Tour d’horizon de la rentrée 2014

Jeudi 4 décembre 2014

Mise en place du décret Paysage, refinancement prévu par la déclaration de politique communautaire, innovations pédagogiques tournées vers le numérique, mobilisation des étudiant-e-s… Ça bouge du côté de l’enseignement supérieur !
  Mi-septembre, les quelque 185 000 étudiant-e-s que compte la Fédération Wallonie-Bruxelles ont rejoint les bancs des amphis. Si chaque rentrée scolaire est agitée, 2014 l’est particulièrement ! Retour sur les dossiers « chauds » du moment…

L’application du décret Marcourt

Adopté l’automne dernier, le décret Paysage entre en vigueur cette année. Il représente la réforme de l’enseignement supérieur la plus importante depuis le décret de Bologne de 2004. Rappelons que le texte, souhaité par Jean-Claude Marcourt, et vivement discuté pendant plus de trois ans, modifie l’enseignement supérieur en profondeur, avec l’objectif « d’harmoniser le paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, en plaçant les étudiants au centre de la réflexion, d’aménager leur parcours personnalisé, tant durant leurs études initiales que tout au long de leur vie, et de créer un statut unique de l’étudiant au travers de tous les établissements». Si le gros des changements est prévu pour 2015, 2014 voit l’instauration de plusieurs mesures: - la date de reprise des cours est dorénavant fixée à la mi-septembre; - la date de clôture des inscriptions est ramenée du 30 novembre au 31 octobre; - il y a la possibilité d'étaler le paiement des droits d'inscription jusqu'au début du mois de janvier ; - le seuil de réussite des études change. Pour accéder à l'année suivante de son cursus, tout étudiant devra, à présent, obtenir au moins 10 sur 20 par matière ainsi qu'une moyenne globale de 10 sur 20 au moins, contre 12 de moyenne auparavant.

Le lent démarrage de l’Ares

Regroupant l’ensemble des acteurs du secteur (universités, Hautes écoles, enseignement supérieur de promotion sociale et artistique, et syndicats), c’est l’Ares (Académie de recherche et d’enseignement supérieur) qui, depuis janvier 2014, est chargée de l’application du décret. La création de cette coupole s’inscrit dans la volonté du ministre de faciliter les synergies et collaborations entre les établissements. Si la structure existe depuis janvier dernier, il semble que le démarrage reste un peu lent. Julien Nicaise, son directeur général, explique cela par le fait que ce ne sont pas moins de sept structures qui fusionnent. Toutefois, Christiane Cornet de la CGSP Enseignement se veut rassurante: « Il faut de la bonne volonté et elle ne manque pas. Les difficultés sont liées à la hauteur des enjeux ». Ajoutons aussi que le décret vise le remplacement des réseaux d’enseignement supérieur par des pôles géographiques. Au nombre de cinq, ils sont répartis comme suit: Brabant-wallon, Liège-Luxembourg, Hainaut, Namur, Bruxelles.

Quelques hésitations dans la transition

Le décret vise le remplacement progressif de l’année d’étude par un système de crédits, afin de "fluidifier le parcours de l’étudiant". Cependant, la réforme impose une validation obligatoire de la première année pour pouvoir intégrer la logique. Ainsi, actuellement, ce sont surtout les étudiant-e-s de première année de l'année dernière qui connaissent les effets du décret. Selon la Fef (Fédération des étudiants francophones), les redoublants de 1er bac qui n’ont pas obtenu au moins 45 crédits sur 60 ne peuvent plus suivre des cours de 2e année. Selon Corinne Martin, présidente de la Fef, "cela a créé une année vide, peu remplie en terme de crédits, situation jugée négative et décourageante pour les étudiants et coûteuse, pour l’étudiant, la société et l’établissement". Après avoir fait le point avec les commissaires et délégués du Gouvernement auprès des établissements d’enseignement supérieur, le ministre a rappelé que l’esprit du décret et l’intérêt de l’étudiant doivent prévaloir sur une appréciation trop restrictive du dispositif décrétale.

Un recours en annulation du décret

Le décret Paysage fait l’objet d’une requête en annulation, introduite auprès de la Cour constitutionnelle par cinq professeurs d’université, six Hautes écoles et le secrétariat de l’enseignement catholique. Les raisons invoquées, au nombre de 21, portent sur le fait que le décret «porte atteinte de manière injustifiée, ou disproportionnée, à la liberté académique et cadenasse l’innovation pédagogique et l’émulation interuniversitaire ». L’arrêt, qui pourrait éventuellement remettre en question la réforme, n'est pas attendu avant le printemps prochain.

Refinancement

Depuis 1995, le budget alloué à l’enseignement est fixe (sauf indexation) alors que le nombre d’étudiant-e-s, lui, ne fait qu’augmenter. En 15 ans, sous l'effet de l'enveloppe fermée, les universités ont vu leur subside par étudiant baisser de 15%, alors que sur cette même période, le nombre d'étudiant-e-s inscrits a progressé de 37%. Ainsi, depuis longtemps, un refinancement est souhaité par les acteurs et actrices du milieu. La demande vient enfin d'être entendue, dans sa déclaration de politique communautaire, la nouvelle coalition PS-cdH évoque le souhait d'une "adaptation progressive du financement des universités et des Hautes écoles à l'évolution du nombre d'étudiants", un budget de 106 millions sera donc alloué à l’enseignement supérieur. Si la nouvelle a été plutôt bien accueillie, certains recteurs rappellent que 100 millions auraient été nécessaires, rien que pour les universités, et demandent qu’une enveloppe leur soit spécialement dédicacée car "ce sont des institutions spécifiques qui gèrent des matières spécifiques". La Fef, quant à elle, s’inquiète du fait que le versement ne sera pas effectué avant 2016 !

Des étudiant-e-s de plus en plus précaires

Du coté des conditions de vie des étudiant-e-s, la Fef revient sur la déclaration de politique commune qui « ne garantit pas le gel du minerval et ne fait pas de l’accessibilité aux études une priorité ». En outre, l’association étudiante réclame une facture plafond de 150 euros par an de support de cours pour tous et la gratuité pour les boursiers. En réponse, le ministre a assuré que le minerval complet resterait gelé jusqu’en 2015 «au moins», et que la gratuité du minerval pour les boursiers et la mise à disposition des supports de cours ne sont pas menacées, ces mesures «ne souffrant aucune échéance particulière». L’association reste, dans tous les cas, vigilante. Par ailleurs, différents CPAS notent que le nombre d’étudiant-e-s demandant une aide a doublé en Wallonie, voire triplé à Bruxelles. Les raisons invoquées sont: - un contexte économique difficile ; - la paupérisation de la société ; - les médias et les institutions qui ont fait la publicité du droit à l’intégration sociale ; - l’éclatement des structures familiales.   En outre, les CPAS s’inquiètent quelque peu du décret Marcourt, puisque si « l‘enseignement sera organisé de façon beaucoup plus souple, l’accompagnement des CPAS s'avérera sans doute plus complexe. » Une bonne nouvelle, cependant, l’offre de logements pour les étudiant-e-s tend à rejoindre la demande. La situation s’est améliorée à Louvain-la-Neuve, à Mons et à Liège, même si à Bruxelles, où résident 80 000 étudiant-e-s, la situation reste encore complexe : l’offre particulière est, certes, importante, mais elle est rarement bon marché.

Lutte contre l’échec

Si le taux d’échec à l’université n’augmente pas, il reste malgré tout élevé, c’est pourquoi les universités font de la lutte contre l’échec une de leurs priorités. Didier Viviers, recteur de l’ULB , revient sur l’accompagnement des étudiant-e-s mis en place par l’ULB, qui doit être généralisé, « puisqu’il n'y a pas une cause spécifique qui fait échouer les étudiant-e-s ». L’ULB propose donc un système de guidance par matières et du coaching individualisé. L’ULC, quant à elle, a investi dans le podcasting des cours, dédié aux facultés des sciences et de la santé. Suite au récent regain d’intérêt pour ces filières, il est actuellement difficile pour l’Université de permettre aux étudiant-e-s de suivre les cours de façon optimale. Ainsi, ces cours en lignes permettent aux étudiant-e-s de revenir sur les gestes qui soignent, vu lors des cours pratiques. On trouve aussi des conférences et des podyformations permettant aux étudiant-e-s d’interagir et de poser des questions à leur enseignant-e-s. Par ailleurs, Marc Blondel, nouveau recteur de l’UCL, qui souhaite renforcer l’internationalisation de l’UCL, évoque le développement des cours de Mooc’s (cours en ligne). Le système rencontrerait un véritable succès puisque 52 000 personnes se sont déjà inscrites dans le monde entier, et il y a cinq fois plus de demandes d’enseignant-e-s qui ont été enregistrées par rapport aux places disponibles. Evoquons aussi, pour finir, le test d’entrée en médecine qui reste décrié par certains puisqu’il constituerait une sélection, la mise en place à l’université de Gand des « legalclinics », qui permettent aux étudiant-e-s en droit de travailler sur des cas réels, sous la supervision de leurs profs, la démission d’Alain Delchambre, président du Conseil d'administration de l'ULB, suite à l'affaire de plagiat lors du discours de rentrée académique… Une rentrée chargée, vous disions-nous !   Juliette Bossé, secteur Communication  

Du même numéro

Articles similaires