L’épidémie que nous traversons nous aide à comprendre que notre propre vulnérabilité est intrinsèquement liée à celle des autres. Elle nous permet également de comprendre que notre sécurité personnelle est intrinsèquement subordonnée à la mise en sécurité d’autrui. Il en résulte immédiatement que les devoirs que nous avons vis-à-vis de nous-même – assurer notre propre sauvegarde – sont seconds par rapport à la responsabilité que nous avons vis-à-vis de la sécurisation d’autrui. Et c’est ce que nous pouvons observer dans la sollicitude des soignant.e.s qui exposent leur propre vie à s’occuper des autres ou dans les appels répétés des responsables de la santé publique quand ils exhortent chacun.e à modifier ses comportements pour se tenir à la bonne distance d’autrui. Dans la circonstance, la bonne distance n’est pas seulement celle qui sied, celle qui est conforme aux usages, qui ménage ou marque le respect pour les autres et leur fait une place, mais celle qui traduit notre responsabilité à protéger les autres personnes. Tandis qu’inversement, la proximité joyeuse en usage dans notre quotidien habituel ne traduit souvent qu’une réelle indifférence pour autrui. Le caractère invisible du mal que chacun est susceptible de communiquer ou de recevoir des autres nous met également face au caractère mystérieux de la responsabilité qui nous enjoint de répondre de nous-même bien que nous n’ayons pas une maîtrise souveraine des effets de notre propre comportement et encore moins de celui des autres. Mais nous découvrons aussi que nous sommes responsables pour l’autre, c’est-à-dire, que nous répondons de nos actes, non seulement pour nous-même, mais pour l’autre. C’est cette même sorte de renversement que connaissent les parents, - mais aussi que connaissent celles et ceux qui éduquent, enseignent et forment vis-à-vis des apprenants -, quand ils se découvrent seconds et que la mise en sécurité de leurs enfants est leur propre sécurité. Car comment survivre vraiment après la disparition de la personne dont vous aviez à répondre ?
Patrick Hullebroeck, Directeur