Depuis la mise en route du Pacte d’excellence, le décret Inscription stagne, et pire, s’avère inefficace en matière de mixité sociale, de taux de réussite et d’égalité entre les familles.
Il aura fallu trois ministres pour parvenir à un décret Inscription, aujourd’hui en place depuis 8 ans. Après les fameuses files d’attente, le phénomène des inscriptions multiples, les colères des parents, le calme semblait momentanément réapparu mais, en surface uniquement. La Commission de pilotage qui rassemble différents acteurs de l’enseignement et qui est chargée d’accompagner et de remettre des avis sur le décret Inscription, révèle un échec du décret en matière de mixité sociale notamment. Malgré les mesures mises en place dans les écoles et au niveau de l’inscription, force est de constater que le décret ne permet pas d’assurer à toutes les familles une égalité d’accès à l’ensemble des établissements scolaires. A partir du 6 mars et jusqu’au 24 mars, les inscriptions en première secondaire seront ouvertes, l’occasion pour nous de revenir en détails sur le décret - ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas – et par ailleurs, de donner aux familles, les bons outils pour bien choisir la future école de leur enfant.
Pas de mixité
Gros constat d’échec du décret : il n’a ni favorisé la mixité sociale ni le taux de réussite. Il s’agissait pourtant de l’un des objectifs de base. Le décret repose sur une série de mécanismes facilitateurs dont l’indice Isef (indice socioéconomique faible) notamment, qui permet aux élèves issus d’une école primaire dont le public est peu favorisé, de bénéficier de places dans tous les établissements, à raison de 20,4%. Ce quota de places attribué à ces élèves Isef n’a pas permis de mieux mélanger les publics. À la FAPEO, la Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel, on n’est pas surpris.
« L’Isef est une moyenne attribuée à une école et son calcul se base sur des statistiques vieilles de 15 ans à Bruxelles. Nous souhaitons que ce calcul soit revu dans le sens d’une individualisation de cet indice, c’est-à-dire, le faire reposer sur les caractéristiques familiales réelles de l’élève », explique Véronique de Thier. En outre, beaucoup s’accordent pour dire que le décret est la seule mesure introduite pour réguler le marché scolaire. Or, celle-ci arrive bien trop tard.
« Il faudrait mettre en place un système de régulation bien plus en amont, dès les maternelles et ensuite, en primaire, explique Eric Bruggeman de la permanence juridique de Infor Jeunes Laeken.
Peut-être que le Pacte d’Excellence permettra un tronc commun et une régulation plus cohérente. C’est le bon sens même que de vouloir aller vers plus d’égalité, plus de mixité sociale, afin de garantir une capacité à l’apprentissage du vivre-ensemble et enrayer cette logique de concurrence entre les établissements ».
Des critères contestés
En théorie, le contexte du libre-choix des parents est resté à travers les différents décrets même si dans les faits, il est aujourd’hui dépassé par les critères géographiques. Pour calculer l’indice composite de chaque élève, on se base sur plusieurs distances : celle qui sépare sa maison de l’école secondaire visée, la distance qui sépare l’habitation de l’enfant et son ancienne école primaire et aussi, celle qui sépare son ancienne école primaire de l’école secondaire visée. Toutes ces distances sont calculées à vol d’oiseau. Un choix contesté puisqu’il ne tient ni compte de la proximité d’arrêts de bus, métro ou tram, ni de la proximité du lieu de travail des parents, par exemple. Pour la FAPEO,
« les effets paradoxaux du calcul de l’indice ne jouent pas en faveur de l’égalité, puisque le critère de distance prend le pas sur le critère pédagogique du choix de l’école ».
Une étude de l’UCL, menée par Hugues Draelants et Jérôme Deceuninck, tous deux chercheurs pour le Girsef (groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation), met également en lumière les conséquences du décret en contexte urbain, dans des écoles de Schaerbeek et Anderlecht précisément, où la situation est plus tendue encore. Les processus d’inscription ont été davantage bousculés car le manque de places est criant et les différences de niveau entre les écoles sont plus marquées. "
Avec les outils de simulation en ligne, les parents sont en mesure de calculer l’indice qu’ils obtiendront s’ils tentent d’inscrire leur enfant dans telle ou telle école. Cet indice leur donne une indication sur le degré de chance qu’ils ont d’obtenir une place dans l’établissement convoité. Nombre d’entre eux renoncent dès lors à placer leur premier choix absolu en tête sur le formulaire d’inscription, au profit d’un deuxième ou troisième choix qui leur garantit un indice plus fort, et donc plus de chances d’obtenir une place pour leur enfant".
Inégalités et marché scolaire
Par conséquent, les critères de choix d’un établissement s’avèrent moins liés qu’auparavant à une adéquation entre la personnalité de l’enfant et celle de l’école choisie. Les parents s’attardent trop sur la réputation de l’école. Ce qui prouve bien que la concurrence entre les établissements n’a pas disparu avec le décret Inscription, estiment les chercheurs du Girsef qui concluent eux aussi, que le décret n’a pas répondu à l’entièreté de ses objectifs.
Pour garder la « bonne réputation » de leur établissement, certaines directions d’écoles contournent le décret en décourageant les familles à inscrire leur enfant dans leur établissement. Nous avons posé la question au cabinet de la ministre de l’Éducation de Marie-Martine Schyns qui nie tout simplement ces pratiques. Pourtant sur le terrain, elles existent et certaines écoles jouent encore un rôle important dans la construction des inégalités, en sélectionnant les élèves. L’an dernier, Infor Jeunes Laeken dévoilait sur la toile une caméra cachée prise lors d’une séance d’information dans un collège catholique réputé de Bruxelles. On y entend le directeur, parler de valeurs religieuses, de l’importance de l’enseignement du latin, d’exclusions des élèves qui ne sont pas adeptes du mode de vie du collège… Chez Infor Jeunes Laeken, on est toujours attentifs à ces inégalités et plusieurs projets sont en cours.
« Ces pratiques de contournement des directions pour garder l’homogénéité et leur clientèle, en dépit de la législation, se font encore et très bientôt, une nouvelle action de notre part le montrera», lance Eric Bruggeman de la permanence juridique d’Infor Jeunes Laeken, qui garde cette future action secrète pour le moment.
Des aménagements étaient programmés pour 2017, par Joëlle Milquet, ex-ministre déchue à l’Enseignement. Notamment une simplification de ces critères géographiques et davantage de poids pour le choix des parents dans le calcul de l’indice composite des enfants. Mais il faudra probablement attendre que l’affaire du Pacte de l’Excellence se dénoue pour voir apparaître de nouvelles mesures en matière d’inscriptions.
Choisir la « bonne école »
Pour cette rentrée 2017, pas de changements au niveau du décret. En place, toujours une centralisation des données, des élèves prioritaires, un formulaire unique d’inscription, une procédure en plusieurs temps et une instance en charge de départager les demandes (la CIRI). La réussite du décret Inscription, c’est d’ailleurs ce formulaire unique effectif durant une période déterminée. En clair, chaque élève reçoit un formulaire d’inscription (FUI) qu’il dépose dans l’école secondaire de son premier choix. Si l’établissement reçoit des demandes inférieures à l’offre, l’élève est inscrit. Par contre, si l’établissement reçoit plus de 80% de demandes par rapport au nombre d’élèves qu’il peut accueillir, il transmet les formulaires à la CIRI, Commission Interréseaux des Inscriptions, qui se charge de départager les élèves en fonction de critères et d’élèves prioritaires. Pour consulter le calendrier récapitulatif des inscriptions, rendez-vous sur
www.inscriptions.cfwb.be
Du 6 au 24 mars, les parents peuvent déposer dans l’école de leur choix, le formulaire complété. Pas de précipitations, l’ordre d’arrivée n’a aucune importance.
« Je conseille aux parents de prendre le temps de lire les projets pédagogiques et de se renseigner auprès des écoles pour connaître les dates des journées portes ouvertes, des séances d’information… afin de ne pas passer à côté de l’opportunité de rencontrer la direction et l’équipe enseignante, car il faut avant tout pouvoir projeter son enfant dans le projet pédagogique de l’établissement. Qu’est-ce qu’une « bonne école » ? Que penser de l’établissement qui accueille 200 élèves en première secondaire, pour n’en avoir plus que 60 en rhéto ? Est-ce vraiment ça une «bonne école » ? Je suggère plutôt aux parents de demander aux directions ce qu’elles mettent en place pour faire en sorte que tous leurs élèves réussissent ! » conclut Véronique de Thier de la FAPEO.
À terme donc, il est essentiel d’améliorer significativement l’enseignement dispensé dans les écoles qui, à tort ou à raison, ne bénéficient pas de la même notoriété que celles réputées « bonnes ». Cela passe par la remobilisation et la formation des équipes pédagogiques, le financement des écoles et pourquoi pas, par des mesures incitatives à la mixité sociale qui pourraient être encouragées par la ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, elle-même.
Maud Baccichet, secteur communication
Plus d’informations :
www.inscription.cfwb.be
www.fapeo.be
Service d’aide aux inscriptions n° vert 0800/188 55 (appel gratuit)
Une petite
vidéo qui explique aux parents le fonctionnement des inscriptions :
https://www.youtube.com/watch?v=9G-NFpuHPFQ