La prévention, avant tout!

Samedi 11 mai 2013

Le 11 mars dernier, au Sacré-Cœur de Lindthout, à Woluwe-Saint-Lambert, 20 policiers de la zone Montgomery contrôlaient les élèves dans les classes de 4e, 5e et 6e secondaire, à la demande de la direction. La consommation de cannabis dans le parc de l’école est, selon le directeur, un phénomène qui se banalise et ne relève pas de la compétence du corps professoral.
Cet événement a relancé le débat autour des interventions policières au sein des établissements scolaires.

La circulaire PLP 41

Le 7 juillet 2006, le ministre de l'Intérieur publiait la circulaire ministérielle PLP 41 en vue du renforcement et/ou de l’ajustement de la politique de sécurité locale ainsi que de l’approche spécifique en matière de criminalité juvénile avec, en particulier, un point de contact pour les écoles. Cette circulaire a pour objet des mesures concernant la violence, les menaces avec violence, l’extorsion (le « steaming »), la détention d’armes par les jeunes. Elle organise quatre catégories de mesures, dont des mesures d’accompagnement pour garantir un environnement scolaire sûr. Bien que la police ne puisse à elle-seule assurer un environnement scolaire sûr, il revient à la police, écrivait le ministre de l'Intérieur, de mettre en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour assurer la sécurité dans les écoles. Dans cette optique, il convient de concrétiser des mesures d’accompagnement basées sur le « Community Policing ». Ceci implique notamment l’établissement de partenariats entre les écoles et la police, l’installation d’un point de contact de la police au sein des établissements scolaires. Celui-ci a pour objet de développer des conventions pratiques relatives à :
  • l’absentéisme scolaire (transmission d’informations sur les jeunes en décrochage scolaire, approche commune en la matière) ;
  • des infractions telles que les faits de drogue, de violence, de vols ;
  • la façon de prendre contact rapidement avec les services de police en cas de besoin ;
  • la façon d’établir les accords pour qu’ils aboutissent à une convention écrite largement diffusée dans les écoles.
Depuis l'application de la circulaire, les opérations de police ont plus que doublé dans les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles. De 64 en 2007, on est passé à 157 en 2012. Utiles ou traumatisantes, les points de vue divergent.

Des opinions différentes

Le directeur du Sacré-Cœur de Lindthout justifie l'intervention policière dans son établissement en signalant qu'un travail de prévention a été mené auprès de ses élèves, grâce au concours de la police fédérale, et que « c'est le devoir de l'école, dans le cadre de l'éducation, de faire prendre conscience qu'il y a des choses qu'on ne peut pas tolérer. »Il ajoute: « Si je demande une intervention, que je ne vais pas avec les agents en classe et que je laisse ensuite les choses comme cela, oui, c'est traumatisant. Mais, ici, chaque équipe a été accompagnée d'un membre de la direction, chaque groupe a été directement pris en charge dès la sortie des policiers, et un courrier a été distribué à l'ensemble des élèves de l'école et à leurs parents, de façon à expliquer le comment et le pourquoi, et à avoir un vrai dialogue avec les jeunes. Jamais nous n'aurions envisagé ce genre d'opération sans en assurer le suivi. » Pour Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant, ce type d'intervention est « humiliant » et « dégradant »: « La question de la toxicomanie est à prendre avec sérieux. Et compromettre le capital confiance qui existe au sein des lieux d'éducation et d'instruction me semble dangereux. » Et de rappeler qu'il existe d'autres acteurs de prévention, tels que des points d'appui pour les écoles, des centres PMS, des services spécialisés subsidiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour la ministre Marie-Dominique Simonet, « l'école est avant tout un lieu éducatif fondé sur la confiance entre les membres de la communauté scolaire. Le rôle de la police est important mais l'usage de ses services doit être mesuré. » « La légitimité et la pertinence d'une intervention policière à l'école doivent toujours être interrogées pour ne pas mettre à mal cette indispensable relation de confiance. », a-t-elle ajouté après avoir été interpellée sur le sujet au parlement. Pour la ministre, « la prévention doit rester prioritaire. » Elle a d'ailleurs annoncé la publication prochaine d'un « guide pratique » abordant la prévention et la gestion des violences en milieu scolaire, une partie de ce guide étant consacrée aux assuétudes.

L'avis de la Ligue

En novembre 2006, la Ligue de l'Enseignement et de l'Education permanente, asbl, avait pris position par rapport à la circulaire PLP 41. Pour la Ligue, il ne fait pas de doute que la sécurité des personnes et des biens constitue un des fondements des sociétés démocratiques et que, de ce point de vue, ce qui est vrai de la sécurité publique en général doit également se vérifier dans les institutions scolaires. La fermeté doit-elle pour autant nécessairement conduire et légitimer une présence permanente de la police dans l’enceinte même des établissements scolaires ? La Ligue ne le pense pas. Signalons tout d’abord que beaucoup de faits de délinquance à l’égard des personnes ou des biens se font dans l’environnement extérieur de l’école. Si un renforcement de la présence policière est requis, c’est donc d’abord, semble-t-il, dans le voisinage de l’école et pas nécessairement à l’intérieur de celle-ci. Pour ce qui concerne les faits survenant dans les écoles, La Ligue rappelle tout d’abord que les communautés éducatives disposent de toute une panoplie de moyens pour faire face aux situations et exercer leur responsabilité éducative, en ce compris des moyens de punition. La présence policière dans l’école peut sembler à cet égard, dans la majorité des cas, disproportionnée. Et si jamais elle ne l’était pas, la possibilité pour le chef d’établissement de faire appel à la police demeure ouverte. Pour la Ligue, il est clairement de la responsabilité du chef d’établissement d’estimer et de décider, au cas par cas, si le recours aux forces de police est opportun ou non. La présence permanente de la police au sein des bâtiments scolaires risquerait au contraire d’apparaître comme un aveu d’impuissance des communautés éducatives et d’affaiblir l’impact de l’action de la police quand elle s’avère nécessaire. Mieux vaudrait renforcer le cadre des éducateurs au sein des écoles que de vouloir imposer des antennes de police dans les écoles. Valérie Silberberg, responsable du secteur Communication   Sources: – Circulaire ministérielle PLP 41 du 7 juillet 2006 en vue du renforcement et/ou de l'ajustement de la politique de sécurité locale ainsi que de l'approche spécifique en matière de criminalité juvénile avec, en particulier, un point de contact pour les écoles; – Drogue: la police doit-elle intervenir à l'école?, in La Libre Belgique, 19 mars 2013; – Drogues à l'école: Simonet recadre, in Le Soir, 30 et 31 mars 2013; – La sécurité des personnes et des biens, à l'école aussi!, in Eduquer n°57,  

Du même numéro

Articles similaires