martine Schyns n’a pas souhaité s’y atteler, sans doute parce que le sujet reste sensible, sans compter que, pour les partenaires PS, se posait la difficulté de définir des « critères pédagogiques ».Un sujet à des fins électoralistes
Fin août, Olivier Maingain (DéFI), qui ne s’était pas exprimé sur le sujet auparavant, faisait de l’abrogation du décret une des conditions de sa participation au nouveau gouvernement, mais réaffirmait sa volonté de « le remplacer par un mécanisme d’inscriptions décentralisé par bassin scolaire et tenant compte de critères pédagogiques »9 . Rappelons que le MR, qui se positionne depuis toujours pour une abrogation du décret a, malgré tout, depuis les négociations entreprises avec le cdH, fait quelque peu évoluer son discours, puisque Françoise Bertieaux et Alain Courtois (MR) réfutaient dernièrement dans la presse, l’idée d’une suppression du décret, évoquant davantage leur volonté « de le revoir »10. Laurette Onkelinx, cheffe de groupe PS à la Chambre, a de son côté, dû, elle aussi, se positionner: «Je n’aime pas ce que le décret est devenu. A Bruxelles, il enferme les enfants dans leur quartier au lieu de leur permettre de respirer, de sortir de leur carcan. Ce qu’il est devenu doit être changé»11. Ce à quoi, la ministre de l’Enseignement Marie-Martine Schyns (cdH) a répondu qu’elle travaillait avec son parti à une « amélioration » du décret mais qu’il n’était pas question de le supprimer. Dans le contexte actuel de la crise politique, tous les partis semblent d’accord de modifier le décret pour améliorer la procédure d’inscription. Mais jusqu’à quel point? Le positionnement de chacun n’est sans doute pas dénué d’arrière-pensées, autant politiques qu’électoralistes, à l’avant-veille des élections communales. La Ligue considère pour sa part que le dossier ne doit pas être traité dans l’urgence ou la précipitation. Le décret a établi un processus d’inscription plus transparent, moins arbitraire et garantissant mieux l’égalité de traitement des usagers. C’est un progrès qu’il faut préserver. Mais le système génère aussi une procédure qui est ressentie comme fort lourde. C’est à ce niveau que des améliorations devraient être trouvées, mais pas au détriment de la transparence du processus. Juliette Bossé, secteur communication