Bénis soient les musulmans dans l’enseignement catholique flamand !

Mercredi 4 mai 2016

L’enseignement catholique flamand se prépare à donner une place à l’Islam : lieu de prière pour les musulmans, port du foulard islamique autorisé, cours de religion musulmane non obligatoire en extrascolaire (De Morgen du 4 mai 2016, p. 1-3).
Ce virage à 180° est porté par une double motivation : marketing et idéologique. En Flandre, tout comme du côté francophone, la part des élèves musulmans sur le « marché scolaire » augmente. Il s’agit pour le réseau catholique de mieux capter cette population au détriment de l’enseignement officiel qui offre, dans un contexte de neutralité, les cours de morale et de religion. C’est aussi une attaque frontale contre la conception laïque de l’éducation et de l’espace public. Il s’agit, en effet, pour l’enseignement catholique flamand, d’opposer à l’enseignement officiel et à la société laïcisée qui promeuvent un vivre et un apprendre ensemble établis dans l’espace public neutre, - les convictions de chacun demeurant en retrait dans la sphère privée -, sa vision religieuse de la cohabitation des convictions : une école religieusement orientée, qui accueille en son sein, symboliquement mais à la marge, d’autres convictions religieuses en s’ouvrant au dialogue interconvictionnel. Que faut-il en penser ? D’un côté, on ne peut que se féliciter d’assister à cette évolution des esprits et à cette sorte de « soft catholicisme » dont on ne sait plus trop ce qu’il a de catholique. D’un autre côté, cette révolution entraine la société en Flandre dans les contradictions propres aux institutions catholiques. L’existence de l’enseignement catholique trouve sa justification, sinon à cause du poids de l’histoire, dans l’exigence des catholiques de transmettre à leurs enfants les valeurs et la vision de la Tradition chrétienne. Le projet éducatif des écoles catholiques vise toujours sur ce plan, et sans ambiguïté, l’évangélisation. Comment l’enseignement catholique pourra-t-il concilier sa vocation évangélisatrice avec la pseudo reconnaissance des musulmans qu’elle envisage aujourd’hui en son sein ? L’enseignement catholique offre ainsi une reconnaissance illusoire en perpétuant des distinctions d’autant plus subtiles qu’elles sont symboliques et organisationnelles : l’organisation de lieux de prières distincts juxtaposeront les enfants, l’un a côté de l’autre, en fonction de leur religion, les signes convictionnels seront autorisés mais les élèves devront toujours signer le projet d’établissement qui les oblige à accepter son caractère chrétien, les écoles organiseront des cours de religion musulmane, mais en dehors du temps scolaire, tandis que le cours de religion catholique demeurera obligatoire et restera sanctionné par un examen. Voici une reconnaissance des musulmans qui ressemble fort à une dénégation et qui, loin d’affaiblir le caractère catholique du réseau, cherche au contraire à sauver ce qui l’en reste. Au prix de la perpétuation de la pilarisation. L’enseignement catholique cherche ainsi à échapper à ce qui, lentement, gagne les esprits : l’idée que l’enseignement confessionnel devrait être laïcisé, pour effectuer sa mission de service public conformément aux principes d’une démocratie moderne, avec les financements publics dont il bénéficie.   Patrick Hullebroeck Directeur

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