Les écoles officielles n’ont pas attendu l’instauration d’un cours de philosophie et de citoyenneté pour sensibiliser leurs élèves aux enjeux d’une citoyenneté responsable. Un exemple parmi d’autres: en 2016, la Journée du civisme organisée à l’Athénée royal de Koekelberg a inspiré à un groupe d’enseignants de l’Athénée royal de Nivelles l’idée d’adapter le concept aux spécificités de leur établissement.
Thème choisi: «La solidarité en temps de crise». Il s’agissait de montrer, une fois de plus,que l’école ne se contente pas de transmettre des savoirs et des savoir-faire mais que sa mission principale est de former de futur.e.s citoyen.ne.s capables de poser des choix politiques en connaissance de cause et de promouvoir les valeurs démocratiques de respect de l’autre et de solidarité. Sans doute cela se fait-il déjà chaque jour dans les différents cours de manière transversale, mais c’était l’occasion de renforcer la formation critique des élèves par des activités participatives, de réflexion et ludiques, qui les sortent de leur quotidien scolaire.
Une équipe motivée
À la manœuvre, sous la supervision du préfet, une équipe d’enseignant.e.s motivé.e.s et enthousiastes. Leur objectif, mobiliser pendant une journée entière professeurs et élèves de l’établissement autour de sujets qui les concernent directement. Pour l’atteindre, ils ont pu compter sur la participation de la Ligue des droits de l’homme et des ONG Défi Belgique Afrique, Service civil international Belgique, SOS Migrants et Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ), ainsi que sur celle de l’humoriste Pie Tshibanda, auteur du spectacle «Un fou noir au pays des blancs». En interne, ils ont reçu non seulement l’aide de leurs collègues, mais aussi celle des élèves du Jeune Magasin du Monde Oxfam de l’établissement. Créé en 2001 à l’initiative d’un professeur de morale, ce JM a, bien entendu, pour tâche de promouvoir le commerce équitable auprès des élèves et de leurs parents en organisant notamment des petits déjeuners Oxfam. Mais pas seulement. Son ambition est, plus largement, d’œuvrer en faveur de la solidarité et de la justice dans le monde, de la paix et d’un développement durable et solidaire au Nord comme au Sud et du refus du racisme et de la xénophobie.
Déroulement
Le Jour J, le 13 mai, les élèves ont été accueillis à l’école comme d’habitude. L’horaire normal a été maintenu dans la mesure du possible mais les cours ont été remplacés par des animations et des débats. Les élèves sont restés groupés par classe, chaque classe étant prise en charge par un professeur volontaire. Les activités proposées variaient selon l’âge des élèves. Les élèves de première et de deuxième année ont eu droit, le matin, à des animations réalisées par leurs condisciples du JM Oxfam et ont assisté, l’après-midi à un one man show de Pie Tshibanda à propos de la solidarité et de l’immigration. Les élèves de troisième et quatrième ont entendu, le matin, des témoignages de migrants sans papiers sous l’égide de SOS Migrants et participé ensuite à des discussions sur ce thème. L’après-midi a été consacrée à des animations proposées, aux premiers, par les élèves du JM Oxfam et, aux seconds, par la Ligue des droits de l’homme, Défi Belgique Afrique et Service civil international Belgique. Quant aux élèves de cinquième et sixième, ils ont participé à deux débats, le matin, sur la problématique du vote expliqué par les mathématiques et la nécessité du vote obligatoire et, l’après-midi, sur le thème «Faut-il accueillir plus de réfugiés? Devoir humanitaire ou méfiance légitime?» Des pauses étaient ménagées pour permettre aux élèves de visiter librement les stands des ONG et l’exposition présentée par le CIRÉ sur «Les émigrants belges d’hier, un miroir pour aujourd’hui».
Des élèves enthousiastes
Inutile d’insister sur la somme de travail qu’une telle organisation a exigée des professeurs et des élèves qui s’y sont investis. Mais le jeu en valait la chandelle car la grande majorité des participants ont trouvé cette journée enrichissante et formatrice. Le retour étant positif, les quelques petits ratés, inévitables dans une entreprise de cette envergure,ont été vite oubliés. Les élèves étaient même demandeurs de renouveler l’expérience chaque année. Un vœu qu’il n’a pas été possible d’exaucer, étant donné la lourdeur de sa mise en œuvre. Il serait néanmoins question d’organiser une nouvelle Journée de la citoyenneté dans le cadre de la célébration du 100e anniversaire de la création de l’Athénée en 2019.
Guy Donnay, Membre fondateur de l’association de fait «Educ Brabant wallon»
Exposition:
Les émigrants belges d’hier, un miroir pour aujourd’hui
Bon nombre d’idées toutes faites et de préjugés circulent actuellement à propos des immigrés et des réfugiés en Belgique. Or les Belges aussi, un jour, ont fui. Cette exposition, sa brochure et son cahier pédagogique montrent combien la réalité des émigrants belges d’hier fait écho à celle des immigrés d’aujourd’hui…
À travers l’Histoire, un grand nombre de Belges sont partis à destination de la Russie, des États-Unis, du Canada, de l’Amérique latine, de l’Afrique ou de pays plus proches comme la France, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne. Certains fuyaient la guerre, d’autres les persécutions politiques et religieuses, d’autres encore la misère...
Qui étaient ces émigrants belges? Pourquoi ont ils tout quitté? Et comment ont-ils été accueillis et considérés dans les pays où ils se sont installés? C’est à ces questions que répond l’exposition «Les émigrants belges d’hier: un miroir pour aujourd’hui». Pour informer le visiteur tout en l’invitant à réfléchir, elle fait appel à des archives surprenantes et à des préjugés intemporels:
«Ce sont des profiteurs! Ils ne s’habillent pas comme nous! Ils restent entre eux…»
Réalisée par le CIRÉ en collaboration avec le MRAX, l’exposition se base sur l’ouvrage «Les émigrants belges», sous la direction d’Anne Morelli (éd. Couleur Livres, Bruxelles, 1998). Ses 13 panneaux (80 x 52 cm) peuvent être empruntés au CIRÉ au prix de 75€ par période de 15 jours.
Spectacle:
Un Fou noir au pays des Blancs - Pie Tshibanda
Le témoignage autobiographique de Pie Tshibanda: son exil forcé depuis l’Afrique vers la Belgique.
Pie Tshibanda est né en 1951 dans la régiondu Katanga en République Démocratique du Congo. En 1995, une épuration éthnique éclate. Psychologue, écrivain, auteur d’une dizaine de livres, Pie Tshibanda estime alors devoir dénoncer les massacres dont il est le témoin. Il devient rapidement un «témoin gênant», et n’a finalement d’autre choix que de quitter son pays.
Dès son arrivée en Europe, on le tutoie, on le fouille, on met en doute ses diplômes… Il comprend à cet instant, qu’en franchissant la frontière belge, il n’est plus l’intellectuel estimé qu’il était auparavant. Il est désormais «un étranger» qui va devoir trouver sa place et faire ses preuves.
Ce spectacle relate non seulement l’incroyable voyage de Pie Tshibanda, mais aussi les difficultés qu’il a pu traverser en arrivant en Europe. Humaines et nuancées, ses paroles mettent en évidence, avec un humour acerbe et une intelligence raffinée, le regard porté parfois sur ceux que nous ne connaissons pas, et sur la méfiance qu’inspire la différence.