Les jeunes, un public clé pour la prévention du VIH et des autres IST

Mercredi 21 mars 2018

L’entrée dans l’adolescence est marquée, pour la plupart des jeunes, par de nouvelles découvertes en matière de sexualité. C’est également vers cet âge que se forment les représentations, les fantasmes et les idées reçues  dans ce domaine. Elle est donc, de ce fait, une période charnière pour établir les bases d’une vie sexuelle et affective épanouie et protégée, en instaurant dès le début des pratiques sans risques.
Il est important de construire un système de prévention qui tient compte des spécificités des jeunes en matière de vie sexuelle et affective. Le plan national VIH 2014-2019 a défini les  stratégies de prévention des IST/SIDA adaptées aux jeunes comme l’une de ses priorités. Il  préconise, la mise en œuvre de campagne, d’outils et de politiques de sensibilisation  spécifiques pour les jeunes en collaboration avec, entre autre, le réseau scolaire, les structures  prenant en  charge des jeunes et les associations de jeunesse.

Les 15-30 ans, une catégorie à risque pour les IST

Avec 9% des diagnostics de séropositivité en 2016[1], les jeunes de 15 à 30  ans restent peu dépistés positifs au VIH. Cependant, ils  sont concernés par l’augmentation des IST en général. En effet, on remarque ces dernières années une augmentation des IST au sein de la population générale. Parmi les jeunes, se sont les jeunes filles de 15-19 ans qui sont le plus  touchées. On déplore, en effet, chez elle une augmentation des Chlamydia. Les jeunes  garçons étant, eux, plus touchés par la syphilis[2]. La prévention de toutes les IST est primordiale dans la lutte contre le VIH, mais également pour la promotion du bienêtre dans le domaine de la vie  sexuelle et affective. En effet,  parfois asymptomatiques et donc  difficile à détecter sans dépistage, certaines IST non traitées  peuvent avoir des conséquences  néfastes sur la vie sexuelle et affective (stérilités, cancer…). De plus, la présence d’IST non  traitées augmente les risques  d’acquisition du VIH, en  fragilisant les muqueuses qui sont des portes d’entrée pour le virus.  Les modes de  transmission, plus nombreux et plus rapides sont  généralement moins connus. Il  est donc  primordial d’intégrer  aux stratégies de promotion de la  santé sexuelle des jeunes un axe consacré à la prévention des différentes IST dans leur ensemble.

Niveau de connaissance et prise de risque au sein de la population jeune

Le niveau de connaissance  des jeunes par  apport au VIH/SIDA a été évalué lors de l’enquête  de santé par interview de 2013[3], ainsi que par l’enquête HBSC en Belgique francophone[4]. Ces études permettent de mettre en avant  une connaissance relativement  correcte des modes de  transmission chez les jeunes de 16 à  20 ans. Cependant, un certain  nombre continuent à avoir  des  croyances erronées (transmission par la piqure de moustique, risque lors d’une  transfusion sanguine en Belgique,  risque  de transmission par un  partenaire «en bonne santé»)  ou déclare ne pas connaitre les  réponses aux questions posées.  Selon l’enquête de santé par interview de 2013, on dénombre 69.4% de fausses croyances sur les modes de  transmission du VIH au sein de la catégorie des  15-24 ans. Les jeunes sont plus nombreux à déclarer avoir eu plus d’un partenaire sexuel dans l’année.  Ils représentent effectivement 27.1% des répondants pour cette question. Les autres catégories  d’âge ne dépassant pas 10% chacune. Cette proportion est encore plus élevée chez les jeunes   garçons. En ce qui concerne l’utilisation des préservatifs lors des rapports sexuels, les jeunes  déclarent l’utiliser fréquemment. Selon l’étude HBSC, trois quarts des répondants révèlent en avoir utilisé lors de leur premier rapport sexuel. Cette tendance est plus élevée chez les jeunes  hommes. Cependant, si le préservatif est proposé lors du premier rapport, les professionnel.le.s de terrain en lien avec la population jeune ont pu mettre en avant qu’il est  malheureusement vite enlevé au fur à mesure des rapports et souvent sans test  de dépistage  préalable pour s’assurer du statut sérologique du partenaire. Une certaine lassitude et manque   de confiance par rapport au préservatif se fait ressentir dans cette  population. On note  également un taux de dépistage au VIH relativement faible au sein de cette catégorie de la  population. L’enquête de santé  par interview a mis en avant le fait que 12.6%  des jeunes de 5-24 ans seulement déclarent  avoir déjà été testés pour le VIH au moins une  fois dans leur  vie, contre par exemple 41.7%  pour la catégorie d’âge suivante des 25-34  ans. Les jeunes filles sont plus nombreuses à  déclarer avoir déjà fait un test au sein de la catégorie des 15-24  ans.

Les nouveaux paradigmes de la prévention du VIH[5]  et des IST en 2018

Ces dernières années, la prévention du VIH et des IST a évolué. À l’heure actuelle, on parle  majoritairement de prévention combinée. Il s’agit, concrètement, de proposer aux  populations cibles un ensemble de méthodes  de prévention différentes dans lesquelles  puiser selon leurs  besoins et leurs caractéristiques. Ces méthodes englobent la prévention  primaire (préservatifs,  carré de latex[6]…), le dépistage et le traitement. Il a été démontré que la mise sous traitement  les personnes séropositives permet de maintenir la présence du virus à un niveau  suffisamment faible pour qu’il ne soit plus transmissible[7]. Cette avancée renforce l’importance du dépistage et de la connaissance de son statut sérologique. Le traitement peut aussi être  utilisé sous certaines conditions, de façon préventive pour empêcher la transmission du virus  (PrEP[8] ) ou lors d’une suspicion de contact avec le virus (Le Traitement Post-Exposition -  PE)[9].

Des actions adaptées à destination des jeunes

L’étude HBSC de 2014, montre que les jeunes, surtout les jeunes garçons, sont nombreux à  déclarer avoir reçu des informations  sur la vie affective et sexuelle lors d’animation à l’école.  C’est pourquoi la Plate-Forme Prévention Sida propose notamment des  séances de prévention  des IST/SIDA adaptées aux écoles et aux besoins des jeunes. Elle a également mis sur pied,  en plus d’un certain nombre de campagne à destination du public jeune, des guides  pédagogiques pour aborder différentes thématiques en lien avec la problématique du VIH/SIDA et des outils interactifs. A titre d’exemple, l’exposition «Sida,  carte sur table»[10]  s’adresse aux jeunes de 14 à 18 ans, de tous milieux. Il s’agit d’une  exposition autour de laquelle on s’assied et on parle des diverses situations auxquelles les  jeunes sont confrontés dans leur vie amoureuse, afin d’aborder avec eux de façon positive la  thématique du sida. Dans l’optique de toujours mieux correspondre aux réalités de vie des jeunes  et à l’émergence toujours croissante des  nouvelles technologies dans leur vie, la   Plateforme Prévention Sida a récemment  lancé le premier Serious Game sur les IST:  Lord of  Condoms. Il s’agit d’une application  jeu, ludique et interactif à vocation pédagogique et  informative sur la prévention des IST,  disponible sur l’Appel Store et Google Play[11]. Pour  aborder la question des IST de façon simple et complète, la Plate-Forme Prévention Sida a  également sorti cette année, la série «DépISTés» Il s’agit d’un ensemble de sept vidéos sur les  infections sexuellement transmissibles, téléchargeables sur le site preventionsida.org et dont  chaque épisode aborde une IST différente et répond aux questions que tout un chacun peut se  poser à ce sujet.   [1] Épidémiologie du SIDA et de l’infection à VIH en Belgique, Situation au 31 décembre 2016, ISP. [2] Surveillance des infections sexuellement transmissibles, Rapport Partiel, 2015, ISP. [3] Enquête de Santé par interview, rapport complet, 2013, ISP. [4] Étude HBSC en Belgique francophone, 2014, Sipes/ULB. [5] Voir le site: les-bons-reflexes.org [6] Un carré de latex est utilisée comme un préservatif pour se protéger des maladies et infections sexuellement  transmissibles lors d’un rapport sexuel entre la bouche de l’un des partenaires et la vulve ou l’anus d’un autre. [7] Plus d’information sur la charge virale indétectable: preventionsida.org [8] Plus d’information sur la PrEP: myPrEP.be – ce médicament actif contre le VIH est proposé aux personnes  séronégatives fortement exposées à un risque d’infection au VIH afin d’éviter une contamination. [9] Plus d’information sur le TPE: preventionsida.org - le Traitement Post-Exposition est un traitement d’urgence  préventif qui peut réduire fortement les risques de transmission du VIH/sida après une prise de risque (relations  sexuelles sans préservatif, rupture ou glissement du préservatif, partage de matériel d’injection…). [10] https://preventionsida.org/2011/12/sida_cartes_sur_table/ [11] www.lordofcondoms.org   Emilie Gerard, responsable de projet, Plate-Forme Prévention Sida Asbl Depuis 15 ans, la Plate-Forme Prévention Sida a pour mandat la création, la réalisation et la diffusion des outils et des campagnes de prévention. Afin de remplir cette mission, elle soutient la concertation des acteurs de la  prévention des IST/VIH et de la promotion de la santé autour des axes à développer dans les campagnes de prévention. preventionsida.org

Les IST 

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont causées par des bactéries, des virus ou des parasites et se transmettent principalement lors des rapports sexuels non protégés (vaginal, anal et oral). Certaines IST se  transmettent aussi par contact cutané lors de caresses sexuelles, de la mère à l’enfant pendant la grossesse ou l’accouchement et par le sang (consommation de drogues injectables, greffe et transplantations). Les principales  mesures de prévention consistent à: - utiliser un préservatif ou un carré de  latex; - faire un test de dépistage en cas de  doute ou de prise de risque; - soigner les infections à temps et éviter de  contaminer ses partenaires; -  avertir son ou ses partenaires afin qu’il(s) ré- alise(nt) un test de dépistage et éventuellement, qu’il(s) suive(nt) un traitement; - se vacciner contre le Papillomavirus (recommandé aux jeunes filles entre 12 et 14 ans) et contre l’hépatite B.

En Belgique 

34 % des patients souffrant d’une IST ont moins de 25 ans. La chlamydia est l’IST la plus fréquente en Belgique, suivie par la gonorrhée et la syphilis. Le nombre moyen d’enregistrements de cas de  chlamydia par an augmente de 16 %. En 2015, la plus haute incidence pour cette IST a été observée chez les femmes âgées de 15 à 29 ans.  La gonorrhée présente également une tendance continue à la hausse depuis 2002. En 2015, elle  principalement été rapportée chez les hommes de 20 à 39 ans. Le nombre de cas de syphilis augmente aussi. La syphilis est surtout observée chez les hommes de 20 à 59 ans. Le papillomavirus (HPV) est responsable de plus de 70% des cancers du col de l’utérus. En 2013, 2/3 des patientes atteintes d’une infection à Chlamydia ou gonorrhée ont été diagnostiquées alors qu’elles ne signalaient aucune plainte ni symptôme. La Chlamydia est une des IST qui peut être asymptomatique: souvent on ignore qu’on est infecté. Afin d’enrayer la propagation de la maladie, un dépistage de routine est recommandé pour les adolescent.e.s et les jeunes adultes (15-29 ans) sexuellement actifs.  

Bref historique du VIH

1980: Les tout premiers cas sont détectés au États-Unis par le Docteur Gottlieb. 1981: Début officielle de l’épidémie. Les chercheurs définissent cet ensemble de symptômes inhabituels regroupés sous l’acronyme SIDA. Mise en avant de la transmission sexuelle du virus. 1982: Isolation du virus par l’équipe du professeur Montagnier de l’Institut Pasteur. 1983: Mise au point du premier test de dépistage Elisa. Création de la première association belge de lutte contre le Sida en Communauté française de Belgique: Appel Homo Sida. 1985: Première Conférence Mondiale sur le Sida (Atlanta). Principe de Denver: premier recueil de droits des personnes vivant avec le VIH. Mise en place systématique de dépistage des dons de sang en vue d’éliminer les risques de transmission. 1986: 1er essais cliniques sur l’utilisation des antirétroviraux et commercialisation un an plus tard (l’objectif principal des antirétroviraux est de stopper la propagation des virus dans l’organisme). 1987: Création en Belgique d’associations provinciales et d’organismes thématiques de lutte contre le VIH. 1988: Création de la première Journée Mondiale de Lutte contre le Sida à la date du 1e Décembre, à l’initiative de l’OMS. 1991: Naissance du ruban rouge en tant que symbole mondiale de lutte contre le Sida. Création du GNP+: premier réseau mondial de personnes vivant avec le VIH. L’OMS estime à 14 millions le nombre de personnes vivant  avec le VIH dans le monde. Création de l’agence de Prévention SIDA en Belgique (supprimée en 1996). 1996: Arrivée des premières bithérapies et trithérapies1 qui améliorent la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. Premier test de charge virale approuvé aux États-Unis.2 1997: Généralisation de l’usage de TPE jusque là réservé uniquement aux professionnels de la santé. Le traitement post-exposition ou traitement d’urgence est délivré dans les 24 h (au maximum dans les 48h) après une prise  de risque pour éviter une éventuelle contamination par le VIH. Diminution du nombre de nouveaux cas de personnes dépistées positives en Belgique, avec 698 diagnostics pour cette année (recrudescence dès l’année  suivante). 1998: Première recommandation de l’OMS sur la prévention de la transmission de la mère à l’enfant. 2000: Création de la Plate-Forme Prévention Sida, en réaction à la recrudescence de la maladie et sa banalisation. 2003: L’OMS lance l’objectif de 3by5 (Objectif: 3 million de personnes sous traitement en 2005). 2007: 33,2 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde. 2008: Le remboursement du TPE est annoncé à l’occasion de la Journée Mondiale du Sida. 2009: Amélioration du traitement qui permet une prise en une seule dose. Augmentation du seuil à partir duquel les personnes vivant avec le VIH sont mises sous traitement. 2011: Reconnaissance du Traitement comme Prévention (TASP)3. 2012: En Belgique, la plus haute incidence a été observée, avec1222 nouveaux cas diagnostiqués en cours d’année. 2014: 36,9 million de personne vivant avec le VIH dans le Monde. L’ONUSIDA se fixe un nouvel objectif pour 2020 dans la lutte contre l’épidémie à VIH qu’il résume par la formule: «90-90-90» (90% des personnes infectées  dépistées, 90% de ces personnes misent sous traitement, 90% qui atteignent une charge virale indétectable). 2014: Généralisation en Belgique de l’utilisation des tests de dépistage de 4e génération (test réalisé grâce à une prise de sang et dont le résultat est fiable 6 semaines après la prise de risque) et utilisation des tests de  dépistage à résultat rapide - TROD (Le résultat est obtenu après quelque minute). 2016: Le premier autotest de dépistage du VIH est désormais disponible en pharmacie en Belgique sans prescription médicale. En 2016, 915 infections par le VIH ont été diagnostiquées en Belgique, ce qui correspond à 2,5  nouveaux diagnostics par jour en moyenne. 2017: L’utilisation du Truvda pour la PrEP est remboursée en Belgique (la PrEP s’adresse aux personnes qui n’ont pas le VIH et consiste à prendre un médicament antirétroviral afin d’éviter de se faire contaminer). Consensus mondial "Indétectable = Intransmissible" signée par un très grand nombre d'associations, de scientifiques et de médecins4.   1. Association de plusieurs antirétroviraux agissant à différentes étapes pour stopper la prolifération du virus dans le corps. 2. La charge virale est le nombre de copies d’un virus (VIH, VHB…) dans un volume de fluide (sang, sperme, salive…) donné. 3. Plusieurs études ont montré que lorsqu’une personne séropositive prend un traitement anti-VIH de manière efficace et qu’elle a en plus une prise en charge globale, cette personne, et son/ses partenaire(s) bénéficient d’une très bonne protection contre la transmission du VIH lors de relations sexuelles sans préservatif. 4. Lorsqu’une personne sous traitement antirétroviral a une charge virale indétectable pendant plus de six mois et qu’elle maintient une charge virale indétectable grâce aux soins réguliers qu’elle reçoit, elle ne transmet pas, avec ou sans condom, le VIH à ses partenaires sexuels.

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