Covid-19: quels enjeux et impacts pour les 18- 25 ans?

Lundi 14 décembre 2020

La crise sanitaire et le premier confinement ont durement touché les jeunes adultes, tant économiquement que socialement. Ils occupaient déjà les emplois les plus précaires mais avec la pandémie, des jeunes se retrouvent sans aucun revenu, ni filet de sécurité, et les effets sur leur santé mentale commencent à se faire ressentir.
Bien qu’ils courent moins de risques de développer des formes graves de Covid-19, les jeunes adultes qu’ils/elles soient étudiant·e·s, travailleur·se·s, chercheur·se·s d’emploi sont plus impacté·e·s que tous les autres groupes par les retombées économiques de la pandémie. La crise sanitaire a amplifié les tendances qui préexistaient, notamment les bas salaires, la stagnation du marché du travail et l’augmentation de la dette étudiante. Selon l’OCDE[1] , les jeunes de moins de 25 ans sont 2,5 fois plus susceptibles d’être sans emploi, en raison de la pandémie, que les 26-64 ans. L’OCDE indique également que parmi les jeunes qui travaillent encore, près de la moitié ont signalé une réduction de leurs revenus, les jeunes femmes et les personnes occupant des emplois moins rémunérés étant les plus durement touché·e·s. Les jeunes sont plus nombreux à occuper des emplois précaires et ce sont ces types d’emplois qui ont été supprimés en premier. L’IDD, Institut de Développement Durable indique que ces jeunes adultes représentent «un peu moins de 50% des emplois en CDD et des emplois intérimaires». Aussi, l’économiste Philippe Defeyt, administrateur à l’IDD précise que «L’activité de 50% des jeunes de moins de 30 ans se concentre dans cinq secteurs d’activité, à savoir commerce de gros et de détail, activités de services administratifs et de soutien (qui comprend l’Intérim), l’enseignement, les activités médico-sociales et sociales et l’administration publique. De plus, les secteurs occupés principalement par les plus jeunes sont ceux qui risquent de subir de plein fouet la crise[2].» Il ajoute que «Lorsqu’un employeur va se retrouver en difficulté, il va d’abord supprimer les heures supplémentaires puis diminuer les contrats précaires. Pour l’employeur, par exemple, supprimer un emploi intérimaire, ça ne lui coûte rien. Si la crise continue, on ne remplace pas les CDD et seulement ensuite on commence à licencier les personnes salariées. Et lors de la reprise, on fait exactement l’inverse».

Plus à risque face à la crise

Déjà avant la crise, une fois la majorité acquise, les jeunes sont davantage livrés à eux-mêmes. Les familles se désolidarisent et l’offre de protection de la société vis-à-vis des jeunes est moins garantie, de sorte que bien souvent, soit ils/elles n’ont pas suffisamment travaillé pour recevoir une allocation de chômage, soit ils/elles ne remplissent pas les conditions pour avoir droit à une allocation d’insertion, ou encore, les revenus des autres membres de leur ménage ne sont pas assez bas pour pouvoir accéder aux aides sociales du CPAS. Cette période d’entre-deux est déjà une difficulté en soi. Avec la pandémie, d’autres difficultés se sont ajoutées : mauvaises conditions pédagogiques avec un enseignement hybride et toutes les difficultés que cela comporte, difficultés à trouver des lieux de stage, crise de l’emploi, construction identitaire mise à mal par toutes les contraintes liées au Coronavirus, comme obéir aux règles sanitaires, affronter la solitude et/ou un retour en famille.
Depuis le début de la pandémie, des millions de jeunes adultes à travers le monde sont revenus habiter chez leurs parents. Aux États-Unis, la proportion des 18-29 ans vivant à la maison n’a jamais été aussi élevée. Du côté des étudiant·e·s, la Fédération Francophone des Étudiant·e·s, la FEF, rappelait dans un communiqué du 25 novembre dernier que «la crise sanitaire ne fait qu’exacerber cette réalité et les inégalités présentes dans l’enseignement supérieur. Une année d’étude coûte entre 8.000€ et 12.000€, obligeant un étudiant sur quatre à travailler pour payer ses études. Alors qu’une majorité d’étudiants bénéficient de la solidarité familiale pour payer leurs études, la précarisation de la société, dû à la crise sanitaire, aura un impact sur l’accessibilité à l’enseignement supérieur». Pour les jeunes issus de milieux précarisés, elle peut s’avérer encore plus éprouvante.

Des mesures difficiles à vivre

Parallèlement à cette réalité économique, il y a une réalité psychologique dont on commence enfin à se préoccuper. Beaucoup de jeunes vivent le confinement comme une forme de sacrifice. La COCOM, Commission Communautaire Commune a mené une enquête[3] auprès des jeunes Bruxellois·e·s afin de savoir comment ils vivaient le confinement. «Abandonnés et incompris. Souvent présentés comme insouciants et parfois même ’inconscients’, les jeunes qui ont participé à l’enquête se révèlent au contraire pleins de gravité face une pandémie qui a bouleversé leur vie au-delà de l’imaginable. Tristesse, solitude, incertitude, frustration, découragement et colère sont les émotions qu’ils/elles ont confiées au moment des entretiens approfondis». Plusieurs enquêtes ont révélé qu’après le premier confinement déjà, les jeunes étaient plus nombreux à être victimes de montées d’angoisses, de diminution du temps de sommeil, d’une peur d’un ébranlement de leur santé mentale et/ ou d’une augmentation des pratiques addictives. Selon une étude de l’OCDE intitulée «Youth and COVID-19: Response, recovery and resilience», datant de juin 2020, la première préoccupation des 15-29 ans est devenue leur santé mentale (pour 55% d’entre elles/eux), avant la question de l’emploi et même de l’éducation. Depuis le 2e confinement, on constate une augmentation importante des demandes de soins pour troubles anxieux, phobies et autres peurs. Aussi, un contexte anxiogène est forcément plus difficile à vivre pour les personnes fragiles socialement qui sont plus à risque de développer des troubles psychiques, ce qui est le cas des jeunes adultes.

Santé mentale et discours politique

«S’il y a une chose positive dans la crise actuelle, c’est qu’au moins, on parle de la santé mentale». C’est ainsi que Yahyâ Hachem Samii, directeur de la Ligue bruxelloise pour la santé mentale a introduit son intervention le 12 novembre dernier devant les membres de la commission spéciale COVID du Parlement bruxellois[4]. Selon lui, les termes de «santé mentale» ont trop longtemps été associés à la folie et la maladie mentale, alors qu’il s’agit d’une branche de la santé au sens large. Dans une interview accordée le 7 décembre au journal Le Soir, Yahyâ Hachem Samii insiste sur la portée des mots utilisés depuis des mois par les hommes et femmes politiques. «Certains ou certaines ne mesurent pas l’impact de certaines sorties, de certains propos. Les débats politiques continuent de fonctionner selon une politique spectacle classique, à un moment où ce n’est pas possible (…) Lorsqu’il y a des crises globales comme celle du Covid ou celle de 2008 avec la crise financière, les effets sur la santé mentale arrivent dans un deuxième ou troisième temps et sont durables. Par exemple, la crise de 2008 a généré sur les années qui ont suivi une hausse importante de troubles de santé mentale en Belgique, soit directement liés à la crise, soit au contexte qui a résulté de cette crise. Ce que l’on craint, c’est que dans les années qui viennent, on assiste à une hausse progressive mais sensible et qu’on reste à ce nouveau niveau pendant très longtemps».

Les jeunes sont «le trou noir de la protection sociale»

Pour l’économiste Philippe Defeyt, ces jeunes sont «les trous noirs de la protection sociale». «Ils ne bénéficient d’aucun revenu d’insertion, d’aucune allocation-chômage ou encore d’aucun revenu d’intégration (…) ce n’est pas digne d’une société comme la nôtre de laisser une situation pareille». Selon lui, il ne faut néanmoins pas parler de «génération sacrifiée». «Les jeunes vont finir par trouver un emploi, mais cela va durer plus longtemps. Il y a le double problème de ceux qui vont perdre leur emploi et de ceux qui ne vont pas en trouver».   Maud Baccichet, secteur communication Abdel de Bruxelles, illustration

Pour que les étudiant·e·s ne tombent pas dans la précarité

Du côté des politiques, peu de mesures ont été prises pour soutenir ces jeunes. On note tout de même les propositions de deux députés CDH, Gladys Kazadi et Christophe De Beukelaer, qui avancent plusieurs pistes pour venir en aide aux étudiant·e·s touché·e·s par la crise du coronavirus: - Raccourcir le stage d’insertion professionnelle à 6 mois, au lieu d’1 an, pour permettre aux jeunes diplômé·e·s de recourir à des aides financières plus rapidement; - supprimer la limite d’âge de 25 ans pour pouvoir bénéficier des allocations d’insertion professionnelle; - mettre en place un système de chômage alimenté par le Fédéral pour les étudiant·e·s qui ont perdu leur job à cause de la crise. Pour la plupart d’entre eux/elles, ces jobs leur permettaient de financer leurs études et de subvenir à leurs besoins quotidiens.

France: limiter l’impact social de la crise du Covid

En France, le gouvernement a annoncé à la mi-avril, une aide aux ménages les plus modestes (allocataires des minima sociaux) de 150 euros, plus 100 euros par enfant, pour un total de 880 millions d’euros distribués à 4 millions de foyers. Mais ces aides centrées sur les familles, n’étaient pas accessibles aux jeunes de moins de 25 ans. Une aide «exceptionnelle» de 200 euros a tout de même été versée en juin à quelque 800.000 jeunes de moins de 25 ans «précaires ou modestes», qui n’étaient pas éligibles aux autres aides octroyées depuis le début de la crise épidémique.
  [1] Organisation de coopération et de développement économiques. [2] Emploi: Les jeunes, «trou noir de la protection sociale», risquent d’être les plus durement frappés par la crise. Johanna Bouquet. RTBF, 2/07/20. [3] Enquête qualitative menée auprès d’un panel représentatif de Bruxellois âgés de 18 à 25 ans, interrogés entre le 4 et le 13 novembre par le bureau d’études Marescon. [4] Santé mentale en temps de COVID: les jeunes particulièrement fragiles, 1/12/20, BX1.

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