Améliorer l’enseignement des langues modernes en FWB

Mercredi 7 novembre 2018

Dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, des enseignant·e·s du primaire au supérieur, un chef d’établissement, des conseillères pédagogiques, une inspectrice, plusieurs académiques, se sont réunis pendant plusieurs mois pour réfléchir ensemble à la façon d’améliorer l’apprentissage des langues modernes… Voici leurs propositions!

Fin 2015, la ministre de l’époque, Joëlle Milquet, chargeait un panel d’experts d’élaborer un plan d’action visant à améliorer la qualité de l’enseignement des langues étrangères en Fédération WallonieBruxelles. Le groupe de travail langues modernes (GTLM ci-après) a établi une liste de priorités allant en ce sens. Elles concernent différents aspects et sont classée en trois niveaux, en fonction de leur importance.

Formation initiale

De l’avis unanime du GTLM, il faut avant tout autre chose améliorer la formation initiale et continue de tous les enseignants en vue d’atteindre l’excellence linguistique et le professionnalisme pédagogique et renforcer l’accompagnement des nouveaux enseignants, comme facteurs positifs pour la motivation, l’estime de soi et une meilleure image dans la société. La formation initiale doit garantir une maîtrise de deux langues étrangères à un niveau B2, au minimum, pour les cinq compétences, grâce notamment à une mobilité rendue obligatoire, à l’instar de ce qui est exigé des étudiants traducteurs et interprètes et à une présence accrue d’enseignants locuteurs natifs dans les hautes écoles et les universités. Sur le plan pédagogique, elle doit comprendre l’appropriation des référentiels et des programmes, l’approche par compétences, la planification des apprentissages, l’élaboration de séquences didactiques, les méthodes d’évaluation, une solide formation à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) et une formation pratique renforcée, notamment par les stages. De la qualité de cette formation initiale dépendront l’aisance des enseignants dans leur métier, leur plaisir d’enseigner et le sens de l’autonomie qu’ils se devraient, conformément aux nouveaux référentiels, d’inculquer aux élèves.

Formation continue

Pour optimaliser la formation continue il faudrait mettre en place un système de mentorat avec des référents formés et valorisés, et créer dans chaque école un espace de coordination « langues » (coordinateur + plages horaires pour concertation structurelle). Afin d’entretenir les capacités linguistiques acquises en formation initiale, il serait judicieux d’encourager et de faciliter la mobilité des enseignants. Pour rendre la formation continue tout simplement possible et attractive, il faut envisager le remplacement des enseignants partis en formation par des étudiants, et la valoriser, par exemple, en proposant des formations certifiées semblables, sur le principe, à celles organisées par l’Institut de formation de l’administration fédérale (IFA). Tout doit être mis en œuvre pour que la quête d’excellence des enseignants puisse se réaliser grâce à l’apprentissage tout au long de la vie, sur le plan de la maîtrise linguistique et sur celui de l’expertise pédagogique. Enfin, il conviendrait de renforcer l’accompagnement des enseignants effectué par les conseillers pédagogiques, en appui du système de mentorat et de la coordination pédagogique évoqués plus haut. Il faut notamment veiller à ce qu’il y ait un nombre suffisant de conseillers pédagogiques dans tous les réseaux d’enseignement. Les propositions d’actions formulées à l’égard de la formation et de l’accompagnement des enseignants sont inspirées par la conviction du GTLM qu’en matière de langues modernes, un enseignement d’excellence n’est envisageable que si la culture professionnelle des enseignants, encore fortement marquée à l’heure actuelle par l’individualisme et la stagnation, se mue progressivement en culture de la collaboration et de l’évolution, garantes de motivation et d’expertise.

En matière de langues modernes, un enseignement d’excellence n’est envisageable que si la culture professionnelle des enseignant·e·s, encore fortement marquée à l’heure actuelle par l’individualisme et la stagnation, se mue progressivement en culture de la collaboration et de l’évolution, garantes de motivation et d’expertise.

Nouveaux référentiels

Concernant les priorités de rang 2, La première des actions à mener avec ce niveau de priorité consiste à finaliser et à mettre en œuvre dès que possible les nouveaux référentiels de compétences, conçus dans l’esprit du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), parce qu’ils représentent l’atout le plus puissant dont nous disposions, pour améliorer à brève échéance la qualité de l’enseignement des langues et l’efficacité des apprentissages linguistiques en FWB.

Spécificité bruxelloise

La seconde serait de prendre en compte la spécificité de l’enseignement des langues en région bruxelloise. Actuellement, la totalité des attendus stipulés dans les référentiels est identique pour les deux régions alors que la différence d’heures de cours organisées en primaire dans chacune d’elles, est considérable. Il conviendrait dès lors de revoir le cadre légal pour pouvoir intégrer la spécificité de Bruxelles et adopter des référentiels en phase avec la disparité des situations d’enseignement/apprentissage dans la Fédération.

Organisation des cours

Pour les priorités de rang 3, le premier axe de travail à ce niveau-ci concerne la révision de l’organisation générale et des conditions de travail. Il s’agit entre autres de revoir les grilles horaires du fondamental, d’éviter le changement de langue choisie initialement, de dédoubler les classes surpeuplées pour au moins une période/ semaine afin de pouvoir exercer efficacement l’expression orale, et d’introduire un cours de langue au 3e DP comme suite de la formation au 2e degré.

Expression orale

Il est urgent de simplifier les échanges linguistiques et de se libérer de la contrainte des 90% de participation afin de pouvoir multiplier les occasions pour les élèves de pratiquer la langue cible en dehors de l’école. Il serait judicieux de recourir plus souvent aux auxiliaires de conversation afin de confronter les élèves à des locuteurs natifs et à leur culture. Enfin, il faudrait favoriser l’innovation pédagogique et permettre le recours à des méthodes d’apprentissage prenant en compte les découvertes récentes en neurosciences, les besoins de différenciation, l’attrait des langues ou la nécessité de développer l’autonomie des élèves.

Évaluation

Le deuxième axe porte sur l’évaluation. La mise en œuvre rigoureuse des référentiels devrait idéalement s’accompagner d’un système d’évaluation externe garantissant que les niveaux qui y sont définis soient effectivement atteints. Pour ce faire, le GTLM estime indispensable la création à terme d’un organe semblable au Centraal instituut voor toetsontwikkeling (CITO) aux Pays-Bas. En attendant ou à brève échéance, il recommande vivement la réactivation de la Commission des outils d’évaluation qui serait amenée à travailler selon un cahier de charges adapté au nouveau contexte induit par les référentiels. À plus brève échéance encore, il y aurait moyen de réintroduire le portfolio et d’opter pour des bulletins rendant compte de l’évaluation formative. Le GTLM insiste pour que soient améliorées les conditions de passation des épreuves d’expression orale, car le cadre légal ne permet aucunement de rencontrer les exigences des référentiels en la matière.

Équipement

Le troisième axe porte sur la modernisation de l’équipement des écoles en matière de TICE en particulier. Sur ce plan, la FWB accuse un retard considérable par rapport aux régions et pays limitrophes. Si nous voulons proposer un enseignement qui fasse sens pour les élèves et susciter chez eux le désir ou plaisir d’apprendre, le recours généralisé aux technologies de l’information et de la communication (TICE) est une voie incontournable. Sur le plan de la didactique des langues, l’outil informatique représente non seulement un facteur de motivation de première importance, il permet aussi d’envisager sérieusement l’approche différenciée ainsi que la prise d’autonomie, et d’augmenter l’attrait des langues étrangères et leur pratique en dehors de la classe de cours.

Immersion

Comme quatrième axe prioritaire, le GTLM propose de favoriser et de repenser l’enseignement par immersion ou enseignement de matières par l’intégration d’une langue étrangère (EMILE). Il serait opportun d’appliquer les recommandations de l’Organe d’observation et d’accompagnement de l’apprentissage par immersion et de créer une agrégation de l’enseignement en immersion ou, dans l’attente d’une telle création, de reconnaître officiellement les certificats de formation continue en la matière, organisés en FWB et à l’étranger.  

Philippe Anckaert, Haute École Francisco Ferrer - TRADITAL, ULB

nov 2018

éduquer

141

Du même numéro

Une vague verte sur les écoles?

Une vague verte a déferlé sur Bruxelles et dans les Provinces wallonnes, provoquant ci et là, des changements importants dans les majorités communales. Que peut-on attendre de celles où Ecolo aura la ...
Lire l'article

Un film pour raconter son histoire

À travers le film d’animation «Vivre dans un autre pays», les femmes du cours d’alpha-FLE de la Ligue de l’Enseignement, encadrées par l’équipe de Smala Cinéma, racontent leur exil, les séparations fa...
Lire l'article

Quelques faits sur les langues

  Non, les Diables Rouges ne se parlent pas en anglais! Dans son livre paru en juin dernier («Belgium. Une utopie pour notre temps»[1]), Philippe Van Parijs propose l’anglais comme langue commune en...
Lire l'article

Articles similaires