En dernière année du secondaire, les élèves sont amenés à choisir d’entreprendre - ou non - des études supérieures, ou de retarder l'échéance du choix via une année sabbatique par exemple. Mais comment s’y prendre? Quelles questions se poser? A qui s’adresser?
Il ressort de nos rencontres avec les jeunes sortant du secondaire qu’une difficulté majeure du choix d’études est liée à une méconnaissance des démarches d’orientation. Cet article a donc pour but de fournir des pistes de réflexion sur des outils aidant à l’orientation. Nous proposerons trois grands champs d'actions qui devraient intervenir dans le processus d'orientation vers des études supérieures. Nous ne les présenterons pas selon un ordre chronologique car ces étapes s’interpénètrent.
La connaissance de soi
Le premier groupe d'actions concerne l'exploration et la connaissance de soi (Nils, 2011) . Le jeune va se regarder dans un miroir et s’interroger sur ses valeurs (compétition, solidarité, autonomie, conformisme, réussite...), ses priorités (trouver du travail rapidement, s'enrichir intellectuellement...), ses compétences (scientifiques, littéraires, sociales, artistiques…), ses centres d'intérêts, sa méthode de travail… Tous ces éléments permettront de baliser la recherche.
Dans le cadre de cette démarche de connaissance de soi, beaucoup de jeunes demandent à réaliser un test d'orientation afin d'être mis en correspondance avec une filière d'études. Nous voyons régulièrement, dans nos pratiques, une dérive de ces tests, surtout informatisés. En effet, les jeunes leur accordent trop de crédit en s’appuyant souvent uniquement sur leurs résultats pour choisir des études. Le danger est que le choix soit ainsi fait par un tiers, en l’occurrence ici un logiciel, plutôt que par la personne directement concernée.
Nous préférons donc considérer le test comme un outil, une base pour entamer la découverte de soi. Il n'est pas toujours nécessaire. Lorsqu'on y recourt, il est important de prendre du recul par rapport aux résultats : est-on d'accord avec les résultats? Cela nous correspond-il? Si oui, pourquoi? Si non, pourquoi? Ces constats à propos de soi permettront alors d’orienter la recherche d’informations vers des domaines plus spécifiques.
Les activités d’information
Un deuxième champ d'actions concerne les activités d'information. Platon demandait très justement comment chercher quelque chose qu’on ne connait pas. Dans nos pratiques, nous constatons que les connaissances à propos des formations disponibles et de leur contenu sont très limitées lorsque les jeunes sortent de l’enseignement secondaire. Ceci est compréhensible, sachant qu’il existe 230 formations différentes en Bachelier dans l’enseignement supérieur belge francophone. Il y a donc une nécessité d’élargir le champ des possibles pour donner toutes les chances à la personne de choisir les études qui lui conviendraient le mieux.
Pour bien s'informer, il ne suffit pas de s'appuyer sur ses propres représentations. En effet, nous avons souvent une idée toute faite des professions prestigieuses, des métiers qui assurent un revenu économique confortable, de la personnalité de tel ou tel professionnel (il est inhumain, il ne prend jamais de décision…) Cependant, cette vision générale des métiers est très réductrice et parfois erronée. Il est donc nécessaire de s’informer plus précisément.
Sur quoi faut-il s'informer ? Une première étape consiste à consulter l’offre de formation. Cela permet, d’une part, de s’écarter de la quinzaine de filières que nous arrivons à citer spontanément, d’autre part, de découvrir des formations dont nous ignorions l’existence. Il est, par ailleurs, intéressant de s’interroger sur les différences objectives entre la Haute école et l’Université afin de choisir un environnement qui correspondrait davantage à nos attentes (pratique, théorie, professionnalisation, recherche…). Ensuite, il est important de repérer les formations qui nous attirent, d’approfondir la recherche pour celles-ci en consultant les programmes de cours et en investiguant sur ce que recouvrent les intitulés des cours. Par la suite, il sera nécessaire de comparer les programmes de cours de plusieurs institutions proposant la même formation afin de pouvoir choisir des études en toute connaissance de cause. Finalement, le jeune sera également amené à sélectionner l’institution dans laquelle il voudra suivre ses études. Ceci peut s’effectuer en tenant compte des spécificités des établissements : leur philosophie, leur encadrement, leur localisation géographique, leur environnement…
D'autres informations permettent aussi de construire son choix d'études : quelles sont les conditions d'admission? Y a-t-il des cours préparatoires? Quelles sont les aides proposées aux étudiants (financières, aides à la réussite, accompagnement pour les handicaps, carrière sportive...)? Dans le cas des aides à la réussite, nous pouvons, par exemple, mettre en avant plusieurs dispositifs proposés par les établissements, tels que les guidances, le tutorat, le coaching, le blocus assisté...
Où et comment peut-on trouver ces informations? Plusieurs acteurs ont pour mission d’accompagner les jeunes et les adultes dans ce processus. On les retrouve généralement dans les centres PMS, les services d'information et d'orientation des universités et Hautes écoles, le SIEP (Service d’Information sur les Etudes et les Professions)...
Des recherches d'informations peuvent également être menées via les sites web des différents organismes de formation. D'autres sites, comme, par exemple, « Orientation.be », proposent aussi des outils, tels que des vidéos de 2-3 minutes sur différents métiers pour aider au choix d'études. Attention toutefois au risque de récolter des informations erronées. Nous ne pouvons que conseiller, comme pour n'importe quelle recherche, de ne pas s'arrêter à une information superficielle, mais de vérifier l'information, d'être critique, de comparer les sources...
Les rencontres
Un dernier champ d'actions concerne les rencontres. Dans le cadre du processus d'orientation, nous invitons les jeunes à rencontrer au minimum trois types de personnes. D'abord, il est intéressant de discuter avec des étudiants qui sont actuellement dans les études ciblées et qui pourront parler de leur métier d'étudiant, des éventuelles difficultés qu’ils ont rencontrées, des points forts et faibles de leur formation. Ensuite, il est fructueux d'aller à la rencontre des professeurs de la filière afin de mieux cerner les attentes et exigences qu'ils cultivent à l'égard de leurs futurs étudiants. Finalement, nous ne pouvons qu'encourager la récolte d'information auprès de professionnels. Quel est leur quotidien ? Quelles difficultés rencontrent-ils dans leur métier et comment sont-elles gérées ? Quel a été leur parcours pour atteindre la fonction actuelle ?... Le jeune peut aussi demander à effectuer un mini-stage pour observer la profession.
Dans notre pratique, nous rencontrons souvent des élèves qui nous demandent s’il faut choisir en fonction du métier ou des études. Notre réponse : cela dépend. Par exemple, pour être médecin, il faut faire des études de médecine, il n’y a pas d’autre choix. À l’opposé, les études en sociologie ne mènent pas tous les étudiants à la même profession. D’ailleurs, peu de diplômés déclarent, par la suite, exercer le métier de « sociologue ». Toutefois, ils retrouvent des éléments de sociologie dans leur quotidien. Il n’y a donc pas toujours une relation claire entre les études et le métier. Ainsi, les informations relatives aux métiers constituent des indicateurs pertinents, mais non suffisants pour un choix d’études.
En résumé, pour bien s’orienter, il faut « se connaître », s’informer, rencontrer et mettre tout cela en correspondance. Cela s’inscrit donc dans un processus de longue haleine qui nécessite un certain investissement de la part du jeune et de son entourage. En effet, le choix d'études se construit socialement, dans l'interaction avec des acteurs, proches ou non, tels que les parents, les enseignants, les professionnels du domaine…. Il nous parait dès lors judicieux de nous interroger sur leur rôle dans ce contexte.
Quelle est la place des parents?
Les parents connaissent très bien leur enfant, en ont une certaine représentation et généralement un ou plusieurs projet(s) pour lui. Ces messages peuvent être exprimés explicitement ou implicitement. L’important est d’en prendre conscience et de pouvoir accepter un rôle d’accompagnateur plutôt que de décideur en matière de choix d’études, même si ce dernier ne correspond pas aux attentes du parent. Ainsi, il faut éviter de décider à la place du jeune ou de limiter ses choix, car cela pourrait avoir des conséquences malheureuses sur l’orientation choisie ainsi que sur la réussite.
Par ailleurs, les parents sont aussi des acteurs importants dans le processus d’orientation pour d’autre raisons. Ils ont vu grandir leur enfant, l'ont imaginé dans telle ou telle profession. Les parents peuvent donc renvoyer au jeune et lui expliquer l'image qu'ils ont de lui. Celui-ci sera alors amené à confronter l'image qu'il a de lui-même avec celle que ses parents lui reflètent. Ceci contribuera au développement d'une meilleure connaissance de soi, pour le jeune. Ensuite, les parents côtoient leur enfant quotidiennement ; ils le verront donc évoluer dans ses réflexions, pourront l'accompagner dans la démarche d'orientation. Leur rôle, bien balisé, est donc essentiel dans la construction du projet d'études du jeune.
Quelle place pour les enseignants ?
Au cours de nos rencontres avec des enseignants et des élèves, nous nous sommes aperçu que les élèves ne posaient pas souvent de questions d’orientation à leurs enseignants. Par contre, lorsqu’un enseignant donne son avis sur le choix d’études, les élèves y attribuent une valeur importante et parfois déterminante pour leur orientation. Comme les enseignants sont des acteurs du quotidien des jeunes, il semble normal que les élèves prêtent attention à leurs dires.
Il est dès lors important que les enseignants prennent conscience du rôle qui leur est attribué dans le processus d'orientation des élèves. Dans ce cadre, il nous parait également pertinent de souligner l’attention que les enseignants devraient prêter à leur propos, pour éviter ce que les élèves perçoivent parfois comme des jugements de valeur trop rapides, ou la transmission de représentations erronées. Pour leur fournir de vrais outils, il serait utile d'organiser des séances d'informations destinées aux enseignants afin de travailler sur l'information objective et de les aider à se distancer d’éventuels préjugés positifs ou négatifs.
En conclusion, nous rappelons que l’orientation est un processus complexe. Il est donc essentiel d’inviter le jeune à ne pas attendre la fin de sa rhéto pour l’initier. Cette démarche demande de l’investissement de la part du jeune, mais aussi des acteurs qui l’entourent et lui permettent d’évoluer, de faire mûrir sa réflexion… Ces acteurs constituent des piliers pour guider le jeune sur son chemin, en lui fournissant des pistes de travail et des outils, selon un savant dosage : encourager le jeune à nourrir une réflexion de plus en plus approfondie sur son choix d’études, tout en évitant de mettre trop de pression sur ses épaules.
Anne Verriest, psychologue d’orientation, avec la collaboration de Samuel Michel, conseiller en information et orientation, ULB, Service InfOR-études