DOSSIER: Histoire du féminisme en Belgique: reconnaître un héritage

Jeudi 19 décembre 2019

Le mouvement #MeToo s’inscrirait dans ce que l’on appelle la «quatrième vague féministe». Il est donc l’héritage de luttes menées par différentes générations de femmes depuis plus d’un siècle.

Il est incontestable que le féminisme, ou plutôt les féminismes»[1], sont revenus depuis quelques années sur le devant de la scène. Pour preuve, la manifestation contre les violences faites aux femmes du 24 novembre qui a réuni plus de 10 000 personnes à Bruxelles (deux fois plus que l’année dernière)[2]. Notons aussi, dernièrement, l’immense portée du témoignage de l’actrice Adèle Haenel contre le réalisateur Christophe Ruggia ou l’appel au boycott par des groupes féministes du film J’accuse de Roman Polanski, cible d’une dizaine d’accusations pour viols de la part de femmes (pour la plupart mineures au moment des faits)[3]. Autre exemple fort, le 25 novembre, suite à la disparition de plusieurs militantes, le collectif Lastesis au Chili dénonçait par un chant et une chorégraphie les viols et féminicides dont l’État est complice: la vidéo est devenue virale et a été vue presque deux millions de fois. Ajoutons que le terme «féminisme» est revendiqué haut et fort par nombre de femmes, et même par des hommes. Dans une interview donnée le 28 novembre, l’écrivaine Annie Ernaux expliquait pourtant que «dans les années 90, se dire féministe était pratiquement impossible. On vous regardait comme un dinosaure»[4]. En 2004 encore, les auteures de l’ouvrage Le Siècle des féminismes évoquaient «un féminisme qui fait peur et prête à confusion». Ainsi, l’engagement des femmes diffère selon les époques, tous comme ses enjeux. On parle alors de différentes «vagues féministes» qui correspondent à des moments de fortes mobilisations. À l’heure de cette «quatrième vague féministe», il nous a donc semblé intéressant de revenir sur l’histoire des femmes en Belgique, afin de mieux comprendre l’héritage qui traverse les luttes actuelles. Citons, pour l’occasion, Mona Bailey qui écrivait en 1997: «Lorsque les jeunes féministes ignorent le travail fait précédemment par les féministes, non seulement elles se privent d’outils valables, mais elles contribuent au mouvement de backlash qui veut enterrer l’histoire et la signification du féminisme. Les féministes plus âgées ne devraient pas passer pour des radoteuses nostalgiques quand elles rappellent aux plus jeunes le travail déjà fait. Toutefois, les féministes plus jeunes ne devraient pas être trop rapidement qualifiées de gamines ingrates et ignorantes quand elles abordent le féminisme de leurs mères d’un regard critique.» Nous ne pourrons, bien sûr, pas être exhaustif·ve·s tant il y a à dire sur le sujet, sans compter qu’il existe nombre d’ouvrages complets. Toutefois, nous espérons exposer en quoi ces luttes ont bouleversé les fondements de la société belge. Nous évoquerons les transformations en termes de droits (droits de vote, accès à toutes les professions, égalité de droits juridiques, droits à l’avortement, etc.), les évolutions de mentalité amorcées par les mouvements féministes, ainsi que les idéologies et résistances auxquelles se sont heurtées les militant·e·s. Nous reviendrons enfin, avec l’historienne Sophie Pereira, sur le mouvement #MeToo et ses correspondances avec les mobilisations antérieures. Pour finir, ajoutons qu’au regard de l’histoire des mouvements féministes, il est passionnant de constater la façon dont les rôles et statuts des femmes ont évolué en un peu plus d’un siècle, preuve en est que les mobilisations collectives paient et qu’il est possible, en peu de temps, de changer la donne.

Juliette Bossé, responsable de la revue  

[1] Selon Ute Gerhard, sociologue allemande, il parait plus juste de parler de «féminismes» au pluriel, tant «les formes d’expression, de mobilisation varient d’un courant à l’autre, d’une époque à l’autre, d’un pays à l’autre» (Le Siècle des féminismes). 2004 [2] Le rassemblement a d’ailleurs abouti au dépôt d’une proposition de loi par des députés PS et Défi, visant à inscrire le féminicide dans le code pénal. [3] Ce qui n’a pas empêché le film de réaliser, en date du mercredi 12 novembre, le troisième meilleur démarrage à Paris intramuros pour un film français depuis le début de l’année [4] France Inter, 28/11/2019.

 

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déc 2019

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