Joëlle Milquet démissionne, Marie-Martine Schyns reprend du service

Lundi 2 mai 2016

Inculpée, début avril, pour une affaire d’emplois fictifs, la ministre de l’Enseignement obligatoire, Joëlle Milquet (cdH), a annoncé sa démission. L’instigatrice du Pacte d’Excellence est remplacée par Marie-Martine Schyns (cdH, elle aussi) à nouveau appelée en renfort.
Lundi 11 avril, à l’occasion d’une conférence de presse, Joëlle Milquet, alors ministre de l’Education, de la Culture et de l’Enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles, a fait part de sa démission, annonçant elle-même son inculpation. Elle est soupçonnée de prise illégale d’intérêt, en vertu de l’article 245 du Code pénal, pour une affaire de collaborateurs fantômes. Que s’est-il passé ? Dans deux articles, datant des 7 et 14 février 2014, le magazine Le Vif/l’Express s’interrogeait sur l‘engagement, à quelques mois des élections, de huit nouveaux collaborateurs, comme conseillers ou experts, par Joëlle Milquet, alors ministre de l’Intérieur et de l’Egalité des Chances. La plupart auraient été candidats ou élus cdH lors des élections communales de 2012, à Molenbeek, Anderlecht, Saint-Josse, Bruxelles, etc., précisément les cœurs de cible de la future candidate Joëlle Milquet aux élections législatives.[1] Fin janvier 2015, une instruction judiciaire est ouverte. En juin 2015, des perquisitions sont menées au cabinet et aux domiciles des collaborateurs, suspectés d’avoir travaillé pour la campagne électorale pendant leurs heures de services. Le 16 février 2016, l’ex ministre est longuement auditionnée (17h en tout !) par le conseiller Lugentz, et inculpée début avril. Rappelons que inculpation ne signifie pas culpabilité. La ministre, qui reste présumée innocente, ne manque pas de se défendre, en conférence de presse et via communiqués, face à la décision d’inculpation prise par le Conseiller instructeur. Selon elle, l’inculpation est « basée sur des griefs inexacts et fondée sur une interprétation inédite et contestable de l’article 245 du Code pénal, appliqué pour la première fois à un ministre et à son cabinet ». Et la ministre de continuer sur son site Internet: « Je ne peux accepter que mon honnêteté, jamais remise en cause en 20 ans de vie politique, soit mise en question par un seul acte de procédure de cette manière et sans fondement (…) Je n’ai rien à me reprocher et j’affirme n’avoir commis aucune infraction ni aucune illégalité dans le dossier qui est instruit à ma charge. Et je le démontrerai avec toute l’énergie dont je suis capable. Je n’ai jamais sciemment posé le moindre acte dont j’aurais pu imaginer qu’il puisse enfreindre la loi. »

Quid du Pacte d’Excellence ?

Rappelons que depuis mars 2015, sous l’impulsion de la ministre et conformément à la Déclaration de Politique Communautaire, un panel d’acteurs et d’actrices du monde de l’enseignement, issus tant de la société civile, que du monde académique et politique, se concertent en vue d’atteindre les objectifs du Pacte d’Excellence, à savoir « renforcer la qualité de notre enseignement et renforcer son équité ». Dans son courrier adressé aux acteurs et actrices de l’enseignement, la ministre revient sur le Pacte et explique : « Je quitte mes fonctions avec une grande tristesse car je me suis investie sans compter et avec passion dans la réforme de l’enseignement, en lançant, avec l’ensemble des partenaires de l’enseignement, le Pacte pour en enseignement d’excellence qui constitue la reforme francophone la plus essentielle de la législature, que j’aurais souhaité, plus que tout, mener à son terme avec vous. » Elle ajoute : « Je me permets de vous demander de continuer à soutenir ce projet d’envergure, porté par un processus participatif sans précèdent car il est essentiel pour donner souffle à un nouveau projet pour l’école, ses nombreux acteurs et primordialement pour ses élèves. »

Les réactions

Eugène Ernst (CSC-Enseignement), interrogé par Belga, voit dans la démission surprise de la ministre de l'Education une « source d'inquiétude », notamment pour la conclusion du Pacte pour un enseignement d'excellence qu'elle a initié : « Qui va manœuvrer cet énorme paquebot maintenant? ». De même, les députés Christos Doulkeridis et Barbara Trachte (Ecolo) estiment eux aussi, dans un communiqué, qu’ « il est hors de question que tout ce travail, réalisé par des acteurs de terrain, soit gâché », et rappellent que « c’est donc au gouvernement, et au cdH en particulier, d'assurer un suivi de ce travail. » « L'enseignement, la culture et l'enfance méritent la plus grande attention et des solutions doivent être rapidement trouvées pour que ces portefeuilles soient correctement gérés », insistent-ils. Du coté de Pascal Chardome (CGSP-Enseignement), que nous avons pu contacter, les inquiétudes concernent moins le Pacte d’excellence puisqu’il est « sur les rails, le groupe central doit maintenant finaliser l’avis au gouvernement », mais plutôt le cours de citoyenneté qui doit voir le jour à la rentrée 2016 (on ne sait toujours pas qui va dispenser ce cours), la réforme des titres et fonctions, ainsi que la réforme de la grille horaire du qualifiant. La FAPEO (Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel) rappelle, quant à elle, dans un communiqué, les nombreux chantiers en cours, le Pacte d’excellence et le cours de citoyenneté, bien sûr, mais aussi d’autres dossiers urgents qui attendent des réponses : - la pénurie de places dans les écoles, dès la maternelle, et la gestion de l'anticipation des besoins d’écoles ; - le décret « inscription » : le manque de places « désirables » pour les parents puisque toujours 1.264 élèves sont sans école pour la prochaine rentrée en première année du secondaire (le nombre augmente d'année en année) ; - les mesures liées au risque de fuites durant les épreuves certificatives de juin ; - les mesures de sécurité liées à la menace terroriste et la tendance à exclure les parents de l'école entravant le dialogue famille-école, individuel et collectif. Une ancienne ministre de l’enseignement aux commandes Suite à la démission de Joëlle Milquet, le président du cdH, Benoit Lutgen, a nommé la députée Marie-Martine Schyns, ministre de l’Enseignement. Ancienne enseignante et cheffe du groupe cdH au Parlement de la Communauté française depuis 2014, elle avait déjà occupé la fonction pendant un an, de l’été 2013 à l’été 2014, remplaçant Marie-Dominique Simonet, démissionnaire pour raisons de santé. Tout le portefeuille de la ministre Milquet ne lui incombe pas, puisqu‘on retrouve Alda Greoli, actuelle cheffe de cabinet chez Maxime Prévot (Vice-Président et ministre des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale et du Patrimoine), à la Culture et à la Petite enfance. Notons que Roberto Galluccio, administrateur-délégué du Cpeons (l’enseignement des communes et des provinces), cité par La Libre Belgique du 16 avril, expliquait à son sujet, se souvenant de son dernier mandat en tant que ministre de l’Enseignement obligatoire: “On remarquait qu’elle était fortement marquée par son réseau qu’est le réseau libre (…) Sur le dossier des cours de citoyenneté, par exemple, on la sentait un peu juge et partie.” A voir donc, quelles seront les suites pour les différents chantiers en cours. Juliette Bossé, secteur Communication [1] [1] Le Vif ,11/04/2016.

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