Une urgence francophone

Jeudi 26 février 2015

Joëlle Milquet lance son plan pour l’Ecole

Vice-ministre présidente du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge de l’Enseignement obligatoire, Joëlle Milquet  a lancé son "plan d'excellence" pour l'Ecole, qu’elle qualifie « d'urgence francophone ».
La ministre présente ce pacte comme « un processus consultatif cadré dont le but est d’augmenter la qualité de l’enseignement pour tout le monde. » Le projet doit donner lieu à une grande consultation ouverte à tous et construite autour de quatre thématiques: gestion, savoirs et compétences, élèves, professeurs et direction. Elle ouvre notamment la porte à une mobilité des enseignants entre les différents réseaux. « C’est un projet pour les acteurs, un projet qui leur dit merci tous les jours. Les enseignants sont des héros de la vie quotidienne dans une société qui ne les valorise pas suffisamment; ce Pacte va les remettre au cœur du processus. » Une réforme qui risque donc de se heurter à la rigidité de l’organisation des réseaux.

Une culture de la qualité

Joëlle Milquet  désire lancer une culture de la qualité dans le monde de l’enseignement. « Tout le monde doit entrer dans cette logique: les dirigeants, l’administration, les enseignants, les élèves, les parents… Ce Pacte, c’est vraiment bien plus un processus de qualité qu’une démarche ponctuelle. Ce ne sera pas un machin venu d’en haut avec une pédagogie imposée de manière aveugle. Nous sommes dans un processus profondément participatif, transparent et ouvert via un site Internet spécialement dédicacé à l’opération. Cela étant ce ne sera pas le café du commerce, nous ciblons les priorités sur lesquelles travailler. Par ailleurs, nous collaborons avec des experts, des acteurs du monde socio-économique et de l’enseignement supérieur. » Par rapport à ses prédécesseurs, Joëlle Milquet oppose donc sa volonté d'inverser les priorités en n’imposant pas une réforme qui vient d’en haut. « Nous partons du professeur que l’on veut mieux aider face à une Ecole qui change et à des jeunes totalement différents. »  Le directeur doit, pour sa part, avoir l’occasion de faire un travail pédagogique. La ministre reconnaît les limites du système actuel: « Nous proposons une démarche de qualité, avec un enseignement qui est souvent bien financé, mais dont les résultats sont moindres, notamment par le taux de redoublement. Certaines choses se passent bien. 50% des établissements ont des résultats bons et très bons. On remet l’enseignant au cœur du sujet. Les stratégies de lutte contre l’échec commencent à porter leurs fruits. On remonte dans les études. Avec une culture de l’évaluation, on peut avoir des résultats rapides, mais l’école est encore organisée pour le XXe siècle. » Parmi les sujets clés du plan d’excellence, Joëlle Milquet cite les « acteurs » (enseignants), les élèves en fonction de leurs différences et les contenus. « L’Ecole n’est plus le seul lieu de connaissance. On doit intégrer la transition numérique. L’économie de demain est celle de la connaissance, de l’innovation et de l’imagination. » A propos de la rémunération au mérite, la ministre de l’Enseignement dit vouloir un processus participatif. « Il faut oser s’affranchir du conservatisme qui nous empêche de nous déployer. Notre système est complexe et hérité de l’histoire. » Elle en appelle à une coordination, aux centrales d’achats et aux partenariats entre établissements.  « On peut assurer le financement par une meilleure organisation et une meilleure allocation des ressources. »

Les syndicats favorables dans l’ensemble

Suite à l’annonce d’un Pacte d‘excellence pour l’enseignement, les syndicats d’enseignants ont réagi favorablement, tout en posant des conditions Le secrétaire général de la CSC-Enseignement, Eugène Ernst, a réagi en expliquant que le « projet ambitieux présenté par la ministre semble répondre par différents aspects au pacte que nous souhaitions avant les élections de 2014 ou à l’appel à refondation que nous avions signé. » Estimant le timing prévu « plus que serré », Eugène Ernst reconnaît que « si nous ne pouvons plus traîner, nous ne pouvons agir avec précipitation car trop de réformes qui ont sollicité des efforts énormes de la part des membres du personnel  souffrent d’un manque de moyens, de préparation, de formation. » Le président de la CGSP-Enseignement, Pascal Chardome, a, quant à lui, indiqué que, depuis longtemps, son syndicat dénonce « les carences de notre système éducatif que ce Pacte a pour objectif de combattre ». Son syndicat pourrait, en conséquence, répondre à cet appel et être un partenaire actif, mais vigilant, à toutes les étapes et dans tous les processus de cette démarche participative et volontariste. Les syndicats ont toutefois fait part de leurs inquiétudes concernant divers points du pacte. Pour la CSC-Enseignement, ces points sont, entre autres, une adéquation plus grande et un décloisonnement plus important, principalement pour l’enseignement qualifiant, avec le monde socioéconomique; le renforcement de l’autonomie des responsables ; la culture d’évaluation prônée par la ministre; et l’absence de régulation complémentaire. Pascal Chardome, lui, souligne que l’ampleur du travail à réaliser et de l’implication des acteurs est  telle que les enseignants et personnels de l’éducation devront être assurés de: pouvoir  travailler avec l’ensemble des acteurs, mais en toute autonomie et dans le respect de leurs spécificités (l’Ecole ne doit pas se soumettre aux diktats socioéconomiques ou à la marchandisation). Il souhaite que l’on évite l’éparpillement vécu lors d’initiatives précédentes et que l’on centre les réflexions sur des stratégies innovatrices et émancipatrices. La CGSP-Enseignement  espère qu’à l’issue du processus, des démarches concrètes seront initiées, partagées et accompagnées, et que les moyens humains et matériels nécessaires à leur réalisation seront obtenus.

Le point de vue de la Ligue

La Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente réaffirme le point de vue qu’elle défendait déjà en septembre dernier, à savoir :
  • l’amélioration de l’offre d’enseignement pour tous implique de lever le tabou du clivage confessionnel/non confessionnel qui traverse toute la législation issue du Pacte scolaire ;
  • il faut favoriser les collaborations locales entre les écoles, quel que soit leur réseau, dans des formes d’associations et de partenariats au service de toute la population et de caractère neutre ;
  • sur le plan méthodologique, l’élaboration d’un tel pacte, pour être légitime, ne peut résulter des initiatives individuelles d’une composante du gouvernement, étroitement liée à l’enseignement privé confessionnel, mais doit être pilotée par des représentants des différentes composantes du gouvernement.
Pour la Ligue, si l’objectif du gouvernement est, véritablement, une participation pleine et entière de tous les acteurs - enseignants, parents, élèves - et pas seulement des pouvoirs organisateurs, est-il envisageable d’appréhender l’harmonisation de l’offre d’enseignement par bassin scolaire, dans le cadre d’une association de tous les opérateurs d’enseignement (publics et privés) ? Cette association pourrait être animée par un projet pédagogique commun, nouvellement défini. Cette collaboration pourrait être conduite par les directions des établissements et des représentants des pouvoirs organisateurs, ainsi que des délégués des parents et des élèves. Ce partenariat pourrait être placé sous la responsabilité  des autorités publiques, chargées d’exercer un contrôle sur le respect des objectifs, la gestion financière et l’allocation des moyens. Ces expériences pourraient également bénéficier de moyens supplémentaires incitatifs.   Valérie Silberberg, responsable du secteur Communication

Sources :

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